Everest, le film: ascension…sans vertige

Éverest © photo : courtoisie
Éverest © photo : courtoisie

L’homme n’est tout simplement pas fait pour survivre à l’altitude d’un avion de ligne, en grimpant l’Everest, notre corps est tout simplement en train de mourir, l’objectif étant de redescendre avant que cela n’advienne. Cela résume bien l’aspect le plus réussi du dernier film de Baltasar Kormákur. Dommage que le résultat soit mitigé.

Everest s’inspire des évènements tragiques de l’ascension du plus grand sommet du monde en 1996, dans laquelle 8 personnes ont perdu la vie. Le film suit notamment deux expéditions, celles de Rob Hall (Jason Clarke) et de Scott Fischer (Jake Gyllenhaal). Le réalisateur semble avoir porté un soin tout particulier à la retranscription fidèle de la chronologie des évènements et aux différentes causes pouvant expliquer les problèmes qu’ont encouru ces expéditions. Tout au long du film, les spécificités techniques, le matériel, les dangers et les étapes de l’ascension sont détaillés. L’esprit de l’alpinisme est bien présent, ce qui aide le spectateur à être absorbé dans cette atmosphère. Ce souci du détail participe donc à la réussite du film et lui confère un aspect assez proche du documentaire, et évite surtout généralement la dramatisation abusive et hollywoodienne des évènements.

Si cet aspect est tout à fait louable, il pose cependant problème pour le spectateur. Le film semble avoir du mal à se situer dans un genre précis, et oscille toujours entre film catastrophe, documentaire, film d’action ou simple drame. Son rythme assez inégal témoigne aussi de ce problème, et les moments d’action et de suspense sont placés de façon assez artificielle. Le contraste entre les scènes plus authentiques et celles dramatisées pour le besoin du film se ressent et nuit à la cohésion et à l’homogénéité du ton du film. On est toujours capable d’anticiper ce qui va se passer, tant la mise en place des éléments perturbateurs se fait de façon grossière (le refus d’emmener davantage de bouteilles d’oxygène, la surcharge des voies, les personnages têtus, etc.). C’est dommage dans la mesure où la représentation du milieu hostile, la persévérance et la lutte pour la survie constituent les éléments les plus crédibles et réussis du film. Malgré un rythme un peu lent, le film parvient à maintenir un climat de danger et de précarité extrêmes au travers de ses deux heures et demie. Everest réussi le pari de nous faire vivre les dangers de l’ascension.

Il est bien dommage que cette atmosphère réussie ne soit pas supportée par les visuels du film. Il s’agit là probablement de l’aspect le plus décevant du film. La 3D proposée n’apporte pas grand-chose et ne fait que rendre flagrants les effets spéciaux pas particulièrement époustouflants. Si le côté claustro-phobique et étouffant est bien représenté, il est regrettable que le film ne soit jamais vraiment vertigineux, notamment en raison de l’absence presque totale de plans panoramiques. Il s’agit sans doute d’un parti pris du réalisateur pour nous imposer le point de vue des grimpeurs, mais cela prive le spectateur de cette sensation de vertige propre à l’alpinisme.

Le film bénéficie toutefois d’un casting assez remarquable. Jake Gyllenhaal (Nightcrawler, Prisoners) est très crédible dans le rôle du grimpeur casse-cou et insouciant, et Jason Clarke (Dawn of the Planet of the Apes) nous offre une performance assez charismatique dans le rôle principal. Les personnages secondaires ont eux aussi reçu un soin tout particulier, avec, entre-autres, Josh Brolin (No Country For Old Men) et Keira Knightley (The Imitation Game, Atonement). Ce casting permet finalement d’assurer un intérêt au film. Chaque acteur transmet bien, à sa façon, la folie inhérente au fait de vouloir soumettre son corps à une expérience si dangereuse. Les acteurs parviennent aussi à assurer un ton émotif et triste efficace, toujours juste et approprié et qui respecte humblement la mémoire des grimpeurs ayant péri lors de cette ascension.

Everest est donc une semi-réussite, il convainc bien plus par la performance de ses acteurs, son aspect dramatique et la représentation du danger que par son enrobage visuel décevant et son rythme inégal et artificiel. Le film est à conseiller pour sa présentation efficace et adéquate d’un milieu rarement bien représenté au cinéma, mais les spectateurs qui espéraient une expérience vertigineuse et visuellement impressionnante peuvent passer leur chemin.

Everest

Distribution :
Jason Clarke – Rob Hall
Jake Gyllenhaal – Scott Fischer
Josh Brolin – Beck Weathers
Keira Knightley – Jan Arnold

Réalisateur : Baltasar Kormákur
Scénaristes: Simon Beaufoy, Lem Dobbs, Justin Isbell, Mark Medoff, William Nicholson
Distributeur au Québec : Universal Pictures
date de sortie au Québec : 18 septembre 2015

Durée: 2h30

© photo : courtoisie