C’est une année exceptionnelle qui s’achève pour ce grand concours international d’art pyrotechnique, l’International des Feux Loto-Québec, à plusieurs points de vue. À débuter par un feu de clôture féérique en hommage à Madonna, présenté hier soir par la compagnie californienne Pyro Spectacular (conception par James R. Souza). De tous les feux de clôture que j’ai eu la chance de voir en 31 ans d’existence de ce concours, celui-ci fut le plus créatif et enlevant. Mais la soirée avait débuté en grand avec l’annonce des trois gagnants par Phil Liggett, président de La Ronde, Martyne Gagnon, directrice du concours, et Paul Csukassy, directeur technique des Feux et aussi auteur de la trame sonore du feu de clôture d’hier. Les 19 membres d’un jury du grand public ont accordé le Jupiter d’Or à l’Angleterre (Jubilee Fireworks), l’Argent à la France (Jacques Couturier Organisation) et le Bronze accompagné du prix pour la meilleure trame sonore à Hong Kong-Chine (Vulcan). Un prix spécial sur le respect de l’environnement est allé au Canada (Archangel Fireworks). La directrice du jury, Lynda Normand, nous a confié que c’est la première fois en 31 ans que le Jupiter d’Or est accordé au premier spectacle de la compétition. J’étais sur place lors de la grande soirée de remise des prix et j’ai eu la chance de parler à chacun des lauréats.
Jupiter d’Or: Jubilee Fireworks, Angleterre
Andrew Wiggins a conçu le spectacle gagnant dont plusieurs se rappelleront longtemps: haut en couleur et d’une parfaite synchronisation. Comme il adore mettre des chansons très différentes dans une trame sonore, son thème «Vive la différence» s’est invité d’instinct. Cette idée de mettre en opposition des concepts comme le bien et le mal, le ciel et la terre et d’autres a permis de sélectionner des chansons appropriées sur des thèmes individuels basés sur la musique. «Je choisis mes chansons par l’émotion parce que j’ai une bonne oreille pour la musique» et l’inspiration des tableaux lui est venue naturellement. «C’est sûr que tout le monde veut gagner, mais la chose la plus importante pour moi c’est que la foule prenne plaisir au spectacle. Ce dont je suis le plus fier c’est d’avoir vu la foule réagir par ses applaudissements, ses cris et ses « gasps », surtout pendant la chanson November Rain où j’ai entendu la plus forte réaction; je me suis senti tellement fier!», dira-t-il. Techniquement, le spectacle avait plus de 5000 signaux de lancement, chacun lançant une ou plusieurs pièces, jusqu’à environ 10,000 pièces complexes. Mais ce ne sont que des chiffres dit-il, car avant tout «ce qui compte, c’est l’émotion!»
Jupiter d’Argent: Jacques Couturier Organisation, France
Le concepteur du spectacle, Joseph Couturier, voulait trouver un thème original qui n’avait pas encore été traité. Présenté comme dernier feu en compétition, les spectateurs ont été emportés dans un monde imaginaire du cirque. En entrevue, il explique qu’il a risqué le tout pour le tout: «Ça passe ou ça casse»! Quand il était adolescent, La Roche-sur-Yon, sa ville en France, était jumelée à Drummondville au Québec, et il a eu la chance de connaître l’humour des Québécois lors d’un voyage. Sachant le succès du Festival Juste Pour Rire et l’amour du Québec pour le cirque, le thème «Cirque Dynamite» s’impose pour plaire au public. Étant un monteur de film, clown et musicien chanteur, il travaille fort sur une bande sonore humoristique et originale. «Je suis fier de l’imaginaire que j’ai créé avec la bande son.» Il a choisi de faire son spectacle en «semi-aérien» en mettant l’emphase sur «la manière d’orchestrer le lancement» des pièces pyrotechniques. «Je voulais que les gens aient du bonheur et s’amusent, qu’on sorte du quotidien en regardant un cirque artificiel avec des feux d’artifice qui deviennent les personnages.»
Jupiter de Bronze: Vulcan, Hong Kong-Chine
Après une présence en 2013, Cindy Cheung et John Werner ont conçu un nouveau spectacle cette année pour gagner le Bronze avec un feu d’artifice impressionnant à tous les points de vue. L’absence de vent le soir du spectacle nous a empêché d’apprécier à leur juste valeur tous les tableaux, la fumée ayant caché une partie du ciel, mais ce qu’on a vu fut spectaculaire. Ils racontent que leur imagination n’a pas de limite car c’est leur compagnie qui fabrique sur mesure les pièces pyrotechniques, dans les couleurs ou les formes qu’ils désirent. «Comme on était ici en 2013, on a vu ce que ce site unique nous offrait: un lac et plusieurs rampes. On a profité de cette expérience pour voir ce qui fonctionnait bien et s’en servir.» John a grandi avec le style de musique de la trame sonore gagnante mais c’est Cindy qui a choisi la plupart des chansons: «J’aime beaucoup toutes sortes de musique comme le classique, le rock, le pop, mais je crois que les spectateurs de La Ronde préfèrent du moderne et du rock. C’est comme ça que le thème « On The Road Again » s’est développé avec le choix des chansons qu’on aimait.» La bande sonore contenait des chansons des groupes Yes, The Alan Parsons Project, Supertramp, Queen, Deep Purple, Guns N’ Roses, Aerosmith et Metallica. Pour faire un clin d’oeil au passé, au début de la trame sonore il y a le son d’une radio qu’on synthonise qui est en réalité plusieurs des chansons de leur précédent spectacle en 2013. Le plus impressionnant a été de voir les pièces pyrotechniques, il y en avait 83,000 si on compte chaque pièce individuelle qui monte et éclate, synchronisées sur 5,400 signaux de lancement. Ils ont été emballés de voir les réactions des spectateurs pendant le spectacle. «Plusieurs de nos chansons avaient des surprises: quand la chanson d’Alan Parsons Project jouait et qu’on a allumé les chandelles pour créer le mur de lumière, on n’avait pas vraiment prévu une réponse aussi grande des gens, on les entendait s’exclamer et ce fut tellement gratifiant pour nous!»
