Entre parenthèses, le roman de Sébastien Pierroz un si bel hymne à oser assumer ses rêves!

Sébastien Pierroz Entre parenthèses © photo de la couverture : courtoisie
Sébastien Pierroz Entre parenthèses © photo de la couverture : courtoisie

Paul vit une existence que l’on pourrait qualifier de prometteuse au regard des standards de notre société canadienne et plus généralement occidentale de ce début du 21ème siècle. Ce jeune Franco-Ontarien est à Ottawa l’adjoint du chef d’agence d’une compagnie de publicité montréalaise. Une bonne place dans une société qui semble devoir se développer malgré la crise, même si celle-ci oblige à « serrer les boulons », à ne rien laisser passer pour assurer ses parts de marché, ses chiffres de ventes dans un contexte qui se rigidifie. Une vie bien réglée, organisée, rassurante en cela dans une ambiance de travail somme toute assez classique. Au premier abord, relations professionnelles au sein d’une entreprise comme il en existe des milliers d’autres, qui se déclinent sur tous les modes du genre entre amitiés sincères avec certains, politesse avec les autres, quelques, non pas inimitiés,  mais indifférences polies, relations avec son patron alternant entre confiance et méfiance au rythme des réussites et des contrats préservés ou menacés. Et, derrière l’harmonie de surface, quelques ambitions personnelles qui se voilent à peine sous le vernis, sans compter des liaisons amoureuses qui viennent changer la donne des hiérarchies et rapports officiels. Sans oublier une colocation sinon enthousiasmante du moins sans heurts avec la filleule du patron, patron qui est aussi le mari d’une vieille amie de sa mère et une vie amoureuse raisonnable même si elle a cessé d’être intense depuis que Marie-Claude est partie sur Montréal. Mais les projets d’avenir peuvent encore être là, tant professionnels que sentimentaux, dans un développement normal et prévisible de l’existant. Cette vie Paul s’en accommode plutôt bien. Elle correspond d’ailleurs à un besoin de stabilité bien réel en lui. Jusqu’à ce qu’Amy entre dans sa vie. Amy est l’antithèse de cette vie bien organisée, programmée pour être linéaire. Brillante, imprévisible, rêveuse, délicieusement désorganisée, Amy est d’abord pour Paul un rêve entraperçu à la sortie d’une boulangerie mais que Paul recherche désespérément à retrouver dans Ottawa. Un rêve qui finalement devient réalité quand Amy pénètre bien réellement dans sa vie par le cercle des amitiés de sa colocataire. Ses deux êtres là s’attirent, irrésistiblement. Amy a su percevoir en Paul « …que son caractère réservé dissimulait à ses yeux cette petite étincelle que les autres n’avaient pas. Une étincelle capable d’exploser à tout moment et cela l’attirait. Une histoire- ou du moins un secret bien garder-devait se cacher derrière son aspect sombre et renfermé… Elle rêvait maintenant d’allumer chez Paul une réaction. De l’extirper de sa petite zone de confort où il se réfugiait trop à son goût. Il ressemblait à une casserole prête à exploser. Et cela l’attirait irrémédiablement…». Surtout, Amy avait su non seulement décrypter le véritable Paul derrière la façade lisse qu’il donnait à voir de lui-même, mais réveiller cette étincelle. Et dès lors, pour Paul, Amy est celle « …qui avait en plus ce côté rebelle, , une bouche charnue et prête à laisser échapper un mot impromptu, un sourire ou un rire rageur pour dire merde à tout le monde. Et dans son imprévisibilité apparente, le pire- ou le meilleur- elle lui donnait envie de la suivre jusqu’au bout du monde… » Un repas d’affaire désastreux pour tenter de sauver un contrat menacé, pendant lequel Amy déclenche l’irréversible est ce qui convint définitivement Paul «…Que oui la comédie est terminée,  let’ go.. » pour tout quitter, partir avec Amy, pour vivre pleinement le rêve de cette femme qui, Paul vient de le savoir, est condamnée : voir