Des enfants à croquer

À 26 ans, Fannie Loiselle signe son premier livre intitulé Les enfants moroses. Elle raconte avec adresse ce qu’est la morosité sans tomber dans la déprime ni le larmoyant. Son écriture est légère, touchante et épurée. Et ses histoires? Aussi colorées qu’un paquet de jelly beans.

Les enfants moroses, c’est l’histoire d’Éric, Camille, Sarah, Christophe, Léanne ou Audrey, de grands enfants, tout petits dans leur corps. Certains sont en appartement, d’autres, étudiants, quelques-uns occupent de petits jobs merdiques, mais peu importe leur statut, tous sont désenchantés, dépossédés, perdus dans une société de consommation aux allées de supermarchés démesurément trop grandes.

À travers les pages, on apprend à connaître les personnages. Ils sont amis, surtout, mais aussi amants, ex ou parents. Chacun prend la parole pour raconter son histoire ou celle d’un autre, le temps d’une nouvelle de 3 ou 4 pages. On remarque rapidement que le style d’écriture demeure le même malgré les changements de narrateurs. Les histoires, elles, ne se ressemblent pas.

Camille adopte un serpent qu’elle fait dormir avec elle, Audrey fabrique des bougies à la tonne dans son appartement, Léanne échange sa vie pour celle de son voisin et Christophe songe à louer Les robots tueurs pour la prochaine soirée ciné. Un peu plus loin, Sarah commet un délit : celui de voler un lièvre en plâtre sur un terrain pour le mettre dans son salon et, de son côté, Éric mange des bonbons au lit avec sa blonde pour souper. Chacun à sa manière cherche à se divertir, et à combler un vide.

Ainsi, pour se changer les idées, les personnages testent les limites, se poussent à ressentir autre chose que de la morosité qui les habite. Ils vont au zoo, aux glissades d’eau, courent dans les rues par une nuit d’insomnie, cuisinent un gâteau et se cherchent une raison de célébrer, font un labyrinthe de glace, se racontent des histoires de lapin ou de chauve-souris, quand ils ne zigzaguent pas en voiture.

Mais, malgré leurs efforts, les enfants moroses ne semblent pas arriver à leur fin. Se sentir vivants ou plus grands que nature reste des désirs inassouvis. Ils sont désœuvrés, vivant à côté d’eux-mêmes.

« Avant que la voiture ne soit extraite du fossé, avant qu’on l’emporte, j’ai sorti l’appareil de mon sac et j’ai insisté pour que l’homme prenne une photo. De moi et de Camille, côte à côte, avec son attelle et mon pansement. J’ai regardé le résultat sur le petit écran LCD. J’ai trouvé que ça n’avait pas l’air vrai. Qu’il manquait quelque chose. J’ai dit à Camille de faire un effort, de montrer à quel point elle était triste. Et j’ai demandé à l’inconnu de recommencer. »

Le livre nous plonge dans deux univers : celui de l’enfance au temps espiègle et celui du quotidien individualiste et triste, le tout de manière détachée. Fannie Loiselle est franchement habile, ses idées sont insolites et ses histoires, attachantes. À lire. Avec une réglisse rouge.

Fannie Loiselle, née sur les berges du Richelieu, a publié son premier livre cet hiver.

Elle signera des autographes l’après-midi du samedi 12 mars au Archambault situé sur Sainte-Catherine au coin de la rue Berri.

 

Nombre de pages : 150 pages

Prix : 19.95$

http://www.marchanddefeuilles.com