Kliniken (Crises)

 
Pour cette deuxième pièce de la 40e saison du théâtre du Trident, Gill Champagne se fait plaisir en s’appropriant la mise en scène de ce texte profondément humain et réaliste de Lars Norén, une pièce où le public est convié à voir, écouter et suivre le quotidien d’une dizaine de patients d’une institution psychiatrique pour une journée. Un huis clos au coeur de la maladie mentale. Bouleversant et déstabilisant!
 
En entrant dans la salle Octave-Crémazie du Grand Théatre, le public se sent particulièrement voyeur, puisque la scène fourmille déjà de quelques patients dans la salle commune de l’hôpital psychiatrique. Tous vivotent en silence, avec une musique douce et réconfortante en trame de fond. Dès lors, les gens dans la salle sentent qu’ils font partie intégrante de cette salle commune. Ceci est probablement dû aussi au fait que, le metteur en scène a délibérément placé ses comédiens en avant-scène, tout en long, assis face au public et avec peu d’espace pour circuler. Un mur géant derrière eux, dénudé, avec des bancs grisâtres pour s’asseoir en rangée, voilà tous les accessoires qu’il y a. Ce sont les patients qui retiennent toute l’attention. De plus, ces personnages sont habillés de couleurs agencées avec le mur orange brûlé, dans des tons de brun, beige, gris, orangé. Sauf exception d’Érika qui viendra mettre des couleurs vives et pousser un vent de positivisme à ce groupe, lors de ses passages éclairs dans la salle, pour parader ses nouvelles tenues.
 
 
En plus de cette dizaine de personnes atteintes de maladie comme la schizophrénie, la zoophilie, l’anorexie, la maniaco-dépression, le syndrome de Gilles de La Tourette… on a un infirmier, joué très sobrement par Fabien Cloutier, qui surveille en permanence dans la salle et s’assure de faire régner l’ordre dans ce monde plutôt inhabituel. À la moindre crise ou manquement au règlement, un sifflet retentit pour récupérer le calme et le contrôle.
 
 
Une mise en scène de haute voltige nous est donnée par Gill Champagne. Intentionnellement, il laisse les patients s’adonner à leurs tics, et manies pendant qu’un d’eux se confie, se libère, se révèle en toute candeur. Parfois même, ils se parlent, sans s’écouter, créant un rythme musical de voix où plusieurs dialoguent sans que personne n’écoute.Même le public choisit parfois de regarder des patients silencieux plutôt que d’écouter celui qui monologue.
 
Les performances d’acteurs sont un élément essentiel à la réussite d’une telle pièce. Je dois noter la grande générosité d’un Roland Lepage qui parle peu, mais se donne pleinement dans sa folie de schizophrène. Il volera la vedette à plusieurs occasions, permettant au public de rire et aussi de détendre l’atmosphère lourde par moment. Et dire que ces mêmes personnes, on les rencontre parfois errant dans le Vieux-Québec, et on détourne le regard par malaise et incompréhension…
 
Christian Michaud aussi amène occasionnellement une bourrasque d’action à ce groupe plus souvent mollement animé. Il déferle des insanités et des tics complètement hallucinants. Difficile de croire que cet acteur ne fait que jouer et pourtant…
 
Kevin McCoy est absolument déroutant, lorsqu’il nous raconte ses déboires avec ses animaux, tel un commentateur de nouvelles, sans émotion, tout en changeant constamment la chaîne de la télé, avec sa télécommande.
 
 
Je pourrais en dire tout autant du jeu incroyablement juste, synchronisé et en harmonie de tous les autres acteurs.
 
La musique sert également bien la pièce, pour créer des moments de détente dans la salle, autant pour les patients que pour nous, gens du public.
 
Finalement, je me dois de mentionner la participation de Louise Allaire, la directrice du théâtre Jeunesse Les Gros Becs, qui fait un agréable retour sur scène dans un petit rôle. La façon dont elle intervient dans la pièce, permet encore plus au public de se sentir impliqué et présent à l’intérieur des murs de cette institution.
 
La pièce est d’une durée de 2 heures sans entracte.
 
Fait intéressant, une exposition est présentée dans le foyer de la salle Octave-Crémazie, en écho à la pièce Kliniken (Crises), qui traite de la maladie mentale. Les œuvres proposées sont tirées du second volet de l’exposition thématique itinérante Trilogie Art-Normes (Le diable au corps), dans le cadre du programme Vincent et moi. Ceci est un programme d’accompagnement en soutien aux artistes vivant avec une maladie mentale, mis sur pied en mai 2001, à l’institut universitaire en santé mentale de Québec. D’ailleurs, des artistes de Vincent et moi assisteront à la représentation de la pièce, le 5 novembre et participeront à une causerie avec les comédiens et le public qui aura lieu après la représentation.
 
 
La pièce est présentée du 2 au 27 novembre 2010, à 20 h, à l’exception des 20 et 27 novembre où elle sera présentée à 16 h.
 
Texte : Lars Norén
Mise en scène : Gill Champagne
 
Traduction :Arnau Roig-Mora, Jean-Louis Martinelli et Camilla Bouchet
 
Scénographie : Jean Hazel
Costumes : Dominic Thibault
Musique : Marc Vallée
 
Une coproduction avec le Théâtre Blanc
 
Distribution :
Frédérick Bouffard : Mohammed
Lise Castonguay : Anne Marie
Fabien Cloutier : Thomas, l’infirmier
Linda Laplante : Maud
Roland Lepage : Markus
Kevin McCoy : Anders
Christian Michaud : Roger
Klervi Thienpont : Sofia
Marjorie Vaillancourt : Érika
Réjean Vallée : Martin
Et la participation de Louise Allaire
 
 
 
 
 
 
crédit photos : Vincent Champoux et Guillaume Simoneau