Mes enfants n’ont pas peur du noir, le premier texte de Jean-Denis Beaudoin

La mère et Joe
La mère et Joe

La Bête noire présente Mes enfants n’ont pas peur du noir au théâtre Premier Acte de Québec. Du 18 novembre au 6 décembre 2014, Jean-Denis Beaudoin et Maxime Beauregard, comédiens qu’on a pu remarquer dans la pièce Trick or Treat l’an passé, sont de nouveau réunis sur scène, aux côtés d’artistes bien campés dans la dramaturgie de Québec : Lise Castonguay, Jocelyn Pelletier, Laurie-Ève Gagnon. Nicolas Létourneau y joue aussi un rôle de figurant. Jean-Denis Beaudoin, le jeune acteur tout frais sorti du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec, nous livre son premier texte.

Joe et Sam vivent seuls en forêt avec leur mère, éloignés de toute civilisation. Leur père les a abandonnés sans raison apparente il y a dix ans aujourd’hui. Sam, mythomane, taquine toujours son frère, le provoque, le dénigre, le cherche, jusqu’à le trouver. Il manipule son frère en y rappelant ce qui s’est passé il y a plusieurs années, lorsqu’ils étaient enfants et en se victimisant  devant sa mère.  Leur mère, musardant toute la journée avec son verre de vin et ses clopes devant la télé depuis dix ans, n’exerce aucune autorité sur ses fils. Et il y a Joe, tête de Turc de sa famille malgré sa bonne volonté. Assailli par les railleries de Sam et par ses visions nocturnes, il perd souvent son sang-froid et culpabilise par la suite. Aujourd’hui, on ne fête pas seulement la décennie de l’abandon du père, on fête l’arrivée de Sara, la copine de Joe, qui bouleversera la dynamique familiale et déclenchera une série de souvenirs douloureux.

Mes enfants n’ont pas peur du noir est une tranche de vie réaliste d’une vie de famille sclérosée où la solitude contraint ses membres à s’affronter. Témoins d’une relation fraternelle amour-haine comme on rencontre fréquemment dans les foyers, les spectateurs assistent aux querelles violentes répétées des frères au terme de disputes, de cris incessants issus d’un oui ou d’un non. Une pièce cacophonique qui représente exponentiellement la propre enfance de Jean-Denis Beaudoin,

Jocelyn Pelletier, alias Sam
Jocelyn Pelletier, alias Sam

semble-t-il. Pour trouver sa voie dramaturgique, le jeune acteur s’est non seulement inspiré de sa vie, mais du conte des frères Grimm, Hansel et Gretel ainsi que celui du Petit Poucet. C’est une fois épurée que cette pièce ne garde que des clins d’œil subtils à l’univers des contes. Dans les bois pendant la nuit, il arrive parfois des choses fâcheuses où chacun fait ce qui lui plaît et où des ombres rôdent…

Le décor représente bien l’ambiance mystérieuse de la pièce : des planches de bois verticales ici et là sur la scène et les accessoires, tous noirs. Les bouts de bois comme des arbres ou des murs… La mise en scène illustre l’absence de limites psychologique et physique entre la forêt et la maison, puisqu’on n’y trouve pas plus de réconfort dans un endroit ou l’autre. Les deux univers se chevauchent, il fait aussi froid et noir dans la maison que dehors. C’est ainsi que le monde de Joe bascule, perdu dans les bois, comme lorsqu’il était jeune. Il côtoie de plus en plus ses visions et la folie l’emporte de plus en plus loin de la réalité jusqu’à ce que le noir l’enveloppe au complet.

Mes enfants n’ont pas peur du noir est une pièce à la symbolique et l’intertextualité intéressantes, mais où les chicanes fraternelles exacerbantes prennent beaucoup de place et deviennent lassantes. La cigarette, un accessoire très utilisé tout au long du scénario, à Premier Acte, vient vite frôler les narines du public, malgré lui plongé dans une salle enfumée. Les amateurs de théâtre réaliste y trouveront leur compte et Jean-Denis Beaudoin vient d’y trouver sa voie.

Mise en scène : Édith Patenaude

Costumes et accessoires : Karine Mecteau Bouchard

Éclairage et décor : Jeff Labbé

Conception musicale et sonore : Uberko

Crédit photos : Cath Langlois photographe

www.premieracte.ca