Au Théâtre Hector-Charland: Un bel hommage à Félix Leclerc

aubergeIl faut d’abord saluer le Théâtre Hector-Charland de l’Assomption pour avoir eu la bonne idée de faire revivre une pièce de théâtre de Félix Leclerc, L’Auberge des morts subites, créée en 1963 au Gésu à Montréal. Cette initiative est d’autant plus pertinente qu’elle nous rappelle le centième anniversaire de naissance du grand Félix en août prochain, sa mort il y a 25 ans et la création de cette pièce il y a 50 ans.

Celui qu’on appelait affectueusement Félix avec beaucoup de respect n’a pas été qu’un auteur-compositeur reconnu dans toute la francophonie, il a été également un dramaturge prolifique et L’Auberge des morts subites a été l’une des 15 pièces qu’il a écrites entre 1947 et 1974. Probablement la plus jouée aussi puisqu’on l’a présentée une centaine de fois au Gésu et au Monument National. Qu’en est-il aujourd’hui, 50 ans plus tard ? C’est sûrement ce que de nombreux lecteurs voudraient bien savoir. Laissez-moi d’abord vous raconter une histoire. J’ai vu la création de cette pièce avec mon ami Serge Lamoureux (devenu journaliste au quotidien Montréal-Matin, quelques années plus tard), un dimanche après-midi alors que j’étais adolescent boutonneux. C’était à l’époque où j’avais décidé de ne plus assister à la messe dominicale, en cachette de mes parents qui croyaient que j’irais en enfer si je n’allais pas me faire sermonner par le curé de notre petite église de l’est de Montréal.

Eh bien ! Croyez-le ou pas, j’ai revu L’Auberge des morts subites avec ce même Serge Lamoureux, mon ami d’enfance, 50 ans plus tard, récemment au Théâtre Hector-Charland à l’Assomption. Je revivais une partie de mon adolescence en revoyant cette pièce ainsi qu’en regardant en passant des vieux documents exposés à l’entrée du théâtre en plus d’entendre les chansons de Félix Leclerc interprétées par Stéphan Côté et Gaétan Leclerc avant et après la présentation.

Je vous raconte tout ça pour vous placer dans le contexte où cette pièce a été écrite. Moi j’étais traumatisé par cette idée de ne plus aller à la messe au début des années 60 et peut-être d’oublier cette perspective d’aller au ciel. Une décision déchirante à l’époque. Et Félix qui était très pratiquant lui aussi était hanté par cette autre vie après la mort. Il faut dire que toute notre éducation était basée sur la religion judéo-chrétienne. Et 50 ans plus tard ce n’est plus le cas d’une nouvelle génération.

Bien sûr que j’ai entendu dire après la représentation que la pièce était dépassée et qu’elle ne voulait plus rien dire à cette nouvelle génération. Et pourtant, Serge et moi, avons suivi avec intérêt cette image d’une société inquiète, comique et touchante à la fois par son questionnement sur les choses de la vie.

La comédienne Michèle Deslauriers a fait preuve à mon sens d’un courage exceptionnel en donnant un rythme et des couleurs modernes à une œuvre bien ancrée dans son époque. Soulignons d’abord que cette artiste qui maîtrise si bien l’humour (on l’a vue à la télé et entendue à la radio) a su tirer le meilleur des comédiens sur scène. Robert Brouillette qui interprète la diable lui-même, est remarquable et énergique, fluide, terrifiant, ratoureux dans le rôle de celui qui veut corrompre les personnages qui hésitent avant d’aller au ciel parce qu’il y a tout de même de belles passions à vivre sur terre. Tous ces personnages sont morts évidemment et doutent du bonheur céleste en oubliant parfois les misères humaines surtout lorsqu’ils sont tentés par les aguichantes Dolorès et Ange-Aimée campées par Chantal Baril et Anie Pascale. Gary Boudreault pour sa part qui interprète l’Habitant est tenté par le pouvoir et la politique et Stéphan Côté qui joue l’Anglais avec l’accent d’un gars de l’Ontario veut retourner chez lui pour faire des affaires. Of course. Mais celui qui m’a surpris, c’est André Lacoste, la victime de Martin Matte dans les annonces de Honda qui se glisse sous la soutane du frère André, nommé dans la pièce frère Amédée. Et je n’oublie par Jean Maheux, excellent dans le rôle de l’Intellectuel et Pierre Gendron, représentant de Dieu dans la peau de Célestin. Excellente performance de tous ces comédiens même si parfois on saisit mal le texte dans la rapidité du jeu.

Le décor me semble ancien, céleste, vaporeux. Tout ce qu’il fallait faire dans le contexte religieux. La musique moderne détonnait dans le cadre de cette foi ancienne ainsi que le cellulaire utilisé par les personnages. Mais ce qui reste, c’est la satire sur le comportement des hommes, leur cupidité leurs ambitions et leur orgueil démesuré. Allez voir parce que finalement, le théâtre c’est autre chose qu’un spectacle à la mode.

Notes : L’Auberge des morts subites de Félix Leclerc, présentée au Théâtre Hector-Charland à l’Assomption du 12 au 28 juin, du jeudi au samedi à 20h 30.