Où tu vas quand tu dors en marchant 2

Pour la première soirée du parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant… 2 du Carrefour international de théâtre, jeudi le 26 mai, dans le quartier Saint-Roch, la soirée s’annonçait moche, venteuse et pluvieuse. Alors quelle chance pour les gens qui ont bravé le mauvais temps de voir qu’il a arrêté de pleuvoir 20 minutes avant le début du parcours et ce, pour le reste de la soirée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fort de leur succès des deux années précédentes, l’équipe du Carrefour a reconduit le metteur en scène Frédéric Dubois à la barre artistique de son grand spectacle multidisciplinaire extérieur, et a centré son animation dans les rues du quartier Saint-Roch. Une très belle innovation, car il est plus facile de se déplacer et de faire le tour du parcours. Au total 6 lieux à visiter, dans le désordre, entre le Jardin Saint-Roch,  la rue du pont et la Marina Saint-Roch.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le public passe de l’émerveillement à la nostalgie, de la compassion à l’attendrissement, du questionnement à l’étonnement, du respect à la fierté. Voilà donc un parcours des plus touchants et désarmant. Un must assurément, beau temps, mauvais temps. C’est un tel ravissement qu’on en oublie le temps qu’il fait.

 

 

 

Jardins intérieurs


Un parterre animé de scènes d’intimité quotidienne livrées au regard des curieux.

 

C’est dans ce parc enchanteur que les gens se promènent et s’arrêtent devant les 11 tableaux qui se présentent à eux. Une femme accoudée à sa table à langer est perdue dans ses réflexions. Un couple au restaurant s’ignore en lisant pendant que le public est complice de leurs pensées intimes. À une table de poker, on entend ce qui se trame dans la tête de ces joueurs invétérés… Puis, à intervalle régulier, les chuchotements réguliers se taisent le temps d’un interlude d’une chanson, où tous ces gens s’animent, dansent et crient au plus grand étonnement et ravissement du public. De belles chorégraphies d’Harold Rhéaume avec la collaboration de deux jeunes hommes qui maitrisent l’art de l’acrobatie.

 

 

Situé dans les Jardins Saint-Roch.
Conception Nancy Bernier (comédienne et metteure en scène. Elle a dirigé des productions d’envergures comme Lévis au Cube.)
En collaboration avec Bernard White, Ariane Sauvé, Sébastien Dionne, Harold Rhéaume, Fabrice Tremblay, Marc Doucet et Jacques Boucher

 

 

 

 

Vente de nuit

Un marché aux puces libérateur qui incite à se départir de souvenirs oppressants. Définitivement mon coup de cœur dans ce parcours!

 

 

Situé sur la rue Fleurie, entre les rues du Parvis et de la chapelle, ce marché aux puces est accessible seulement à partir de la rue du Parvis en sens unique. Aux premières tables d’objets fictifs à vendre, c’est le chaos, les gens s’interpellent d’une table à l’autre et font participer le public à leurs discussions, tel un marché aux puces animé. Puis, après la table de la voyante aux tasses de thé, le public s’amasse en petits groupes restreints devant les tables, pour recevoir les histoires de ces gens et de ces objets à vendre qui ont un lien avec ceux qu’ils ont aimés et sont disparus.

 

 

De cette femme qui n’a jamais connu son frère, mais qui le voit dans ses rêves sans savoir ce qu’il veut lui dire, à la mère dont l’accouchement lui a laissé un bébé mort-né.

 

Ou de cette femme qui joue encore avec sa maison de poupée, en nostalgie du temps où sa mère était vivante, à cet homme qui a perdu son frère, dont l’idole était supposément Elvis le roi du rock.

 

Bref des moments intimes qui sont partagés avec le public un peu à la manière des histoires racontées dans les lits lors du parcours des années précédentes. Ce qui est intéressant ici, c’est que les gens peuvent écouter plusieurs histoires à leur gré. Personnellement j’ai entendu 6 magnifiques récits émouvants qui m’ont fait vibrer.

 

 

 

 

Puis, le public arrive à la Chapelle, qui permet à tous de se recueillir un moment et déposer un objet qu’il a amené avec lui, s’il le désire, en signe d’hommage, d’amour, de lâcher-prise… Et le périple se poursuit dans ce qui ressemble à un cimetière où cette fois-ci ce sont des tables blanches éparses, avec à chaque station une personne toute de blanc vêtue, qui représente la personne qui n’est plus là, et une personne qui l’accompagne, l’interpelle et discute avec elle. Ainsi, on retrouve des moments de détresse, de désespoir, de tendresse, de tristesse infinie. Les gens sont respectueusement voyeurs de ces étreintes, de ces pleurs, de ces lamentations.

 

 

Avec des acteurs chevronnés de Québec tels que Marie-Ginette Guay qui parle à sa fille devant son miroir et passe du rire aux larmes, à Réjean Vallée qui s’accroche à Marie-Josée Bastien en pleurs. Ce sont tous des moments forts où l’on est aux premières loges pour voir des performances magistrales et ressentir toutes les émotions reliées à la perte d’un être cher.

 

 

 

Encore une fois, le talent des acteurs de Québec et la sensibilité du concepteur de cette station, Steve Gagnon font de ce lieu un des endroits à ne pas manquer.

 

 

 

Situé sur la Rue Fleurie, entre les rues du Parvis et de la Chapelle, incluant la cour intérieure (l’esplanade) de l’Université du Québec.
Conception Steve Gagnon (Il incarnait Roméo dans Roméo et Juliette au Théâtre de la Bordée. En tant qu’auteur, son premier texte La montagne rouge (SANG) a été créé au 11e Carrefour et présenté par la suite au Théâtre Périscope.)
En collaboration avec Dominic Thibault et Marco Morin

 

 

 

 

Nichés

Une murale de petits balcons où vivent des personnages en apparence seuls et pourtant connectés sur le monde.

