Entrevue avec les artisans de la pièce Le Chant de Meu présentée à Premier Acte du 10 au 14 février 2015

Jean-René Moisan, Martin Dubreuil et Benoit Desjardins
Jean-René Moisan, Martin Dubreuil et Benoit Desjardins

Du 10 au 14 février prochains, le Théâtre Premier Acte présente la première pièce écrite par Robin Aubert, mise en scène par Benoit Desjardins de la compagnie Noble théâtre des trous de siffleux, et mettant en vedette Martin Dubreuil et Jean-René Moisan. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le metteur en scène et les 2 acteurs, lors de leur journée de répétition de la pièce à Québec.

Synopsis

Cette pièce intimiste, fidèle à l’univers de Robin Aubert, s’ouvre sur la vie d’Alain, un homme, fin de la trentaine, habitant un petit village. Au beau milieu de la nuit, il cogne à la porte de son chum Marco; il vient pour se cacher. Le corps taché de sang, Alain raconte le début de sa soirée au bar du coin à parier avec Boilard sur le gagnant du concours de panaches. Bien sûr, il est question de chasse, de boucherie, des pick-ups, de l’automne et ses champs gris. Cette autre culture porte son lot de subtilités et de silences. Ce ne sont pas la chasse, le sang ou les coups de feu qui sont fondamentalement violents, mais plutôt les amitiés perdues, la trahison et le vide entre deux « presque » frères qui tentent de se rapprocher.

Voici mon entrevue avec eux : 

Benoit Desjardins
Benoit Desjardins

Benoît Desjardins (Mise en scène) 

Le Noble théâtre des trous de siffleux est une compagnie de recherche théâtrale en milieu rural fondée en 2001 par Benoît Desjardins et Silène Beauregard, tous deux diplômés de l’École nationale de théâtre du Canada. Il a pour but de porter un regard résolument moderne sur des enjeux actuels et bâtit des ponts entre différentes formes d’art et différents univers. Cette compagnie puise son inspiration dans un milieu forestier et agricole, tout en cultivant un théâtre marqué par la poésie et la recherche esthétique.

Comment est venue cette collaboration avec Robin Aubert et cette décision de faire la mise en scène de sa première pièce? « Tout a commencé par un message Facebook, alors qu’on avait approché Robin pour un autre projet en fait. Mais il ne pouvait pas. Il nous a alors parlé d’un texte qu’il était en train d’écrire. Il connaissait déjà le type de théâtre que nous faisions et il nous a envoyé son texte et on est tombé en amour avec ce texte… Et maintenant, cela fait deux ans, on a présenté la pièce dans notre campagne à Mont-Laurier, ensuite par deux fois on a fait une série de représentation au théâtre Prospéroà Montréal  et là, on va faire notre 45e représentation à Premier Acte à Québec. »

Et comment s’est fait le choix de Martin, Hubert et éventuellement Jean-René pour les 2 rôles? « On avait besoin de 2 acteurs, car c’est une pièce à deux rôles. On voulait deux acteurs de style vraiment GARS. Je ne connaissais pas Martin, mais je l’avais vu dans 10½ et je l’avais trouvé écoeurant! Et en plus j’avais lu dans un article qu’il disait ne pas vouloir faire l’école de théâtre, mais plutôt apprendre à jouer différemment et j’avais trouvé ça très intéressant. Et pour Hubert qui est originaire de Québec, c’est un ami avec qui j’ai fait l’école Nationale de théâtre, et je trouvais qu’il avait toute la sensibilité du personnage. Et pour Jean-René, c’est Hubert qui lui a proposé de reprendre le rôle à Québec, car il savait qu’il pourrait être à la hauteur du personnage! »

Votre compagnie de théâtre existe depuis 2001, mais on la connaît peu ici, puisque vous êtes situé à Mont-Laurier, en milieu rural (mais vous faites un saut à Montréal à l’occasion). C’est la première fois qu’une de vos pièces est présentée à Québec? Venir jouer dans notre petit théâtre à Québec, vous trouvez ça comment? «Je capote! Lorsque j’ai terminé l’école Nationale, j’ai choisi de retourner chez nous à Mont-Laurier pour travailler. C’est une ville de 13 000 habitants avec la fusion. Donc pour nous, de venir jouer à Québec, c’est toute une grosse ville!  Et l’équipe du théâtre est super chaleureuse. Pour nous, c’est une semaine de pur bonheur! Et la salle est parfaite pour nous. Autant Marc Gourdeau à la direction que tout le monde de la production que de la communication ont été hyper chaleureux avec nous. On se sent très bien reçu. Et on a hâte de voir ce que les gens de Québec vont penser de notre pièce. Car c’est drôle, mais lorsqu’on a joué la pièce dans notre milieu rural à Mont-Laurier, il y a des choses dans la pièce qui touchent plus les gens en milieu rural. Puis, quand on a présenté la pièce à Montréal, dans la ville, les gens ont aussi été touchés, mais différemment peut-être. Car ça se passe dans un milieu rural, mais le sujet est d’abord et avant tout l’amitié entre deux gars. Et en fait sur la rupture d’amitié (pour ne pas dire la peine d’amour en amitié). Et cela peut se passer autant à Montréal, New York ou Venise ou Chibougamau ou dans un village de campagne… On nous a reproché un peu que cette pièce est plutôt violente (un concours de panache, Alain arrive couvert de sang, ) ou c’est vrai. Mais cela est comme la violence apparente. Cette pièce n’est pas que ça. Il y a en fait beaucoup de tendresse et la vraie violence arrive avec la rupture d’amitié. Et là tu vois que tu peux être très proche de quelqu’un, puis survient un événement qui est l’élément déclencheur de la cassure entre deux amis et ensuite, ils n’arrivent même plus à se parler. Et c’est de ça que ça parle dans la pièce. »

