« Prouesses… du redouté Pantagruel » au théâtre Denise-Pelletier à Montréal

Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel © Hugo B. Lefort
Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel © Hugo B. Lefort

En référence à la Table d’émeraude, Claude Gaignebet, qui fut mon directeur de thèse, aimait à répéter comme on l’observe en carnaval que « tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas ». Dans les fêtes de carnaval, en effet, que Claude Gaignebet connaissait parfaitement, on observe une sorte de monde à l’envers où l’or, par exemple, se substitue à l’excrément et vice versa. Les recherches érudites et de terrain, dans la quête de l’ésotérisme spirituel et charnel de Rabelais font sans doute de cet universitaire disparu en 2012 le plus grand spécialiste de l’auteur monumental du XVIe siècle qu’est désormais Rabelais. En assistant à la pièce hier, j’ai bien sûr pensé que Claude Gaignebet aurait sûrement été intéressé par cette œuvre proposée au théâtre Denise-Pelletier dont le titre interminable est bien dans la tradition

Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel © Hugo B. Lefort
Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel © Hugo B. Lefort

rabelaisienne, lui aussi, Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel.

Qu’y a-t-il à l’intérieur même du ventre du géant Pantagruel, le fils du non moins géant Gargantua ? C’est ce que le texte de Gabriel Plante essaye d’imaginer en y faisant se croiser quatre personnages : un pèlerin de Saint-Sébastien en quête de savoir, Ponocrate, son professeur de philosophie, et les biens connus Panurge et Frère Jean, mais que la pièce transforme en femmes. La belle voix chaude de Rabelais, le « père créateur » de cet ensemble, constitue un 5e rôle non moins important que les quatre autres.

Ainsi, le ventre de Pantagruel se transforme-t-il en une sorte d’Abbaye de Thélème, une utopie dont la devise « fais ce que « tu » voudras », sera mise à l’épreuve des quatre protagonistes, au milieu des aliments absorbés, des sucs gastriques, des régurgitations, des flatulences ou des matières fécales et autres odeurs fétides… Inutile de dire que le ton est entièrement à la grivoiserie et surtout à la scatologie. On a droit à de la grosse farce rabelaisienne bien salée, libertine et anale.

Mais pour équilibrer cette bouffonnerie excrémentielle, le texte très bien écrit et souvent spirituel et brillant, produit un tissage savant entre la grosse farce bien lourde et les raisonnements savants les plus sophistiqués. Le rôle du professeur et les dialogues qu’il a avec son élève sont en cela des plus réussis et d’un humour certain. Les quatre acteurs tiennent leurs rôles de manière excellente, et avoir choisi Dany Laferrière pour être en voix off la personne de Rabelais est à coup sûr une excellente idée. Cela permet à l’auteur du texte de la pièce d’autres tissages entre le XVIe siècle et l’époque contemporaine, ainsi qu’une réflexion plutôt intéressante sur le bienfait des utopies, une question qui n’a pas terminé d’être à l’ordre du jour.

Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel est certainement une bonne porte d’entrée à l’œuvre de Rabelais, à condition – comme pour Rabelais – qu’on ne s’arrête pas au seul côté grivois de l’œuvre.

Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel, du 26 septembre au 20 octobre 2018 au théâtre Denise-Pelletier à Montréal

Prouesses et épouvantables digestions du redouté Pantagruel, d’après l’œuvre de Rabelais

Texte et adaptation Gabriel Plante

Mise en scène Philippe Cyr

Production Théâtre Denise-Pelletier

Avec Paul Ahmarani, Nathalie Claude, Renaud Lacelle-Bourdon, Cynthia Wu-Maheux et la voix de Dany Laferrière

Assistance et régie Émilie Gauvin
Scénographie Odile Gamache
Assistance décor et accessoires Étienne René-Contant
Costumes Elen Ewing
Conception maquillage Véronique St-Germain
Lumières Martin Labrecque
Conception sonore Frédéric Auger
Conseil dramaturgique David Paquet

 

Informations : http://www.denise-pelletier.qc.ca/spectacles/76/