Macbeth et les sorcières vaudou au Centre Segal des Arts de la scène à Montréal

Macbeth © Maxime Côté
Macbeth © Maxime Côté

Shakespeare n’en est pas à sa première adaptation. En voici une très à propos de Macbeth en Haïti, où les armes de l’Écosse médiévale sont remplacées par des révolvers, des machettes et des couteaux à cran d’arrêt. Et si ce qui caractérise l’intrigue de cette œuvre célèbre est bien l’intervention de trois sorcières dans une prophétie qui se révèle des plus tragiques, on ne pouvait mieux espérer qu’une transposition de Macbeth dans l’univers inquiétant du vaudou haïtien.

Quand les spectateurs pénètrent dans la salle, les trois sorcières – dont une porte la barbe –attendent en cousant ou en brodant, et en murmurant des chants mystérieux. Dans cette partie de la scène, les arbres du décor sont renversés, leurs racines vers le haut, comme si on se situait dans un monde à l’envers. Les « sorcières » sont-elles seulement trois sœurs ou des femmes de l’au-delà douées de pouvoirs surnaturels ? Toujours est-il que la prophétie qu’elles proposent dans une transe à Macbeth et à Banquo, son compagnon, sont prises très au sérieux par les deux hommes en route vers la demeure du roi Duncan : Macbeth va obtenir le titre de thane de Cawdor puis devenir roi, quant à Banquo c’est à sa descendance que reviendra la royauté. Et à peine les trois femmes disparues, voilà qu’un homme – un journal dans cette adaptation – annonce justement à Macbeth que le roi Duncan vient de le nommer thane de Cawdor…

On connaît l’influence maléfique de Lady Macbeth dans les assassinats en chaine qui constituent toute l’action de la pièce. Puisque « le sang veut du sang », Macbeth en perdra définitivement le sommeil et son épouse la vie.

Mais une question se pose toutefois. Puisque Macbeth était vraiment si convaincu de la réalité de la prophétie, que n’a-t-il pas attendu tranquillement qu’elle se réalise plutôt que de devenir le meurtrier sanguinaire que l’on sait ? Et c’est sans doute dans cette question que réside le mystère le plus grand de l’histoire. Lady Macbeth qui pousse son mari à passer à l’action, lui reproche, pour l’en convaincre, l’inconstance de sa motivation. Mais sa plus grande inconstance figure plutôt dans la validité de ses convictions. Si les sorcières ont dit vrai, si le futur est écrit quelque part et peut être connu dans certaines circonstances, pourquoi avoir choisi qu’il advienne par le pire des chemins ? sachant que tout le sang versé par ce couple monstrueux se chargera de rendre une certaine justice et de le punir par retour. Que l’intervention des humains intéressés par une prophétie soit nécessaire pour qu’elle se réalise, n’oblige peut-être pas qu’ils choisissent les options les plus cruelles…

Macbeth © Maxime Côté
Macbeth © Maxime Côté

Dans une version écourtée de la pièce – mais qui conserve la très belle traduction en français de F.-V. Hugo (l’un des fils de Victor Hugo), et avec des ajouts plus que rafraichissants en créole – voici donc présentée pour quelques jours au Centre Segal des Arts de la scène, une superbe version de Macbeth, portée par cinq acteurs excellents, une très belle mise en scène, des costumes et des décors à propos, et dans l’ambiance de mystère des cultes vaudou encore pratiqués aujourd’hui. Une adaptation des plus intéressantes et qu’il ne faut pas manquer.

Macbeth, du 24 novembre au 6 décembre 2016, au Centre Segal des Arts de la scène à Montréal

En français et en créole haïtien

Œuvre de William Shakespeare

Traduction française de F.-V. Hugo

Traduction créole de Rodney St-Éloi

Mise en scène Stacey Christodoulou

Avec Cynthia Cantave, Maxime Mompérousse, Philippe Racine, Vanessa Schmit-Craan, Franck Sylvestre

Informations : www.segalcentre.org/fr/a-laffiche/a-laffiche/compagnies-invitees/macbeth/