Amours écureuils

 

Marie-Hélène Gendreau et Jean-Michel Girouard

 Pour sa deuxième production, après le succès d’Autour de ma pierre il ne fera pas nuit, présenté à Premier Acte en 2009, le Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline présente Amours écureuils, la première pièce de Jean-Michel Girouard.

 Par un soir de printemps, Alex (Jean-Michel Girouard) retourne chez Agathe (Marie-Hélène Gendreau) son ex-copine. Il entre dans son appartement, puis dans sa chambre alors qu’elle est endormie. Du moins, c’est ce qu’il croit. Mais Agathe ne dort pas, elle fait semblant. Alex profitera de ces quelques heures avant l’aube pour lui raconter une histoire. La sienne. La leur.

 Avec ce spectacle, cette compagnie de théâtre se lance tout un défi de vouloir rendre accessible la poésie au théâtre et de viser précisément un public masculin, qui est moins enclin au théâtre et à la poésie. Je ne sais pas si le public masculin va se sentir interpellé, mais cette proposition est venue chercher l’amoureuse en moi. J’ai été complètement jetée par terre par cette proposition.

Littéralement, cette pièce, je l’ai reçue comme un coup de foudre théâtral qui m’a frappé de plein fouet. Sans m’y attendre, je me suis laissé imprégner du mal à l’âme d’Alex, qui vient déverser son trop-plein d’émotions vives pour Agathe. Telle une éponge, je me suis imbibée de ce trop-plein d’émotion. Son regard souvent tourné vers nous le public, comme s’il s’adressait à chacun de nous individuellement, nous prenant à témoin de sa douleur, de son amour, de son incapacité à communiquer son amour pour sa belle. Tel un poignard, je l’ai reçu en plein cœur.

 

Marie-Hélène Gendreau et Jean-Michel Girouard

Au sortir de la salle, je n’ai pas pu crier bravo! Car j’étais sans voix. Je n’ai pas pu faire une ovation debout, car mes jambes étaient tremblotantes. Je n’ai jamais ressenti autant d’émotions vives dans une soirée au théâtre. J’étais sous le choc. L’amoureuse en moi avait mal. Car l’histoire de ces deux personnages, on la connaît tous. On l’a vécu d’une façon ou d’une autre. Le grand amour, celui qu’on pense qui va durer toujours. L’âme sœur qu’on croit avoir trouvée, puis la débandade. Alors qu’on croit qu’on a vaincu le quotidien à deux, l’autre trouve qu’il manque de magie dans le couple. Et la rupture inévitable, qui vient laisser un trou béant au cœur. Les jours qui passent, ensuite, à tenter de vivre sans l’autre, sans son oxygène. Et le désespoir, pour tenter d’arrêter la voix dans sa tête, l’odeur dans son espace vital, les visions au milieu de la nuit…

 Le texte de Jean-Michel, écrit sous forme de monologue, est truffé de figures de style. Il possède de belles qualités d’écriture pour créer des images fortes, grâce souvent aux métaphores qu’il utilise. C’est une poésie qui coule bien, laissant de la place à l’humour parfois et surtout à une grande sensibilité. Le tout, dans un univers très masculin, mélangeant le hockey, le aki, la nature, les écureuils, la bière, les filles et naturellement, l’amour.

 Voici un exemple du monologue d’Alex :

« ALEX – Notre histoire, c’est une belle histoire. J’ai peur que tu l’oublies. Pis, je veux te raconter ce que tu sais pas aussi. Parce que les fois où j’ai souri, mais où t’étais pas là, passeront pas au téléjournal. Les fois où j’me suis levé en retard, parce qu’il n’y avait personne pour vérifier le réveil, passeront pas aux Bloopers TVA. Les fois où j’ai pensé à toi, où je t’ai dit « je t’aime » dans le silence de mes insomnies, sortiront pas en coffret DVD. Fak tu le sauras jamais. Fak c’est pour ça que j’ai envie de rester. »

Pour la mise en scène, Vincent Champoux avait un défi de taille à surmonter, car Alex et Agathe n’interagissent pas directement l’un avec l’autre, puisque c’est Alex qui raconte leur histoire, devant une Agathe qui est couchée et fait semblant de dormir, mais dont on peut entendre les réflexions, pendant qu’Alex lui parle.

 

Marie-Hélène Gendreau et Jean-Michel Girouard

Comme l’histoire se passe entièrement dans la chambre d’Agathe, le metteur en scène a eu l’idée de dupliquer la chambre en trois espaces identiques, érigés côte à côte, pour permettre de faire coexister plusieurs réalités ou temporalités. En jouant sur le rythme et l’intensité, chaque souvenir dévoile un climat différent. Ainsi, Agathe et Alex se promènent d’une pièce à l’autre, et prennent vie dans les divers souvenirs d’Alex. Chaque changement de pièce entraine une émotion nouvelle, un moment dans le temps différent. C’est génial comme mise en scène!

 Naturellement, cette pièce n’aurait pas cet impact fulgurant, sans le talent indéniable de ces deux acteurs. Jean-Michel Girouard est complètement crédible dans le rôle d’Alex. Sympathique à souhait, lorsqu’il déballe son sac dans la chambre d’Agathe et fait preuve de vulnérabilité, c’est certain qu’il vient chercher la corde sensible des femmes dans la salle. Il ne joue pas son personnage, il l’est, tout simplement.

 

Marie-Hélène Gendreau

Marie-Hélène Gendreau, pour sa part, réussit à faire passer les états d’âme de son personnage, par ses expressions, ses gestuelles. Elle a peu de texte, mais son corps parle pour elle. 

 Dès les premiers instants de la pièce, en quelques secondes, les deux interprètes nous miment leur relation, dans les trois pièces. La complicité amoureuse du début d’une relation, la mésentente, la frustration de l’incompréhension, du manque de communication. La douleur face à la rupture puis la solitude et l’insomnie de l’isolement. Le ton est donné, on est déjà accroché à ce couple désemparé.

 Le moment fort de la soirée pour moi : Alors qu’Alex, lors d’une ultime tentative pour oublier sa belle, tente de cesser de respirer, le regard au loin, avec un décompte des secondes qui s’accumulent. Le public capte alors son regard comme un cri de désespoir.

 Le moment charmant et rigolo de la soirée : La description du match de hockey qui entre en compétition avec la séduction d’une adversaire coriace.

 Le moment émouvant, touchant de la soirée : lorsqu’il parle du quotidien qu’il adore, tandis qu’elle espère du renouveau et de la fantaisie, de la surprise dans le couple.

 

Affiche pour Amours écureuils... crédit photo Vincent Champoux

En sortant de la salle, les gens étaient bien silencieux. Est-ce que comme moi, ils étaient encore sous le choc de ce trop-plein d’émotion ? Je ne saurais le dire, mais il est certain qu’une pièce de ce genre donne des idées de rapprochement avec un être aimé, de célébrer la vie et de communiquer l’amour qu’on a en nous.

 Cette pièce est présentée à Premier Acte du 17 avril au 4 mai 2012 à 20 h, et le dernier samedi, 5 mai à 15h 

Texte : Jean-Michel Girouard

Mise en scène : Vincent Champoux

Scénographie : Marie-Renée Bourget-Harvey

Distribution : Marie-Hélène Gendreau et Jean-Michel Girouard

 

BILLETS EN VENTE SUR RÉSEAU BILLETECH – 418 643-8131

Au coût de 23 $ (régulier), 17 $ (étudiant) et 13 $ (groupe) + frais de service

INFORMATION PREMIER ACTE : 418 694-9656 

www.premieracte.ca

 

 

crédit photos : Claudy Rivard