Philippe Ducros – un premier roman: Eden Motel

Roman Eden Motel
Roman Eden Motel

Premier roman du metteur en scène et dramaturge Philippe Ducros, Eden Motel, publié aux éditions L’instant même porte un regard sans concession sur la faillite du rêve américain et ses multiples avatars.

Un homme en pleine dépendance pharmacologique multiple s’enfuit sur les routes à la recherche d’un sens, d’une raison, de quelque chose. Il échoue sur la grève d’un motel d’autoroute. Chambre 1. Commence un séjour à mi-chemin entre la rédemption et la réhabilitation. Il rencontre peu à peu les naufragés qui occupent les chambres du motel : un ancien garagiste qui mange sa Cadillac, une pulpeuse sirène transgenre, une femme-enfant violentée, une femme de ménage astrophysicienne à la dépendance amoureuse galactique, un intrigant passeur vêtu de ses seules chaussures, sans compter le groom albinos muet, en butte à la haine des propriétaires, les vieillards jumeaux. Ensemble, ces locataires regardent la mer, déchiffrent le cri des mouettes et font face à leur vide.

Eden Motel est un roman-fleuve impudique et dérangeant. Il offre un portrait incisif de l’Amérique dépressive, malade de son mode de vie, de ses illusions brisées et de la déchéance de ses héros. Les personnages sont des migrants de l’intérieurs, déracinés et errants. Ils finissent par former une communauté qui saura faire face aux tragédies les plus dévastatrices. Sur fond de déversement pétrolier et de migration clandestine, se déploie une fresque humaine d’une âpre beauté.

Je m’endors au bout de la terre, là où se saoulent les monstres et où le soleil vomit. Je m’endors bien médicamenté, comme un dieu du 21e siècle. Je suis dépendant du comptoir des produits pharmaceutiques. Comme beaucoup d’autres. On va tous être déprimés, antidépressifs, stabilisés de la sérotonine, somnifères le soir, wake-up pills le matin, tant que la dépression va se chiffrer à coups de milliards dans les coffres-forts et les chambres froides des pushers en sarrau. C’est ma deuxième nuit au motel. Je ne suis pas parti.

Autodidacte, Philippe Ducros a séjourné dans plus d’une trentaine de pays d’Amérique latine, d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Très personnelle, sa démarche est ancrée par ces pèlerinages. Il a fondé sa compagnie Les productions HÔTEL-MOTEL en l’an 2000 avec laquelle il a notamment créé les pièces L’affiche, sur l’occupation Palestinienne (lauréate de nombreux prix dont celui du Spectacle de l’année 2009-2010 décerné par l’Association québécoise des critiques de théâtre), Bibish de Kinshasa créée à Espace Libre à l’automne 2015 (présentée en juin prochain au Carrefour International de Théâtre et en tournée au Québec), et le déambulatoire théâtrale et photographique, La porte du non retour, présenté notamment en 2013 au prestigieux Festival d’Avignon. Il a également collaboré avec d’autres compagnies, comme Projet Porte Parole pour qui il a signé la mise en scène de Montréal La Blanche, une pièce de théâtre documentaire sur l’immigration des Algériens à Montréal de laquelle un film a été réalisé par Bachir Bensaddek sorti en mars dernier, et Le théâtre PàP, pour qui il a signé Dissidents (finaliste au prix du Gouverneur général et au prix Michel Tremblay) sur notre capacité d’indignation, la manipulation de notre sentiment d’impuissance, et nos possibilités de passer à l’acte pour un monde meilleur. Il a été le directeur artistique du théâtre Espace Libre à Montréal, de 2010 à 2014. Eden Motel est sa sixième publication (La rupture du jeûne, Les lanceurs de pierres, L’affiche, La porte du non-retour, Dissidents) et son premier roman.