Quand le public mène l’enquête : « Dernier coup de ciseaux » au Gesù à Montréal

Dernier coup de ciseaux © Charles Mercier
Dernier coup de ciseaux © Charles Mercier

Succès populaire s’il en est, Dernier coup de ciseaux est une comédie à géométrie variable, qui donne un vrai rôle aux spectateurs, pour ceux qui souhaitent intervenir sans bouger de leur siège. Sur un peu plus de deux heures de spectacle, une première partie est jouée comme une pièce de théâtre traditionnelle (et l’on a intérêt à s’installer à sa place dès l’ouverture des portes pour ne rien rater du spectacle qui commence avant le spectacle…), une grosse deuxième partie mêle jeu théâtral et improvisations bien menées, une dernière propose une des versions possibles de la fin. C’est dire qu’à chaque représentation, le spectacle se modifie et qu’on aimerait presque revenir le lendemain pour assister à ce qui aurait pu se passer autrement…

Lauréat de la meilleure pièce comique aux Molières 2014, Dernier coup de ciseaux est jouée depuis des années à Paris et depuis des décennies aux États-Unis (elle figure dans le Guinness pour son record de longévité et compte plus de 9 millions de spectateurs à travers le monde). C’est la version française du Théâtre des Mathurins qui est proposée au Gesù à Montréal, une version très française mais adaptée de manière réussie au public québécois.

Un salon de coiffure, quelques personnages sur scène, une pianiste dont on n’entend que les accords puisqu’elle joue au-dessus du salon de coiffure, il n’en faut pas davantage pour créer une intrigue policière complexe où quatre suspects apparaissent, chacun avec leur mobile pour le crime qui vient d’être commis.

On rit beaucoup dans Dernier coup de ciseaux. On rit presque sans arrêt, même si la farce est plutôt du côté de la bouffonnerie, du cliché ou de la moquerie bon enfant que de l’humour très subtil. Les personnages sont très caricaturaux et c’est ce qui fait leur charme. Deux coiffeurs tiennent la boutique : Jean-Marie qui fait penser aux meilleurs moments de La cage aux folles, l’hyper-sexy Gaelle qui travaille avec lui, tous deux hystériques et caricaturaux mais pas si éloignés au fond de ce qui se passe dans certains salons de coiffure bien réels. Du côté des clients, il y a la snob et richissime madame Bioret, le prétentieux et hautain monsieur Mercoeur, un ouvrier qui vient se faire raser avec son casque de chantier et un autre qui se laisse gentiment maltraité. Et puis il y a le colérique mais rigolo capitaine Solivérès de la police qui mène l’enquête et œuvre comme maître de cérémonie, et son adjoint, Thierry, un lieutenant stupide qui ne rate pas une seule occasion de dire une grosse bêtise.

Dernier coup de ciseaux © Charles Mercier
Dernier coup de ciseaux © Charles Mercier

Tous les acteurs sont non seulement excellents mais font preuve d’une répartie très habile. Car ils ne se contentent pas d’écouter les remarques des spectateurs pris à témoin, ils en jouent de manière théâtrale et l’ensemble m’a fait penser par moments à La rose pourpre du Caire de Woody Allen où ce qui se passe dans la salle interagit avec le contenu même du film. Ici on n’est pas au cinéma mais au théâtre, et c’est peut-être pour cette apparente plus grande facilité de communication entre les deux mondes des acteurs et des spectateurs que le résultat est particulièrement réussi. Car avec beaucoup d’habileté, les acteurs réagissent du tac au tac à ce qui se passe sur la scène. À aucun moment ils ne demeurent passifs. Ils tiennent parfaitement leurs rôles et c’est sans doute dans ces moments non préparés qu’ils sont les meilleurs et démontrent leur grand talent d’acteurs. Ils laissent aussi forcément les spectateurs sur leur faim, dans la mesure où ceux-ci repartent la tête pleine de questions et avec le désir de savoir ce qui aurait pu se passer différemment.

Dernier coup de ciseaux est une comédie de boulevard qui permet de passer un très bon moment en permettant de rire beaucoup. De jeunes spectateurs étaient présents dans la salle qui avaient l’air ravis de leur expérience. La pièce est peut-être un moyen de faire apprécier le théâtre à ceux qui ne l’aiment pas encore.

Dernier coup de ciseaux, du 11 au 22 juillet, au Gesù à Montréal

Pièce présentée dans le cadre des festivités du 375e anniversaire de Montréal

Texte : Paul Pörter, Marilyn Abrams et Bruce Jordan

Théâtre des Mathurins

Adaptation : Sébastien Azzopardi, Sacha Danino

Distribution : Domitille Bioret, Gaelle Gauthier, Thierry Lanckriet, Yan Mercoeur, Jean-Marie Rollin, Olivier Solivérès

Informations : http://www.375mtl.com/programmation/dernier-coup-de-ciseaux-de-paul-poerter8211-une-comedie-policiere-interactive-666/