L’oeuvre d’Oxmo Puccino rappelle le réalisme poétique et les films expressionnistes des années 20. Dans ce mouvement, les «héros» sont souvent des personnages maudits marqués par la fatalité. Roi sans carrosse, son sixième album, est aussi celui de l’homme qui a grandi, mûri sans doute. Désormais confronté à des choix, à la mort ou encore à la paternité, il prend du recul sur la notion de liberté, de relation homme-femme.
Voilà 15 ans déjà qu’Oxmo Puccino repousse les frontières du hip-hop. Tout en intégrant des musiciens dans ses albums et sur scène, il multiplie les collaborations avec des artistes de tout horizon. Auteur au verbe aussi beau que puissant, il offre au rap ses lettres de noblesse et à la chanson française un nouvel élan, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de Black Jacques Brel.
Pour l’accompagner sur Roi sans carrosse, il s’est entouré «d’artisans magiciens» dont : Vincent Segal (Bumcello, M, Sting, etc.), Renaud Letang (Feist, Manu Chao, A. Souchon, etc.) et Vincent Taeger (Poni Hoax). Oxmo Puccino rappe comme jamais; l’orchestration de Vincent Segal aidé par Thomas Moulin est flamboyante, le beat de Vincent Taeger est d’une précision implacable. On y retrouve aussi l’artiste française Mai Lan qui fait une apparition remarquée sur la chanson La Danse Couchée. À la fois hip-hop, musical et créatif, rien n’est laissé au hasard sur cet album.
Renouvelant le fond et la forme il continue à nous surprendre. Le discours est plus direct. Chaque mot raisonne et vient s’ajouter avec précision telle une note sur une partition. La forme est un grand voyage musicale, où se mélangent électrique et acoustique. Difficile de coller une étiquette à ce périple aux multiples saveurs. Musical évidemment, mélodieux forcément, hip-hop pour toujours. À l’image d’un Claude Nougaro qui avait réussi le mariage du jazz et de la chanson, Oxmo Puccino démontre que le hip-hop peut aussi donner du swing à la chanson française.
Écouter cet album, c’est un peu s’asseoir à l’arrière d’une voiture dont Oxmo serait le chauffeur et nous les passagers. Il pose des mots sur les émotions, les douleurs, les grands et petits évènements d’une vie en les saupoudrant de douceur et de poésie. Plus que des thématiques établies, il est plus souvent question de situations inhérentes à la vie d’un homme.
Le résultat est au rendez-vous, Roi sans carrosse est un album hip-hop, profond, sensible, d’une musicalité rare et touchante. Un travail d’orfèvre pour une œuvre moderne qui fait rentrer le rap français dans une nouvelle ère.
Crédit photo: Kim Chapiron