Jean-René Moisan
Jean-René Moisan

Jean-René Moisan: 

Tu dois reprendre le rôle qu’a joué Hubert Proulx à Montréal. Est-ce plus énervant, difficile de reprendre ainsi le rôle que quelqu’un d’autre vient de jouer? Et est-ce que tu as vu la pièce avant, ou tu préférais ne pas la voir et créer ta propre idée du rôle? « Ce n’est pas plus énervant. Et ce n’est pas la première fois que je remplace des acteurs qui ont joué un rôle dans une pièce. Et en plus, dans ce cas-là, le travail de construire le rôle et la pièce a déjà été fait, on a moins de travail à faire. On répète moins et je me suis fait déjà donné toute l’intelligence du texte et comment doit être mon personnage. Et je suis même allé voir la pièce à Montréal quelques fois. Malgré ça, je vais y aller avec ma propre proposition, même si j’ai vu Hubert faire de quoi d’excellent. De toute façon, je ne pourrais pas l’imiter, je ne suis pas bon dans les imitations. Je vais y aller bien humblement et tenter de reprendre son travail et de le rendre de mon mieux.»

Parle-moi un peu de comment tu vois ton personnage. Qu’est-ce qui te plaisait dans l’idée de jouer ce rôle? Jean-René « Quand on m’a appelé pour jouer ce rôle, j’ai d’abord dit oui, car j’étais intéressé de jouer avec du nouveau monde. Et en plus, je faisais confiance à Hubert qui me l’offrait. Je savais que cela devait être des plus intéressants. Je suis donc allé voir la pièce, avant de la lire et tout de suite cette pièce m’a parlé. Ce que ces deux gars-là vivent, en amitié cela me plaisait. Et c’est un beau rôle, avec beaucoup de possibilités de jeu. Et c’est tellement bien écrit. »

Martin : «C’est intense et profond. Robin y va dans les détails dans ce qu’il écrit.  De plus, Benoit, le metteur en scène a eu l’intelligence d’y aller dans le sous-texte et les non-dits qui se cachent derrière le texte. Les mots ne disent pas nécessairement ce que les personnages vivent et c’est ça qui est intéressant. »

Benoit : «Une des choses que Robin m’a dites, lorsqu’on s’est parlé de la pièce, c’est qu’il ne voulait pas que ses personnages passent pour des colons. Oui, ce sont des gars de région, ils sacrent et il y a de la boucherie dans la pièce, mais ce serait trop facile d’en faire une caricature ridicule. Ils sont intelligents, sincères, et ils ont une réflexion sur la vie.»  

Martin Dubreuil
Martin Dubreuil

Martin Dubreuil 

Connu pour plusieurs beaux rôles dans divers films :  Les 7 jours du talion, 10 et demi, La run, le soldat Tremblay dans Bunker  et le rôle de Félix dans le récent long-métrage Félix et Meira 

Vous avez joué dans multiples films et à la télé, mais c’est votre premier rôle au théâtre. Comment trouvez-vous l’expérience «J’avais joué dans trois pièces de théâtre amateur quand j’avais autour de 18 ans, et depuis les 20 dernières années, je n’avais pas rejoué et ça me manquait. Et c’est le coup de fil de Benoit Desjardins qui m’a décidé de revenir au théâtre. Je suis vraiment chanceux que ce soit en plus un texte de Robin Aubert. J’adore ça le théâtre, jouer devant un public et comme on est deux sur scène tout le temps, tu ne peux pas décrocher. C’est sûr qu’il y a eu une période d’adaptation, et d’apprentissage. Dans les répétitions, j’ai dû apprendre à me comporter différemment sur une scène que je ne l’aurais fait au cinéma. Mais cette pièce est l’idéal pour faire la transition du cinéma à la scène, car c’est une pièce intimiste, donc pas besoin de projeter trop la voix quand même. Et le texte est plus dans un langage normal parlé, même si c’est poétique. Ce n’est pas Les trois mousquetaires au Grand Théâtre par exemple, où là, la technique serait bien différente et plus difficile à maitriser. Mais reste que c’est comme de passer de sprinter au marathonien. Au cinéma, tu répètes une scène quelques fois, tu la joues quelques fois, puis elle est bonne et tu passes à autre chose.  Au théâtre, c’est toute la pièce que tu refais éternellement. En dernier, je n’en pouvais plus des répétitions. » 

