Judy Garland, la fin d’une étoile, au théâtre Jean-Duceppe

Judy Garland et son pianisteQui n’a fredonné un jour l’air de Somewhere over the Rainbow, la mélodie la plus célèbre du magicien d’Oz, le film qui pour une bonne part rendit célèbre Judy Garland ? En 1939, dans ce conte merveilleux que tout le monde ou presque a vu depuis, tant il fut diffusé et rediffusé sur toutes les chaines de télévision du monde, l’actrice n’avait que 17 ans. Une étoile naissait alors qui allait disparaître quelque 30 ans plus tard à Londres. C’est là, en 1968, que nous projette la pièce proposée par le Théâtre Jean-Duceppe à Montréal. L’actrice et chanteuse américaine Judy Garland considérée comme l’une des plus grandes artistes du moment va conclure son 4e ou 5e mariage – elle-même ne sait plus trop – et proposer ce qui sera son ultime tournée de concerts.

Dans une pièce très musicale de près de deux heures, trois acteurs excellents se partagent la scène pour raconter la fin tragique de la star. Judy Garland, magistralement interprétée par Linda Sorgini, est entourée de son jeune futur mari et imprésario Mickey Deans (Éric Robidoux) et de son pianiste préféré Anthony (Roger La Rue). Ils sont descendus au Ritz que la star n’a plus les moyens de payer. Elle est accompagnée de beaucoup plus de malles qu’il n’en faut pour contenir ses toilettes car il convient d’alimenter le mythe de la star hollywoodienne… Judy a déjà fait plusieurs tentatives de suicide par le passé et elle est de plus en plus dépendante des barbituriques qu’elle avale à tout bout de champ, et imprégnée d’alcool. Derrière ce portrait peu glorieux, il y a une femme débordante d’énergie et d’une incroyable fragilité qui finira par se briser et qu’on retrouvera morte dans la salle de bain, victime d’un mélange d’alcool et de médicaments dont elle abusait depuis déjà longtemps. C’est sans doute ce mélange qui l’a définitivement achevée, mais sa drogue principale, le regard d’amour que lui lance le public ne lui suffisait déjà plus à la maintenir vraiment vivante. Elle n’a plus la force de le satisfaire comme lorsqu’elle était plus jeune. Ses performances sont de plus en plus douloureuses et tout ce qu’elle avale pour tenir le coup détériore son cerveau et réduit encore ses possibilités. Ce cercle vicieux ne pouvait qu’entraîner sa chute. Pour nous les images et les enregistrements ont fixé l’aspect de la star au moment où elle brillait le plus, et il en reste des aspects dérisoires chez la femme vivante qui nous est présentée et qui va bientôt mourir.

Judy Garland en concertLa pièce en anglais, End of the Rainbow, écrite par Peter Quilter et traduite sous le titre de Judy Garland, la fin d’une étoile, par Michel Dumont, le directeur artistique du théâtre Jean-Duceppe, possède la qualité de fixer les derniers jours de Judy Garland tout en récapitulant ce que fut son existence entière. Dans de très beaux décors, essentiellement la suite du Ritz à Londres, où trône un piano à queue, et la scène d’un Music-hall, la mise en scène signée Michel Poirier montre une Judy Garland qui a su s’imprégner de toute la gestuelle qui fut la sienne, de son énergie et de son humour. Elle sait chanter et danser comme elle. Et la pièce possède la très grande qualité de restituer toute la fragilité de la femme dont tout le monde attend davantage que ce qu’elle peut humainement fournir. Car ce n’est pas parce que les stars brillent que nous les regardons mais plutôt parce que nous les regardons qu’elles brillent.

À un rythme effréné, dans un spectacle très agréable qui mêle dialogues, scènes d’amour, disputes – que j’aurais préféré entendre dans un français international comme le reste – et performances musicales et chantées, Judy Garland, la fin d’une étoile, nous permet aussi de réfléchir à ce que sont ces stars que l’on imagine éternelles mais qui ne le sont que grâce aux films, aux enregistrements et à nos souvenirs.

Judy Garland, la fin d’une étoile

Du 8 avril au 16 mai 2015 au théâtre Jean-Duceppe à Montréal

Informations http://duceppe.com/

Pièce de Peter Quilter, mise en scène de Michel Poirier, traduction de Michel Dumont

Avec Linda Sorgini, Roger La Rue, Eric Robidoux

Décor Olivier Landreville, costumes Pierre-Guy Lapointe, éclairages Lucie Bazzo, musique Christian Thomas, accessoires Normand Blaid

Assistance à la mise en scène Geneviève Lagacé

© photos: François Brunelle