Après avoir connu un succès au TNM à Montréal, en octobre dernier, voilà que cette pièce s’amène à Québec, pour un soir seulement à la salle Albert-Rousseau.
Créé en 1662, ce Molière semble demeurer très actuel encore aujourd’hui, alors que cela parle d’autonomie et du statut de la femme. Cela raconte l’histoire d’Arnolphe, un homme d’âge mûr, qui s’apprête à épouser la jeune Agnès dans la fleur de l’âge. Obsédé par l’idée de se faire tromper ou de se faire enlever sa belle, il enferme dans un couvent la petite Agnès âgée de quatre ans, pour qu’elle soit éduquée dans un isolement secret destiné à en faire une innocente ignorante et qu’elle devienne une femme soumise. Depuis sa sortie du couvent, la jeune Agnès est gardée dans la maison du vieux libidineux, à l’abri des regards. Mais ses plans de mariage vont être bousculés par Horace, le fils de son ami, qui va tomber amoureux de sa protégée.
J’avais vu cette pièce au théâtreLa Bordéeen 2010, où Jean-Philippe Joubert avait eu l’audace et le génie de transposer la pièce en milieu musulman actuel. J’avais hâte de voir la signature d’Yves Desgagnés pour cette nouvelle mouture de cette pièce.
Cette fois-ci, l’approche contemporaine a également été choisie. Cependant, c’est plutôt l’idée de jouer du théâtre dans une pièce de théâtre qui a été retenue comme principe de base. Par exemple, Guy Nadon arrive sur scène, devant le rideau et frappe les 3 coups de théâtre traditionnel pour démarrer la pièce et ainsi faire lever le rideau. Mais derrière ce dernier se trouve une autre scène ainsi qu’un autre rideau. Puis, il trouve un texte et commence à lire les premières lignes et à enfiler un costume. Quelqu’un, sorti de nulle part, vient lui donner la réplique et ainsi démarre la pièce. À plusieurs moments dans la pièce, le premier rideau tombe ou le comédien sort de la scène et semble s’adresser au public, comme pour alterner entre la pièce jouée sur scène et le comédien sur scène. Je dois avouer que pour moi, ce fut parfois bizarre comme procédé, mais j’ai tout de même apprécié.
Comme décor, on s’est retrouvé avec un décor simpliste d’une porte sur l’endroit où la jeune Agnès est enfermée et des jeux de lumière et des cordages pour faire descendre du plafond des décors dessinés sur des draps, ou presque. Comme on aurait dans des pièces de théâtre amateur, pour vraiment donné l’impression de jouer du théâtre sur la scène même du théâtre. C’est une approche et une mise en scène innovatrice, intéressante et audacieuse. Personnellement, j’ai préféré l’idée qui avait été présentée àla Bordéel’an passé.
Pour les costumes, on est resté dans les goûts et styles de l’époque avec une multitude de tissus, de grands chapeaux et une magnifique robe blanche style des sœurs cloîtrées pour la jeune Agnès.
Au niveau du jeu, je n’ai que des éloges pour les divers acteurs qui ont interprété avec brio les divers personnages. Guy Nadon est sublime dans le rôle d’Arnolphe. Il sait se rendre sympathique, malgré ses propos misogynes. Il est désopilant, avec ses mimiques, ses gestuelles, son esprit espiègle. Pour son premier Molière, on peut dire que Guy Nadon s’en donne à cœur joie, dans la rime, le rythme, le jeu de mots, les répliques de douze pieds qui parfois s’enchaînent à ne plus savoir quand respirer, ou parfois, avec tant d’émotion qu’on devient bouleversé. Mais quel acteur fabuleux!
Pour lui donner la réplique, Sophie Desmarais, dans le rôle d’Agnès, est d’une fragilité, d’une fraîcheur qui n’a d’égal à son ardeur et sa criante vérité, quand vient le temps, vers la fin de la pièce d’affronter Arnolphe et affirmer sa honte d’être aussi sotte.
Jean-Philippe Baril Guérard, quant à lui, donne à son Horace des allures de Bob Marley avec ses grandes tresses, et une attitude fringante, débonnaire, une énergie débordante, signe indéniable d’un amour naissant qui donne des ailes!
J’ai adoré également les personnages des serviteurs, joués par Pierre Collin et Louison Danis. Ils sont adorables, rigolos et amènent une dynamique enjouée à chacune de leurs apparitions. À mon avis, leurs rôles auraient pu être exploités encore plus, car ils formaient un formidable duo. J’ai eu l’impression de ne pas en avoir assez de leur présence.
Durée du spectacle – 2 h 35 incluant l’entracte
une pièce de Molière
Mise en scène : Yves Desgagnés
Distribution :
Arnolphe : Guy Nadon
Agnès : Sophie Desmarais
Horace : Jean-Philippe Baril Guérard
Chrysalde : Henri Chassé
Alain : Pierre Collin
Georgette : Louison Danis
Le notaire : Mathieu Handfield
Enrique : Miro Lacasse
Oronte : Raymond Legault
Conception :
Assistance à la mise en scène et régie : Roxanne Henry
Décor : Martin Ferland
Costumes : Daniel Fortin.
Éclairages : Claude Accolas
Musique originale : Catherine Gadouas
Accessoires : Julie Measroch
Maquillage : François Cyr
Perruques : Rachel Tremblay
http://www.tnm.qc.ca/saison-2011-2012/LEcole-des-femmes/LEcole-des-femmes.html
crédit photos : Philippe Moussette