Patrick Bruel, version orchestrale, une fois encore la magie de l’OSM POP opère!

Patrick Bruel sur scène avec les musiciens des concerts OSM POP © photo: courtoisie
Patrick Bruel sur scène avec les musiciens des concerts OSM POP © photo: courtoisie

Cela fait presque 40 ans qu’il accompagne nos vies. Bien sûr il y a eu les midinettes de la Bruelmania sous le charme du beau gosse au sourire craquant et aux chansons populaires. Mais il y a surtout le chanteur qui sait mettre en mots et en musique nos ressentis, nos parcours de vie, nos indignations, nos obligations de citoyens. Un artiste complet qui s’exprime aussi pour nous, à travers le choix de films qui eux aussi racontent nos vies, nos histoires, notre Histoire et ses enjeux. Hier soir c’était bien sûr ce Patrick Bruel qui était l’hôte des concerts de l’OSM POP sous la direction de Simon Leclerc.

Les concerts de l‘OSM POP. Une série qui est devenue un incontournable de la scène de la musique classique au Québec. Une série qui a fait la preuve de la richesse musicale de nombre de musiciens catégorisés par les amateurs de petites cases dans celle du populaire bien des degrés en deçà de la «grande musique » comme ils disent, entendez bien sûr la musique classique. Une série qui construit des ponts, fait se rencontrer des univers et des publics que l’on tient bien trop souvent éloignés et divisés et qui pourtant, ce soir encore la preuve en a été donnée, ont tant de choses à partager, ont plus de points communs que de ruptures. Les concerts le l’OSM POP sont souvent des événements parce que l’improbable s’y produit : Que ce soit le baryton Patrick Mallette, chantant Tout nu sur la plage des Trois accords tel un air du grand répertoire accompagné d’un orchestre symphonique en pleine puissance ou ici Patrick Bruel nous faisant chanter mais surtout danser, dans une salle symphonique archi comble, la valse, avec notre voisin jusqu’alors souvent un inconnu, au son d’un orchestre symphonique jouant L’amant de St-Jean, tube des bals musettes des années 30. Il y a décidément toujours de la magie dans ces concerts!

Les auditeurs attentifs savaient depuis longtemps que la voix de Patrick Bruel était une véritable voix, faisant corps pour créer une œuvre complète avec une musique puissante et pas seulement en décibels mais aussi en portée musicale dépassant bien largement le simple accompagnement musical. On pressentait que c’était de cette union que naissait la force de ses chansons. Mais la démonstration en a été pleinement faite hier soir grâce au travail de ce chef unique pour un chef d’orchestre symphonique dans ses choix de répertoire qu’est Simon Leclerc, comme de ses musiciens qui, une fois encore, ont joué le jeu. Grâce aussi à la personnalité, à la présence sur scène et aux qualités de musicien de Patrick Bruel. On oublie souvent que la voix est un instrument à part entière. En prenant à plusieurs reprises le risque du chant à capela, notamment en ouverture du concert, l’artiste nous l’a rappelé plusieurs fois au cours de ce concert. Mais surtout il nous a démontré tout au long des ces deux heures de spectacle qu’il en a une parfaite maîtrise qu’il sait la convoquer dans tous les registres y compris, avec Nessun dorma de Turandot, celui du ténor des grands classiques du répertoire de l’opéra .

Dès le début du concert Patrick Bruel a donné le ton en plaçant sa construction autour des valeurs fortes d’émotion et de partage et bien vite la salle a compris qu’il ne s’agissait pas là d’un simple effet de style, ou d’une déclaration d’intention. Émotion bien sûr de retrouver des chansons de notre jeunesse avec l’incontournable Place des grands hommes. Mais émotion n’est pas que nostalgie. Elle est aussi dans cette replongée soudaine vers laquelle il nous a conduit vers ces promesses que, comme les personnages de cette chanson, nous nous étions faites il y a bientôt 40 ans jeunes diplômés et sur le bilan que nous aussi nous pouvons dresser de notre vie. Il est plus que probable que nombre d’entre nous se sont, hier soir, posés à l’unisson cette question même s’il s’agissait d’une introspection personnelle. Émotion mais aussi partage parce que l’artiste nous a confié ses rencontres et amours pour les grands de la musique francophones ceux avec lesquels il « vit » depuis tout jeune enfant, Barbara, Brel, Aznavour, Michel Rivard, Réggiani … et auxquels il a rendu hommage en interprétant leurs chansons. Émotion et partage dans l’hommage à sa mère Raconte-moi, à ce qu’elle est à ce qu’elle lui a transmis. Émotion et partage aussi qu’en artiste citoyen engagé dans la cité et le monde qui l’entoure il a rappelé, avec ces magnifiques textes, Pourquoi ne pas y croire, Adieu, Alors regarde. Des textes sur la violence aveugle et les vies brisées par les attentats passés ou récents, une liste qui tous les jours s’allonge a-t-il tenu à souligner. Mais des textes aussi sur l’espoir et la puissance des forces de paix, de la volonté des hommes qui la construise en «  ouvrant des portes » sur les Autres et leurs cultures, en s’engageant et que l’on acquiert «  quand on est deux » et que l’on ne détourne pas le regard.

