Les Mythomanes : autopsie de quatre mythes sur la scène du Théâtre Denise Pelletier

Stéphanie M. Germain, Blaise Tardiff, Geneviève Bélisle, Joël Melançon, Frédéric Paquet, Eloi Cousineau
Stéphanie M. Germain, Blaise Tardiff, Geneviève Bélisle, Joël Melançon, Frédéric Paquet, Eloi Cousineau

Et si Cendrillon, Dracula, le lycanthrope et Samson n’existaient pas ?

C’est de ce postulat qu’est parti Jean-Guy Legault pour créer Les Mythomanes, sur scène jusqu’au 1er mars dans la salle Fred-Barry du Théâtre Denise Pelletier.

Le co-fondateur du Théâtre des Ventrebleus s’est attaqué à quatre mythes populaires, desquels il a tiré l’essence qui leur est associée pour ensuite mieux les re-créer en les transposant dans notre société, les transformant au passage en figures contemporaines stéréotypées.

Constatant qu’on perçoit les autres par rapport à leur paraître et les pare souvent de personnalités plus grandes que nature et qui répondent sans qu’on s’en aperçoive à ses propres désirs inassouvis, Jean-Guy Legault s’est mis lui aussi à inventer des vies à des hommes et des femmes qu’on pourrait croiser aujourd’hui, les élevant à travers ses mensonges -construits en toute conscience- à des personnes imaginaires moins petites que ce qu’elles pourraient être dans la vraie vie.

Tentés par la petite voix intérieure qui dit toujours oui, les désormais personnages se font prendre sans y faire attention et commencent à croire à la perception séduisante qu’on a d’eux et à ses on-dits.

Les Mythomanes sont nés et tous vont rapidement déraper, ne pouvant que devenir les traits caricaturés des mythes que leurs vanités ont participé à créer.

Ainsi, la Suprême Miss de beauté verra sa plastique d’escort-girl enlaidie par la chirurgie, le cruiseur tatoué passera sa crise de la quarantaine en deuil sur sa moto de chauve-souris, le paranoïaque de la réalité appellera à lui sur la Toile la meute d’identités sans vie et le lutteur presque tueur sous stéroïdes perdra sa virilité avec l’apparition de sa calvitie.

Spectrale, la voix sans corps d’un animateur radio qui n’aspire qu’à être reconnu de visu par n’importe qui les accompagnera aux portes de leurs enfers respectifs, où les attend la faiseuse de mythomanologies.

Si la pièce est séduisante sur le papier, son propos à l’intérêt et au potentiel avérés, Les Mythomanes manquent pourtant d’ampleur et de portée.

On a ainsi moins l’impression d’assister à l’autopsie de mythes populaires réincarnés qu’à la mise en situation de stéréotypes éculés.
Certes, l’intention de Jean-Guy Legault n’est pas de représenter Cendrillon, Dracula, le lycanthrope et Samson mais d’en proposer des parodies modernisées.

Mais justement, tout le malaise est là.
Pour les nommer crûment, la poupée Barbie, l’épais, le trouillard et l’abruti manquent de par leur conception de hauteur et en sont alors réduits à des gens de tous les jours que la trame de la pièce maintient dans un ordinaire auquel on aurait plutôt préféré un imaginaire moins facile et plus élevé.

Mises à part à quelques réussites, l’accumulation d’illustrations sur écrans et d’accessoires de bal costumé, loin de mettre en valeur mais amoindrissant au contraire l’importance des acteurs, contribue à donner l’impression d’assister au spectacle d’un humoriste pointant sans trop d’élégance quelques caractères de ses contemporains et dont les traits certes comiques n’ont pour toute puissance qu’un impact terre-à-terre et instantané.

Les acteurs sont quant à eux sympathiques et coulés dans leur rôles colorés ; de leurs prestations, on retiendra surtout le sourire désenchanté de la Miss sans dentier Stéphanie M. Germain, le cri stressé du somnambule paranormal Eloi Cousineau et la danse spectrale du drapé Joël Melançon.

Au final, on passe tout de même un bon moment mais on ne peut s’empêcher d’être déçu une fois le rideau retombé, sachant ce que Les Mythomanes promettaient sur le papier.

Distribution : Geneviève Bélisle, Eloi Cousineau, Stéphanie M. Germain, Joël Melançon, Frédéric Paquet, Blaise Tardif

Texte et mise en scène : Jean-Guy Legault
Assistance à la mise en scène et régie : Maryline Gagnon
Scénographie et accessoires : Julie Rousseau
Costumes : Fruzsina Lanyi
Eclairages : Maryline Gagnon
Projections : Michel Antoine Castonguay
Trame sonore originale : Joël Melançon

Crédits photographiques : Geneviève Bélisle