« Das Rheingold » de Wagner à l’Opéra de Montréal

Das Rheingold  © Yves Renaud
Das Rheingold © Yves Renaud

Dans la belle mise en scène conçue par Brian Staufenbiel, Das Rheingold de Wagner devient un spectacle en parfaite concordance avec le théâtre contemporain : écran transparent géant et rétractable, vidéo en direct et autres effets spéciaux qui se combinent à la gestuelle, aux voix et à la musique bien sûr, mais dont tous les musiciens sont déplacés de la fosse à la scène. Les 85 artistes (c’est beaucoup) de l’orchestre métropolitain se retrouvent en effet face au

Das Rheingold  © Yves Renaud
Das Rheingold © Yves Renaud

public comme pour un concert classique, ce qui est déjà spectaculaire en soi.

Personnellement, j’ai toujours trouvé un peu frustrant de ne pas pouvoir admirer en même temps les musiciens et les chanteurs à l’opéra. C’est que la mise en scène du livret se doit de justifier ce choix, ce qui est parfaitement le cas pour L’or du Rhin qui présente les trois niveaux bien tranchés de la cosmologie présente dans la mythologie germanique et nordique: le monde souterrain ou plutôt celui du fleuve avec ses ondines, ses nains et ses esclaves, le monde terrestre des géants, et le monde supérieur peuplé de ses divinités.

Pendant deux heures et trente minutes de spectacle sans entracte, Wagner propose dans ce premier temps, prologue de sa Tétralogie (15 heures au total si on y joint les trois opéras suivants : La Walkyrie, Siegfried et Le Crépuscule des dieux), une histoire extrêmement compliquée, peuplée de personnages surnaturels dont certains symbolisent les quatre éléments (air, terre, eau et feu), avec des vols de richesse, des objets magiques, des métamorphoses, des ruses, des trahisons, des transferts de pouvoir, des retournements de situation… Les personnages eux-mêmes sont remplis de contradiction. Le dieu Wotan qui est le plus grand de tout cet univers, se retrouve entravé dans son insatiable volonté de puissance par les autres, voire par ses propres lois; il est borgne, vulnérable, hésitant parfois et il possède des habiletés aussi opposées que la force au combat, l’art de la poésie ou celui de la magie.

On peut facilement se perdre dans le déroulement des actions et toutes les situations qu’a voulu Wagner, concepteur et rédacteur de son propre livret. Et précisément, la tripartition des espaces : fosse de l’orchestre pour le Rhin, scène pour les géants transformés en direct en beaux personnages d’animation grâce à une caméra, et pont suspendu au-dessus de l’orchestre pour l’univers des dieux, aide énormément à s’y retrouver, sans parler des vidéos projetées sur un écran-rideau transparent ou en fond de scène, les éclairages magnifiques, les médaillons qui amplifient certains détails. On peut presque visiter le Walhalla, le château que s’est fait construire Wotan et qu’il doit maintenant payer grâce à l’or du Rhin ou en offrant Freia qui cultive les Pommes d’or qui empêchent de vieillir. On peut voir comment le dieu Donner produit un orage, les éclairs et le tonnerre avec son immense marteau, et aussi l’arc en ciel qui s’ensuit et qui sert de sentier pour se rendre au château. Tout devient visible, presque réel des actions de ces personnages aux costumes et aux coiffures improbables d’êtres surnaturels. Tout est très beau et en grande harmonie avec l’histoire et la musique puissante, et heureusement plus douce par moments. Les chanteurs sont de très bons acteurs qui se déplacent beaucoup et adoptent toute une gestuelle adaptée, en plus de déployer leurs voix magnifiques.

En somme, le travail de la mise en scène de cette œuvre va bien dans la continuité du Gesamtkunswerk, l’art total qu’ambitionnait Wagner dans sa propre volonté de puissance artistique. À la fin du spectacle, le public s’est immédiatement levé pour ovationner tous les artistes, preuve qu’il a apprécié cette intégration des outils que la technologie permet sur la scène contemporaine.

 

Das Rheingold du 10 au 17 novembre 2018 à la Salle Wilfried Pelletier de la Place des Arts à Montréal

Das Rheingold de Richard Wagner

Mise en scène Brian Staufenbiel

Avec Ryan McKinny, Nathan Berg, Aidan Ferguson, Julian Close, Soloman Howard, Caroline Bleau, Roger Honeywell, David Cangelosi, Gregory Dahl, Steeve Michaud, Catherine Daniel, Andrea Nunez, Florence Bourget, Carolyne Sproule, Michael Christie

Décors Brian Staufenbiel

Éclairages Nicole Pearce

Projections David Murakami

Costumes Matthew LeFebvre

Production Minnesota Opera

Orchestre métropolitain de Montréal

Informations https://www.operademontreal.com/programmation/das-rheingold#distribution