Patrick Bruel et le Chef Simon Leclerc © photo: courtoisie
Patrick Bruel et le Chef Simon Leclerc © photo: courtoisie

Mais il y avait aussi de l’élégance et de la générosité dans ce concert. L’élégance, en laissant une si large part aux créations d’autres artistes, de ne pas se créer son concert à lui, à la gloire de son œuvre. Il aurait été tellement tentant pour un artiste et son égo de ne choisir que ses propres chansons pour les valoriser par leur transcription en œuvres symphoniques.!!! Patrick Bruel n’est pas tombé dans ce piège du vedettariat et a transformé un hommage qui lui était fait en un hommage aux Autres : sa mère, les citoyens du monde, les victimes des attentas autour des quels il a construit la thématique de sa prestation mais aussi les autres chanteurs interprètes du répertoire francophone. Ainsi il a choisi, avec la complicité de Simon Leclerc, de convier avec lui, sur scène, ceux et celles dont l’œuvre a marqué sa vie d’homme et de chanteur. Élégance aussi dans l’interprétation de ces textes créés par d’autres. Souvent les « reprises », comme on dit, sont l’occasion de revisiter les textes et les musiques des autres, leurs rythmes, leurs phrasés. Travail salutaire dira-t-on. Oui, peut-être, mais aussi parfois excès de prétention. Ici rien de tout cela, mais à l’évidence un immense respect pour ces artistes et leurs œuvres. Pour aucune d’elle Patrick Bruel a «  tiré la couverture à lui » mais tout au contraire il s’est mis au à leur service respectant, là encore, l’intention de l’artiste créateur telle exprimée sans, pour autant, juste imiter. Ce soir là tous étaient avec nous dans la salle et leur interprète savait les mettre en valeur sans ni les plagier ni les vampiriser. Soulignons notamment le magistral Jef de Jacques Brel, ou le Non je n’ai rien oublié d’Aznavour.

Une chanson d’Aznavour qui trouvait pleinement sa place dans la deuxième partie du spectacle plus intimiste dans ses choix, dans laquelle l’homme de son siècle et de ses parcours cédait la place à l’homme de la vie à deux celui des amours rêvés, recherchés, vécus, partagés mais aussi perdus. C’est à cette occasion que l’artiste nous a fait repartager certaines de ses plus belles chanson d’amour, J’te mentirai , J’te dis quand même, mais aussi celles de Barbara Dis, quand reviendras-tu?, Vienne et surtout La complainte du phoque en Alaska de Michel Rivard, si bel hommage à ce grand artiste mais aussi plus généralement au Québec et aux Québécois qui l’ont toujours accueilli, a-t-il tenu à souligner, avec générosité et fidélité. Un parcours commun, une histoire d’amour a même tenu à dire le chanteur, que le Québec a tenu à lui manifester, pour sa part, en lui offrant ses plus belles scènes et événements musicaux mais aussi en lui décernant le Félix de «L’Artiste de la Francophonie s’étant le plus illustré au Québec » au Gala de l’Adisq 1992 et aujourd’hui le grade de Chevalier de l’Ordre national du Québec remis par le Premier Ministre Philippe Couillard au titre de sa contribution au rayonnement artistique de la Province.

Bien sûr, les puristes diront qu’il y a eu quelques imperfections musicales ou d’emplacement d’accessoires dans ce concert pour lequel l’interprète comme l’orchestre n’ont eu que 48h de répétition pour s’ajuster et peut-être même se découvrir. Notamment une voix, surtout au début, qui a parfois tâtonné dans son ajustement avec l’orchestre. Mais cela n’a fait que rajouter une touche d’humanité à la prestation d’autant que le chanteur comme le chef d,orchestre les ont assumées, n’ont pas cherché à faire comme si cela n’existait pas. Au contraire, ce fut des moments fugaces mais qui ont permis au public de ressentir la complicité entre le chanteur, le chef et les musiciens, et le plaisir de vivre, ensemble, une aventure autant humaine que musicale. De plus cela n’a fait que renforcer en la rendant crédible cette humanité que l’artiste avait mis au cœur de la construction du programme du concert par le choix du répertoire retenu, ses thèmes et l’hommage fait aux autres artistes.

Patrick Bruel version orchestrale fut l’occasion pleine et entière d’effacer définitivement tant l’image caricaturale et réductrice de la vedette pour adolescente attardée que celle du chanteur séduit par la facilité de la reprise des chansons atemporelles ou des autres pour imposer celle d’un homme généreux, attentif au monde et aux Autres en même temps qu’un grand artiste accompli. Merci à l‘Orchestre symphonique de Montréal de l’avoir si magistralement permis à travers ses concerts OSM POP.

Patrick Bruel, version orchestrale
Simon Leclerc, chef associé de la série des concerts OSM POP
Patrick Bruel, chanteur
Orchestre symphonique de Montréal www.osm.ca
Place des Arts
concerts les 18, 19, et 20 mai à 20h
tarifs de 50 à 200$
Ce concert fait partie de la série : OSM POP présenté par Groupe Investors

© photo: courtoisie