« Platonov, amour, haine et angles morts » au théâtre Prospero à Montréal

Platonov © Maxime Robert-Lachaîne
Platonov © Maxime Robert-Lachaîne

Lorsque la metteure en scène Angela Konrad s’empare d’une pièce à monter, celle-ci prend un relief spectaculaire. C’est ce qui se démontre encore et peut-être particulièrement avec Platonov, une œuvre de la prime jeunesse de Tchekhov. Au-delà du texte où toute la philosophie du dramaturge se trouve déjà (il n’avait que 18 ans lorsqu’il l’a écrite), le spectacle offert au Prospero est un sommet en matière d’effets sonores, de personnages, de musiques, de lumières, de situations qui produisent chez le spectateur toutes sortes d’émotions mêlées à ce rire irrésistible et paradoxal qu’on peut avoir face au tragique désespérant de la vie.

Si Platonov est une sorte de vaudeville, c’est un vaudeville à la Tchekhov c’est-à-dire sombre, nihiliste, cynique. On y comprend entre autres que rien n’est plus opposé qu’un homme à une femme, et spécialement peut-être lorsque l’amour s’en mêle.

Le personnage principal, le jeune Platonov, un instituteur marié à une femme enfant et père d’un bébé, est un instituteur au tempérament sombre et mélancolique comme peut l’être le personnage de Hamlet, mais aussi un genre de Don Juan pour qui toutes les femmes sont prêtes non seulement à se donner mais à dédier leur existence. L’atmosphère de la pièce est lourde comme la chaleur dont se plaignent les protagonistes en cet été oisif où ils ne font que boire et s’ennuyer. En dehors du médecin Nicolas Ivanovitch, un drogué bizarre aux plaisanteries douteuses, tous les autres affirment leur état malheureux, désabusé. On sent le milieu aristocratique russe ruiné, à la recherche du moindre sou qui de toute façon ne leur apportera aucune satisfaction.

Platonov © Maxime Robert-Lachaîne
Platonov © Maxime Robert-Lachaîne

Platonov décline tout un ensemble de personnages finement dessinés, de la splendide veuve du général à l’épouse du touchant Serguei, en passant par Marie l’étudiante en chimie et d’autres…. Tous ont des caractères grotesques comme le sont les personnages de certains films de Fellini. L’équipe d’acteurs choisis pour la pièce a été sélectionnée avec un soin extrême pour leurs physiques et bien sûr leur jeu qui est parfait en tout point. Les costumes qu’ils revêtent ajoutent à leurs physionomies. Les maquillages exagérés disent tout de la douleur des femmes dont, par moment, on voit en projection noir et blanc les très gros plans au naturel, sans artifice, dans toute leur nudité et leur désarroi. Platonov lui-même est touchant par son intelligence, sa folie et aussi sa lâcheté.

Le décor, la grande maison dans laquelle tous ces personnages se retrouvent en cet été épuisant, possède un étage où pendant que la situation se déroule sur la scène, on aperçoit d’autres personnages qui observent, comprennent ce qui se passe, agissent. Les nombreux effets sonores sont remarquables, la lumière et la disposition presque chorégraphique des acteurs font de chaque scène un tableau d’une esthétique admirable.

Platonov adapté et mis en scène par Angela Konrad est une vraie réussite, une pièce classique rendue contemporaine par tout ce que cette artiste ajoute de son talent immense.

Platonov, amour, haine et angles morts, du 1er au 15 décembre 2018 au théâtre Prospero à Montréal

Mise en scène, adaptation, conception costumes et espace scénique Angela Konrad

Avec Violette Chauveau, Samuël Côté, Pascale Drevillon, Renaud Lacelle-Bourdon, Debbie Lynch-White, Marie-Laurence Moreau, Diane Ouimet, Olivier Turcotte

Assistance à la mise en scène, régie son et lumière William Durbau

Conception lumière Cédric Delorme-Bouchard

Conception sonore Simon Gauthier

Photographies, intégration et régie vidéo Julien Blais

Assistance aux costumes Fruzsina Lanyi

Second assistant Hubert Rivest

Recherche dramaturgique François Genest

 

Informations https://theatreprospero.com/spectacle/platonov-amour-haine-et-angles-morts/