Un seul Québécois à TED en 30 ans!

Mars et Avril de Martin Villeneuve
Mars et Avril de Martin Villeneuve

Il y a un an, jour pour jour, Martin Villeneuve montait sur la prestigieuse scène de TED. « C’était une expérience surréaliste, se souvient-il. Tellement de gens influents dans la salle jugent la performance : Al Gore, Bono, Peter Gabriel, Kathleen Kennedy, pour ne nommer que ceux-là. À TED, on a une chance et une chance seulement,this is it! ». Un an plus tard, il récolte encore les fruits de son passage à TED. Vue plus d’un million de fois sur Internet – dont 812 000 fois sur TED.com – sa conférence a fait le tour du monde et est maintenant sous-titrée en 25 langues. Le distributeur américain Gaiam, présent à TED en février 2013, a rapidement flairé la bonne affaire. « Grâce à mon ‘TED Talk’, poursuit-il, Mars et Avril jouit d’une incroyable visibilité internationale et est maintenant distribué en ligne sur plusieurs plateformes numériques majeures. Le film est définitivement en train de se rembourser, si ce n’est déjà fait. Ironiquement, très peu de cet argent revient dans les poches des Canadiens, puisque le distributeur est Américain… C’est d’autant plus incroyable pour un film indépendant tourné en fran- çais et sous-titré en anglais ! On le surnomme désormais le “film impossible”, et ce n’est pas pour rien. »

Le film de Martin Villeneuve n’a malheureusement pas su trouver son public au Québec, victime notamment d’une distribu- tion déficiente. « On a placé le film en salle pendant 3 semaines sur seulement 5 écrans, puis après on s’étonne qu’il n’ait pas performé au Box-Office et on a découragé les gens d’aller le voir, » s’exclame-t-il. « Certains distributeurs et exploitants de salles au Québec décident à l’avance de ce que les Québécois doivent aller voir, et plus souvent qu’autrement ils se trompent puisque la vérité est que personne ne sait ce qui va fonctionner ou non. Ils semblent parfois oublier que la vie d’un film est longue et qu’il peut avoir un second souffle sur la scène internationale. C’est très difficile pour un film indépendant qui n’a pas d’argent de se faire voir. Mais les modèles que nous connaissons sont en train de basculer, et Mars et Avril en est une autre preuve vivante. »

Dans tous les festivals où le film se promène à travers le monde et remplit des salles depuis bientôt 2 ans, les journalistes questionnent Martin à savoir s’il s’attendait à autant de reconnaissance pour un premier long métrage. « Ce qui est étonnant, dit-il, c’est qu’au Québec ce ne fut pas le cas. Nul n’est prophète en son pays. Au Québec certains critiques ont été très sévères et n’ont pas su, je pense, entrer dans le film. Il y a une sorte de rejet ici car Mars et Avril est à contre-sens de tout ce qui se fait au Québec où on produit très souvent des films tournés vers le passé, des drames noirs ou des comédies. Heureusement, ailleurs la réaction fut diamétralement opposée. » Mars et Avril, dont la première mondiale a eu lieu au prestigieux Festival de Karlovy Vary en République tchèque en juillet 2012, poursuit sa tournée après avoir été présenté dans plus de 20 festivals internationaux. Le prochain en lice sera le 29e Festival international de cinéma de Guadalajara, au Mexique, qui se déroulera du 21 au 30 mars prochain et où le Québec sera à l’honneur cette année.

Faire plus avec moins a la cote aujourd’hui à Hollywood, ce qui explique sans doute le succès des cinéastes québécois chez nos voisins du sud. Avec sa conférence, « Comment j’ai réalisé un film impossible », Martin Villeneuve illustre brillamment ce phénomène. Les portes d’Hollywood se sont-elles ouvertes pour autant ? « Il y a un projet dans l’air, dit-il, mais il est encore trop tôt pour en parler. » Pour l’heure, Martin se concentre sur deux projets qui lui tiennent à cœur et dont il est l’auteur : Aquarica, un film d’animation en images de synthèse en collaboration avec les artistes de bande dessinée belges François Schuiten & Benoît Sokal, et Imelda, un court métrage de 15 minutes qu’il vient tout juste d’achever et dans lequel il fait ses débuts comme acteur.

Aquarica au Marché Frontières 2014 Aquarica a obtenu l’appui de la SODEC en développement en 2013. Le scénario est maintenant terminé et le projet vient d’être sélectionné au Marché Frontières qui se tiendra au Festival international du film fantastique de Bruxelles (où Mars et Avril avait été présenté l’an dernier), du 10 au 12 avril 2014 ! Frontières est le premier marché à se concentrer spécifiquement sur la coproduction de cinéma de genre entre l’Amérique du Nord et l’Europe, et Martin Villeneuve espère y trouver les partenaires nécessaires au montage financier du film. Aquarica est une aventure fantaisiste au sous-propos écologiste, à propos d’une jeune femme qui veut sauver son monde menacé par les changements climatiques.

L’équipe de rêve réunie avec Imelda Martin Villeneuve réunit à nouveau son équipe de Mars et Avril – le directeur photo et producteur Benoît Beaulieu, le com- positeur Benoît Charest, le monteur Mathieu Demers, le concepteur sonore Olivier Calvert, le mixeur Luc Boudrias, la costu- mière Mariane Carter, le chef coiffeur et maquilleur Richard Hansen, et la société de postproduction Vision Globale – pour créer un court métrage de fiction unique en son genre, une comédie dramatique à propos d’une vieille dame très spéciale. Cette fois-ci, pas d’effets visuels ni de monde futuriste au programme, néanmoins le “cinéaste de l’impossible” rendu célèbre par son passage à TED explore une nouvelle voie. Non seulement a-t-il écrit, réalisé et produit le film, mais il fait aussi ses débuts comme acteur avec Imelda, en incarnant sa propre grand-mère ! Danny Lennon de Prends ça court ! se charge de la distribution et souhaite que ce court métrage soit présenté dans le plus grand nombre possible de festivals en 2014-2015. Mais Imelda ne devrait pas être la dernière fois que nous aurons l’occasion de voir la grand-mère de Martin au grand écran, puisque le jeune cinéaste est en train d’écrire le scénario d’un long métrage basé sur le personnage.