 

Un concept unique et original que de voir ces personnes, telles des statues, nichées sur de petites plateformes sur le mur.  Ces gens murmurent, fredonnent, mais ils n’interagissent avec le public qu’au moyen de texto pour ceux qui le désirent. Les numéros de téléphone et autres informations s’inscrivent sur le mur sous forme de projections vidéos pour permettre aux gens de communiquer avec eux sur le mur.

 

Située sur la Rue de la Chapelle, entre les rues Fleurie et Sainte-Marguerite

Conception Christian Fontaine. (Il  enseigne la scénographie et la conception d’éclairages au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Il travaille régulièrement avec plusieurs compagnies, dont le Théâtre du Trident, le Théâtre de la Bordée )
En collaboration avec Philippe Lessard-Drolet

 

 

 

 

 

 

 

La Pêche miraculeuse

Un ciel de leurres composé d’objets insolites et séduisants qui attisent la convoitise.

 

Un endroit bien vivant et coloré nous attend sur cette rue, aux objets plus grands que nature. Les gens se font interpeller par les divers personnages suspendus. Un moment fort divertissant et surprenant.

 

 

 

Situé sur la Rue Sainte-Marguerite, entre les rues de la Chapelle et du Pont

 

Conception Cooke-Sasseville. (Pierre Sasseville et Jean-François Cooke forment un duo d’artistes dont la pratique est essentiellement tournée vers l’installation et la sculpture.)
En collaboration avec Fabien Cloutier pour les textes.

 

 

 

 

Pour de vrai

Une rue autrefois cachée derrière les murs d’un mail qui dévoile sa diversité sociale, artistique et commerciale.

À l’aide de photos et de vidéos documentaires projetés sur les murs ou à l’intérieur des bâtisses, le public en apprend un peu plus sur les divers commerces, boutiques, bars et organismes communautaires, artistiques et sociaux qui peuplent cette rue. Il y a le bar le Dauphin, le Fanamanga, boutique de manga japonais, la Galerie d’art Morgan Brige, qui est l’univers des graffiteurs le Centre en Art Actuel, qui est le royaume de la performance,  La Maison Gilles Kègle, l’épicerie André Rouleau et le carrefour familial des handicapés, pour les personnes à mobilité réduite. L’apogée de tout cela, survient aux 25 minutes, lorsqu’a lieu un ballet sur roue, (chorégraphié par Chantale Bonneville) où des personnes à mobilité réduites vont danser avec leurs triporteurs, chaises roulantes. Un moment magique où les «bravos » fusent de toute part après la prestation.

Située sur la Rue du Pont, entre les rues Saint-Joseph et De La Salle

Conception Marie Gignac et Alexandre Fecteau.(Marie Gignac est comédienne, metteure en scène et directrice artistique du Carrefour. On l’a vue récemment dans Les Trois Sœurs au Théâtre du Trident et dans Roméo et Juliette au Théâtre de la Bordée. Alexandre Fecteau est auteur, metteur en scène et directeur artistique du collectif Nous sommes ici, qui s’intéresse principalement au docu-théâtre. Sa création Changing Room sera présentée au Théâtre Périscope en avril.)
En collaboration avec Chantal Bonneville, Marie-Renée Bourget-Harvey, Catherine Guay et Marilyn Laflamme

 

Lecture aléatoire (shuffle;-)

Une bande d’adolescents qui profitent de la nuit pour prendre la parole et livrer leurs sentiments, leurs rêves, leurs envies.

À la marina Saint-Roch, la piscine extérieure sert de plateau théâtral pour ces jeunes finissants de secondaire V de la classe d’art dramatique de l’école secondaire de Rochebelle. Dans le cadre de leur spectacle de fin d’année, Frédéric Dubois a travaillé avec eux une dizaine de scènes d’environ 3 minutes, qui parlent de leurs rêves, leurs espoirs, leurs vies. Sous forme aléatoire, les diverses scènes sont interprétées par ces jeunes, accompagnés parfois par des vidéos projetés dans la piscine. Pour ma part, j’ai vu une parade de mode éclatée, un court-métrage fort intéressant et une scène entre les jeunes ou le langage cru était de mise.  On peut dire que Frédéric Dubois a gagné son pari de laisser les jeunes s’exprimer et se livrer au public.

 Conception Frédéric Dubois, Yasmina Giguère et Pascal Robitaille. (Frédéric Dubois est metteur en scène et directeur artistique du Théâtre des Fonds de Tiroirs dont il est un des fondateurs. En avril, il sera de la distribution du spectacle Changing Room.)

En collaboration avec Marie-Amélie Dubé et les élèves du groupe 5401 de l’École secondaire De Rochebelle

Après le succès de la première mouture de ce parcours, la barre était haute et les attentes grandes. L’équipe du carrefour s’est, à mon avis, surpassé pour donner au public une vision concrète, juste et affectueuse du quotidien et de la réalité des gens de Québec et ainsi leur rendre hommage par ce parcours déambulatoire.

Où tu vas quand tu dors en marchant… 2 sera présenté à nouveau gratuitement au cœur du quartier Saint-Roch, les 27 et 28 mai 2011 de 21 h à 23 h en continu… beau temps, mauvais temps.

www.carrefourtheatre.qc.ca

 

crédit photos: Roland de Québec et Lise Breton