Albin de la Simone – L’un de nous

Albin de la Simone
Albin de la Simone

Le nouvel album disponible le 24 février

Le précédent album d’Albin de la Simone s’appelait «Un homme». Le nouveau aurait pu s’appeler «Une femme» tant il en est question. Il aurait aussi pu s’appeler «un piano», puisque c’est le trait d’union entre les titres : ils ont tous été enregistrés selon la formule piano–voix  en deux jours, pour être par la suite généreusement étoffés. Il s’appelle finalement L’un de nous, disponible le 24 février via Tôt ou Tard, du nom de la composition la plus malicieuse de l’album. «L’un de nous / Je ne sais pas si c’est toi ou si c’est moi / Mais l’un de nous / L’un de nous ne va pas».

Albin de la Simone a creusé son sillon de manière aussi modeste que profonde. Parmi la grande famille de la chanson française, c’est lui le plus doux. C’est pourtant une vocation contrariée : il s’est longtemps cru musicien de jazz avant de se découvrir chanteur. La fragilité de son timbre l’a immédiatement conduit à un registre intimiste : il en a fait sa force aujourd’hui. Quand Albin chante, c’est comme s’il vous parlait au creux de l’oreille. Si la légende veut qu’un comte ait commandé à Jean-Sébastien Bach ses célèbres Variations pour l’accompagner tous les soirs dans les bras de Morphée, un mécène d’aujourd’hui ne serait pas déçu en découvrant les chansons qui composent L’un de nous : elles procurent un sentiment de chaleur et de proximité propices à la confiance.

Si tous les morceaux sont nés autour d’un seul piano, ils se gardent bien de représenter le point de vue d’un seul homme mais plutôt celles d’une multitude de personnages qu’incarne tour à tour le chanteur : l’incorruptible  («À midi on m’a dit»), le résigné («Embrasse ma femme»), le lucide («Ma barbe pousse») mais aussi l’optimiste («La fleur de l’âge»), le sensible («Une femme»), le peintre face à son miroir («L’ado»)  et le disciple de l’absurde  («L’un de nous»). Il ne faut pas se fier à la légèreté des arrangements : ils cachent une mélancolie profondément ancrée au creux du personnage. Qui est toujours contrebalancée par un grain de folie qui donnent aux chansons d’Albin de la Simone toute leur saveur : il est certainement le seul en France à prendre le taureau par les cornes et se les nouer derrière le dos, pour reprendre son expression.

Les chansons de L’un de nous ont en commun d’exprimer un rapport au temps, celui dans lequel Albin de la Simone se projette et dont il a choisi d’embrasser la course plutôt que de lui tourner le dos. C’est une thématique commune à beaucoup de ses albums. Il l’exprimait déjà dans «J’ai changé» en 2005 comme dans «Mes épaules» en 2013. Le couple est également un sujet qui l’inspire. À l’auditeur de deviner quelles sont les chansons les plus autobiographiques : il n’en dira pas plus.

D’albums en concerts, Albin a constitué autour de lui une petite famille. On reconnaît encore ici le timbre sensuel d’Emiliana Torrini, avec qui il chantait en duo la chanson « Moi moi » sur son album précédent. Maëva Le Berre et Anne Gouverneur, les complices d’Albin à la scène, l’ont accompagné au violoncelle et au violon. François Lasserre est venu poser des accords de guitare, Sarah Murcia de la contrebasse. Des instruments inattendus se sont invités à la table : la harpe de Milamarina, la scie musicale de Mara Carlyle et les casseroles de Jacques Tellitocci. Raphael Chassin a eu carte blanche au niveau des batteries : il les a réalisés par correspondance, le chanteur a eu la surprise de les découvrir une fois terminées. Sabina Sciubba, la chanteuse du groupe américain Brazilian Girls donne la réplique à Albin sur «À quoi», car un album d’Albin de la Simone ne serait pas un album d’Albin de la Simone s’il ne comportait pas un duo. En conclusion de «L’un de nous», la voix de Vanessa Paradis – qui répondait déjà à celle d’Albin en 2008 sur «Adrienne» invite «L’ado» à sortir de sa solitude.

L’artiste Sophie Calle a un jour confié au chanteur qu’elle avait donné son prénom à un animal qui figure sur une photo qu’elle a réalisé. Albin lui a demandé s’il pouvait utiliser cette photo comme couverture de son disque. Sophie a dit oui, et Albin, l’ours avec la guirlande allumée autour du cou, s’est retrouvé sur la pochette de L’un de nous, le nouvel album d’Albin de la Simone. Les amateurs de mise en abîme apprécieront.

Un mot sur la voix d’Albin, encore, puisqu’elle est au centre de son album. Le chanteur se produit parfois en concert sans micro,  invitant  le  spectateur  à  faire  un  pas  dans  sa  direction.  Si  ce  n’est  pas  une  voix  forte,  c’est  une  voix  qui  porte profondément à l’intérieur. Son histoire rappelle celle de Chet Baker : celle d’un musicien de jazz qui finit par se découvrir chanteur. L’extrême sensibilité de leur timbre les relie. Ce n’est pas une plainte. Il s’agit au contraire d’un baume. Après le baume du tigre, le baume de l’ours Albin, avec sa guirlande allumée autour du cou. Il procure un effet aussi intense que persistant.