Être connu comme le Loup Bleu est en passe de devenir l’expression consacrée. La compagnie qui nous a offert les Essais de Montaigne, en 2008, s’attaque maintenant à une autre montagne, russe cette fois. Le Théâtre du Sous-marin jaune et sa célèbre marionnette de Loup Bleu présentent Guerre et Paix, de Léon Tolstoï au Théâtre de la Bordée cet automne.
Sur fond de guerres napoléoniennes du début du XIXe siècle, ce roman historique magistral (près de 2000 pages) fut publié sous forme de feuilletons entre 1865 et 1869.
Qu’on se le dise, l’adaptation du Loup bleu n’est pas juste une série de silhouettes en carton, un ours qui parle ou la comète de 1812. En effet, bien que l’univers des marionnettes soit omniprésent, le Loup bleu profite de cette saga historique pour nous poser des questions, en arrêtant parfois la représentation pour ces capsules philosophiques : tout est-il joué d’avance? Nous demande Loup bleu, notre destin individuel suit-il le même cheminement que celui de notre nation, notre libre arbitre nous rend-il vraiment libre? En plus d’un divertissement empreint de drôlerie, même dans les moments dramatiques, c’est une leçon sur le déterminisme historique et la vérité.
D’un point de vue de la scénographie, on peut constater une utilisation brillante des accessoires, mentionnons par exemple le lit, au centre de la scène, qui fait tour à tour office de lit, table, champ de bataille, etc. Il y a beaucoup de changements, déplacements des décors à mesure que la pièce avance, mais cette plongée dans l’envers du décor ne vient pas troubler la pièce, et la fait même avancer, dans le sens où cela pourrait correspondre à des passages de descriptions dans le roman (les feuilles tombent, la bataille se prépare).
L’autre aspect formidable de la pièce réside dans le fait que, passé les premières minutes d’étonnement face à des marionnettes, on ne remarque même plus les marionnettistes. Il m’a semblé que Loup bleu existait au-delà d’Antoine Laprise, ou que le personnage de Pierre ne nécessitait pas d’aide pour se mouvoir.
On constate donc l’utilisation de procédé en apparence simple (marionnette, décor en carton) pour retranscrire, savamment, puissance et horreur de la guerre, philosophie, et histoire. Le tout de force résidant dans le fait qu’en plus de résumer cette saga en 100 minutes, ça reste distrayant, spirituel, et même enlevant
Une plongée historique sous forme de vulgarisation nous permet d’entr’apercevoir la réalité d’une époque et d’en apprendre plus sur l’histoire russe contemporaine à la lumière du passé, comme en témoigne le chandail de Loup bleu, au nom des Pussy Riot.
La conclusion par Tolstoï lui-même nous prouve que, même s’il a renié son œuvre, il n’aurait certainement pas renié cette adaptation truculente du Loup bleu.
Guerre et Paix sera présenté du 28 octobre au 22 novembre 2014 au Théâtre de la Bordée.
Représentations à 19h30 (Excepté le mardi 11 novembre à 13h)
Durée : 1 h 30 sans entracte
Théâtre du Sous-Marin Jaune: http://www.loupbleu.com/Le_Sous-marin_jaune.html
Programmation du Théâtre de la Bordée: http://www.bordee.qc.ca/
Crédit photo: Nicola-Frank Vachon
Texte : Louis-Dominique Lavigne et Loup bleu, d’après Tolstoïn, L
Mise en scène : Antoine Laprise
Assistance à la mise en scène : Diane Fortin
Avec
Paul Patrick Charbonneau
Antoine Laprise
Jacques Laroche
Julie Renault
L’équipe de concepteurs :
Décor et lumières : Christian Fontaine
Accessoires et assistance au décor : Erica Schmitz
Assistance aux accessoires et décor : Marcel Coulombe et Valérie Gagnon-Hamel
Conception des marionnettes et costumes : Stéphanie Cloutier
Environnement sonore : Martin Tétreault
Fabrication des marionnettes : Stéphanie Cloutier, Amélie Montplaisir et Laurelou Famelart
Coupe des costumes : Julie Sauriol
