Silent Night, un opéra écrit au XXIe siècle, sur un événement qui inaugure le XXe

Le couple de chanteurs d'opéra dans Silent Night Crédit : Yves Renaud
Le couple de chanteurs d’opéra dans Silent Night
Crédit : Yves Renaud

La création de nouveaux opéras ne s’est pas interrompue après Verdi et Puccini. Au XXe et au XXIe siècle encore, des artistes composent des opéras qui poursuivent la tradition classique tout en apportant l’innovation propre à leur époque. C’est le cas du jeune compositeur américain Kevin Puts, né en 1972. En collaboration avec le librettiste américain Mark Campbell, il a composé la musique de Silent Night, un opéra que l’on peut admirer à la salle Wilfrid-Pelletier de Montréal jusqu’au 23 mai.

Silent Night est le premier opéra composé par Kevin Puts, créé au Minnesota Opera en 2011 et qui lui a valu le prix Pulitzer 2012 en musique. Pour son livret, Mark Campbell s’est inspiré de l’œuvre de Christian Carion, Joyeux Noël, un film français sorti en 2005 qui raconte une trêve historique advenue le soir de Noël 1914, quelque part sur le front belge, et réunissant dans une paix éphémère les soldats écossais, français et allemands de tranchées voisines.

Les faits sont historiques. Ils ont été révélés grâce à la correspondance des soldats envoyée du front. La musique est l’élément déclencheur de l’histoire. Tandis que des soldats allemands chantent des chants de Noël et sortent de leur tranchée, ils invitent des Écossais et des Français à en faire autant pour oublier provisoirement la guerre qui les oppose et qui les réunit.

Le sujet est émouvant. Fraterniser avec ses ennemis semble tellement plus raisonnable que se battre avec eux. L’histoire prend prétexte d’un chanteur d’opéra envoyé à la guerre et qui est rejoint par sa fiancée pour une soirée très spéciale. Ainsi, l’opéra Silent Night prend-il une dimension supplémentaire d’hommage à cette forme d’art, tout en utilisant le découpage presque cinématographique des scènes avec ce qu’on pourrait nommer des fondus-enchaînés musicaux. L’opéra Silent Night – qui réunit rien de moins qu’une soixantaine d’artistes – est une sorte de cinéma chanté sur scène. Puts ne s’en tient pas à la musique qu’on a coutume d’entendre dans les opéras traditionnels. Il fait se succéder des morceaux de musique contemporaine, de musique sérielle, de chœurs spectaculaires, de morceaux très mélodieux voire de musique classique, véritables pastiches de Mozart ou de Schubert. Chaque moment musical correspond à sa situation dans le récit. Les décors astucieux accompagnés de projections lumineuses s’enchaînent pour montrer les tranchées qui entourent le no man’s land où se déroulera la fête de Noël.

Les soldats, la nuit de Noël Crédit : Yves Renaud
Les soldats, la nuit de Noël
Crédit : Yves Renaud

Le premier acte, d’une heure et dix minutes, présente les différents protagonistes de l’histoire et raconte les faits qui ont mené à cette nuit de trêve. Le second de 50 minutes fait état du lendemain de la fête avec toutes ses conséquences bonnes et mauvaises. Car l’État-major n’approuve évidemment pas ce moment de fraternisation avec l’ennemi. La nouvelle en sera cachée le mieux possible et « les coupables » envoyés sur des lieux de combats encore plus périlleux.

Silent Night est un opéra grand spectacle de très belle qualité dans lequel les combats succèdent à des drames ou à des moments intimistes. Même l’humour n’est pas absent. Des personnages attachants se dégagent des trois nations en jeu. Le couple de chanteurs d’opéra allemand tisse le fil narratif de l’histoire. Mais il manque peut-être quelques voix d’exception comme nous y ont habitué les opéras plus traditionnels, quelque mélodie qu’on aimerait fredonner en sortant du spectacle…

Silent Night Puts/Campbell, à l’Opéra de Montréal, les 16, 19, 21 et 23 mai 2015, Salle Wilfrid-Pelletier, Place des Arts, à Montréal

Avec Anna Sørensen (Marianne Fiset) ; Nikolaus Sprink (Joseph Kaiser) ; Lieutenant Audebert (Phillip Addis) ; Lieutenant Gordon (Alexander Hajek) ; Lieutenant Horstmayer (Daniel Okulitch) ; Ponchel (Alexandre Sylvestre) ; Chef (Michael Christie) ; Mise en scène Eric Simonson ; Décors Francis O’Connor ; Costumes Kärin Kopischke ; Éclairages Marcus Dilliard ; Projections Andrzej Goulding ; Orchestre Métropolitain

Informations http://www.operademontreal.com/

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