Même si chaque spectacle est différent dans sa conception, tous les gagnants s’entendent pour dire que le site exceptionnel de La Ronde, l’organisation et ses artificiers locaux leur offrent ce qu’il y a de mieux pour un monter un spectacle grandiose. Pour nous aider à comprendre le travail qui se cache derrière un de ces feux d’artifice, j’ai pu rencontrer un de ceux qui travaille à l’installation de ces feux, l’aide-artificer Yann Collin. Initié très jeune par ses parents aux feux d’artifice, il est sélectionné membre du jury en 2010 pour le concours de La Ronde. Mais c’est son projet d’avoir de la pyrotechnie à son mariage en 2011 qui le met en contact étroit avec un artificier de La Ronde et son directeur technique Paul Csukassy. Sa passion l’amène à suivre le cours d’artificier de Ressources Naturelles du Canada et depuis 2013 il fait partie de l’équipe qui installe les feux d’artifice à La Ronde. Yann explique que chaque firme en compétition a 2 jours pour préparer ses bombes et en monter certaines en modules, puis a droit à 3 jours pour installer les milliers de bombes sur 5 rampes de lancement. Ils arrivent avec des plans conçus d’avance et doivent travailler avec plusieurs dizaines d’artificiers pour tout installer. Chaque installation est différente, certains fabriquent eux-mêmes leurs bombes, d’autres les achètent ou ajoutent des effets, etc. «Quelques fois on se dit: c’est impossible de faire ça! Mais tout est possible, il faut simplement trouver comment le faire!» Il constate que «Les artificiers étrangers ont des méthodes de travail parfois différentes des nôtres, mais on apprend de tout le monde! Ils apprennent de nous, comme nous apprenons d’eux!» Puis le soir du spectacle, «on a tous hâte de voir le fruit de notre travail! C’est un peu notre récompense.» Mais ça ne se termine pas ainsi, car après il faut «déminer» (enlever tout ce qui n’a pas explosé) et faire l’installation du prochain feu!
Le degré de sophistication des installations pyrotechniques de La Ronde est assez élevé selon la description que nous en fait Yann Collin. Composé de 5 principales rampes de lancement, les plus grosses bombes (3 à 12 pouces de diamètre) sont sur les 2 rampes au bord du fleuve. Ce sont ces bombes qu’on voit s’élever très haut et qui remplissent le ciel. La troisième rampe est sur le grand quai au bord nord du Lac des Dauphins et contient les pièces prémontées et fabriquées par la firme en compétition, composées surtout de pièces qu’on appelle gâteaux, mono-coups, chandelles, bombes nautiques et tous les autres effets spéciaux. Les deux dernières rampes sont entre le bord du lac et le public: le toit de l’édifice rond sur le bord du lac et les quais flottants au milieu du lac (les plus proches des estrades). C’est un travail minutieux pour installer toutes ces pièces: il faut remplir les tubes et placer les modules, les brancher tous à des allumettes électroniques et relier le tout à une console de lancement qui donne le départ de chaque bombe ou groupe de bombes. Puis les fils doivent être recouverts de sable ou de papier aluminium pour les protéger des retombées et éviter la mise à feu accidentelle d’une bombe. Yann avoue sincèrement qu’il préfère «la vraie pyro» plutôt que les effets spéciaux. «J’aime un spectacle fait avec coeur, qui me fait entrer dans le thème et la bande sonore et qui me fait vibrer. Si je ne regarde pas l’heure pendant le show, c’est que ç’en était un bon!» Il préfère regarder le feu en spectateur car lorsqu’il était jury il lui fallait faire des choix déchirants. Rêve-t-il un jour de créer son propre feu? Certainement avoue-t-il, «mais il me reste pas mal de croûte à manger! Beaucoup de travail et de choses à apprendre!! Un jour, un jour peut-être!»
La saison des feux d’artifice de La Ronde a été exceptionnelle et les organisateurs nous donnent rendez-vous l’an prochain pour la 32e édition de l’International des Feux Loto-Québec.
Gagnants de la 31e édition de l’International des Feux Loto-Québec
Jupiter d’Or: Angleterre, Jubilee Fireworks
Jupiter d’Argent: France, Jacques Couturier Organisation
Jupiter de Bronze: Hong Kong-Chine, Vulcan
Meilleure trame sonore: Hong Kong-Chine, Vulcan
Prix sur le respect de l’environnement et développement de technologies vertes: Canada, Archangel Fireworks
Site WEB du concours: http://www.laronde.com/fr/larondefr/linternational-des-feux/accueil
Site WEB de La Ronde: http://www.laronde.com/
Photos: Carl Desjardins (photos des feux et de Yann Collin) et Daniel Ouimet (remise des prix et des organisateurs)