Et là, vous reprenez la pièce, à Québec, mais avec Jean-René au lieu d’Hubert.  Vous ne vous connaissiez pas? La chimie est-elle au rendez-vous? Comment ça se passe entre vous deux? «On ne se connaissait pas effectivement, mais cela a cliqué tout de suite entre nous deux. On s’entend vraiment bien. Honnêtement, on n’a pas beaucoup répété ensemble encore (on est la veille de la première), mais on est confiant que ça va bien marcher. Cependant, j’ai remarqué, avec les quelques répétitions qu’on a eues, que j’ai changé ma façon d’interpréter mon propre rôle. Un acteur différent influence ton propre personnage. Donc, mon personnage d’Alain n’est pas tout à fait le même avec Jean-René que lorsque je jouais avec Hubert. J’ai donc bien hâte de découvrir mon nouveau Alain, au final, dans cette pièce à Québec. » 

N’êtes-vous pas stressé de ne pas avoir tant répété ensemble, si près de la première? Martin « C’est une chance que j’ai joué la pièce déjà plus d’une quarantaine de fois et que je n’ai plus aucun stress par rapport au texte. Je sais que la nervosité ne viendra pas me causer des blancs sur scène. »

Jean-René «Moi, c’est sûr que je ne l’ai pas joué encore, mais je suis très bien préparé. Je connais mon texte sur le bout des doigts pour l’avoir travaillé et retravaillé chez moi. » 

Vous avez le rôle-titre dans le film Félix et Meira. C’est la première fois que je vous vois dans un rôle plutôt sympathique, et même charmant. Comment trouvez-vous ça de jouer ce rôle complètement différent des hommes torturés, violents, durs que vous avez joué à ce jour? Est-ce plus difficile de jouer quelqu’un qui vous ressemble en fait? « Non pas du tout. C’est en fait pas mal plus facile. C’est le fun de jouer des méchants, des troublés, des malchanceux, des tordus, des désoeuvrés, mais c’est plus de travail aussi. Tu dois faire des recherches, trouver des références à ton personnage. Composer un rôle qui va être crédible à 100 %.  Tu dois aller chercher dans des zones plus sombres. Tandis que dans la vie je suis pas mal plus proche du personnage de Félix. Je suis respectueux et assez doux. Et de jouer un semblant de mon propre rôle, je ne sais pas si c’est parce que je n’ai pas de pudeur, en tout cas, je n’ai pas de difficulté à jouer ces rôles proches de moi. C’est sûr que Félix est encore plus doux que moi dans la vraie vie et Maxime Giroux (le réalisateur) était très exigeant sur le plateau. C’était plutôt ça le défi. De suivre ses multiples indications. Et comme on est comme deux frères dans la vraie vie, on se connaît trop, alors des fois, ça pouvait faire des frictions. »

Pour mon appréciation du film Félix et Meira : https://info-culture.biz/2015/01/29/felix-et-meira-de-maxime-giroux-sort-en-salle-des-le-30-janvier/#.VNk7JeaG-So 

Le Chant du Meu
Le Chant du Meu

La pièce Le Chant de Meu a d’abord été présentée du 29 octobre au 2 novembre  2013 à Kiamika (Mont-Laurier, Laurentides) puis à Montréal au Théâtre Prospero du 12 novembre au 30 novembre 2013 ainsi que du 18 novembre au 6 décembre 2014. Elle prend maintenant l’affiche au Théâtre Premier Acte à Québec du 10 au 14 février 2015

Les billets sont en vente en personne à Premier acte ou encore en ligne sur le site de Premier Acte ou sur le site Le Point de vente.

http://lepointdevente.com/

http://www.premieracte.ca/

PRODUCTION

Noble théâtre des trous de siffleux

TEXTE

Robin Aubert

MISE EN SCÈNE

Benoît Desjardins

SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES

Silène Beauregard

CONCEPTION DES ÉCLAIRAGES ET RÉGIE

Émilie Gendron

CONCEPTION SONORE

Maude St-Pierre

MUSIQUE ORIGINALE

Sylvain Lafontaine

DISTRIBUTION

Matrin Dubreuil

Jean-René Moisan

AVEC LES VOIX DE

Fred-Éric Salvail

Éloïse Boies

http://nobletheatre.weebly.com/

http://benoitdesjardins.weebly.com/

http://silenebeauregard.weebly.com/

Crédit photos : Robert Roussel