l’océan, Vancouver. Non pas vers un voyage morbide vers la mort mais bien pour honorer ce que Amy ressentait profondément en elle : « …Que l’annonce de la maladie avait été l’occasion de se tourner vers l’avenir, de foncer à pleins gaz en ligne droite avant que la maladie ne lui bouffe le corps et le souffle… ». Une aventure parce que « …On est tous condamnés à mourir de toutes façons puis à devenir un tas de poussière. La mort est une certitude pour tout le monde mais le goût de la vie, la vraie, c’est un privilège… Un privilège qu’on peut savourer seulement si on n’a pas peur de la mort …». Ce voyage, en plusieurs étapes, avec des arrêts et de nouveaux départs envers et contre tous, devient ainsi l’occasion de réaliser, pleinement leur vie à deux, une « entre parenthèse » avant la séparation finale, inéluctable, mais aussi, la leur, personnelle: Pour Amy d’à aller jusqu’au bout de la volonté de vivre autant qu’elle le pourra; pour Paul d’accepter ses propres rêves, le legs de personnalité que sa mère décédée lui a fait et d’être en paix avec ce décès brutal, de changer sa vie en accord avec ses aspirations, ses talents refoulés.
Entre parenthèse, le premier roman de Sébastien Pierroz est avant tout un hymne à la vie, à la vraie, celle de se laisser transformer par l’amour, celle d’oser. Oser aimer, oser se dire Let’s go oser faire ce que l’on sait être bon pour soi, se réaliser en toutes circonstances sans, pour autant, écraser les autres, tel Marc le collègue jeune loup aux dents aussi longues que les relations et si conforme à ce que prône parfois un certain discours ambiant. Pour Paul et Amy bien sûr mais aussi pour ceux, qui, dans leur entourage, sont comme eux, ont des rêves à faire exister et croître, même si c’est chacun à leur façon tel Nabil le seul véritable ami de Paul qui parvient à réaliser son rêve de jeune marocain immigré. Par l’habile description en parallèle des univers que Paul quitte et trouve, et leurs développements, ce récit initiatique nous permet de pénétrer ce fabuleux espoir sans lourdeur ni démonstration appuyée. Les protagonistes sont criants de réalisme avec cependant ce brin de poésie qui nous installe irrémédiablement et confortablement dans le romanesque, le vrai, pas le mièvre des histoires sentimentales ou au pathos surchargés des bons sentiments et du prêchi-prêcha du « réalise toi toi-même ». La langue est naturelle, sonne juste avec l’histoire là encore sans surcharge. La description du milieu de travail est particulièrement bien observé et décrit avec cette touche de corrosif qui le rend si savoureux. Mais Entre parenthèse est aussi un bel hommage, là aussi avec délicatesse et pudeur, aux liens familiaux et de la véritable amitié qui savent être le refuge mental ou bien physique quand le monde se dérobe sous vos pieds pour peu que l’on sache être en paix avec eux, les respecter et aussi, dans ces relations si particulières et uniques, ne pas imposer aux autres des décisions qui concernent leur vie.

Sébastien Pierroz © photo : Jean-Cristophe Demers
Sébastien Pierroz © photo : Jean-Cristophe Demers

À propos de l’auteur
Sébastien Pierroz est né 1983 à Annecy, dans les Alpes françaises. Il a obtenu un master en Histoire politique à l’Université de Panthéon-Sorbonne à Paris. En 2009, il quitte la France pour le Canada. Après avoir travaillé pour différents groupes médias, il rejoint l’équipe de TFO Ottawa en tant que journaliste-réalisateur affecté à la politique et aux Affaires francophones. Entre parenthèses est son premier roman publié.

Entre parenthèses
Sébastien Pierroz
Roman
Conception de la couverture : Olivier Lasser
Éditions Prise de parole : http://www.prisedeparole.ca
ISBN : 978-2-89423-954-4 édition papier
362 pages
21,95$
ISBN : 978-2-89423-955-1 (PDF)
ISBN : 978-2-89423-956-8 (ePub)

© photo de la couverture : courtoisie
© photo de l’auteur : Jean-Cristophe Demers