Après avoir remporté en mai dernier, le Grand Prix au 69e Festival de Cannes, le film Juste la fin du monde était présentée dans le cadre du Festival de la Ville de Québec (FCVQ) le vendredi 16 septembre dernier. Ce film de Xavier Dolan prendra l’affiche le mercredi 21 septembre partout au Québec, ainsi qu’en France.
Synopsis
Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
Tout un défi de taille pour Xavier Dolan que d’adapter cette pièce de théâtre Juste la fin du monde pour en faire un huis clos fort percutant et émouvant, au cinéma. Un défi que Xavier Dolan a relevé avec brio.
Dans sa pièce, l’auteur Jean-Luc Lagarce, utilise un flot de paroles et un langage particulier pour les dialogues, si bien que le public peut parfois s’étourdir de tous ces mots. Cependant, Xavier Dolan a le réel talent, dans ce film, de faire parler le sous-texte, les non-dits, les regards, et c’est sur cela que l’on doit s’attarder plutôt que sur la multitude de mots, pour bien en apprécier toutes les subtilités.
Ce qui fait la grande force et l’originalité de ce film c’est la manière dont Xavier Dolan à voulu présenter cette histoire. Il a insisté pour conserver les maladresses du dialogue, les fautes de grammaire, les multiples hésitations, les répétitions, bref les personnages qui se noient parfois dans leur mer de mots. Mais l’important pour le spectateur c’est d’aller au-delà des mots, de s’accrocher aux silences, aux soupirs, aux regards que les cinq personnages s’échangent. C’est ce qu’ils ne disent pas qui est important. Et pour nous faire ressentir toutes ces émotions, Xavier Dolan utilise la maitrise de son art pour faire ressortir les sentiments des divers personnages autrement qu’avec les mots. Les personnages sont souvent cadrés en gros plan, avec un éclairage souvent mi- obscur, et le directeur photo André Turpin amène des images magnifiques, la lumière à travers les carreaux, le vent dans les rideaux, la profondeur des yeux du personnage de Louis. À cela est ajoutée une musique très lyrique, romanesque même. Et lors de certains moments de flash-back, on retrouve aussi des pièces plus fortes et vivantes (tel que Blink 182…) pour contraster peut-être avec la réalité.
Et que dire des cinq acteurs français qui forment le cœur du film? Ils sont totalement crédibles dans leurs personnages respectifs. Nathalie Baye qui incarne la mère extravagante de Louis est criante de vérité dans son look qu’on qualifierait de «too much». Une vraie caricature, mais qu’elle réussit à nous faire croire totalement. Gaspard Ulliel tout en silence la plupart du temps, réussit à faire passer ses multiples émotions juste dans ses yeux, ses gestuelles, son intériorité. Il incarne ce jeune auteur respecté, homosexuel qui a coupé les ponts avec sa famille depuis 12 ans, à part les cartes postales occasionnelles qu’il envoie pour rappeler les anniversaires. On sent sa douleur de savoir qu’il va bientôt mourir et qu’il veut se souvenir une dernière fois de ses origines. En même temps, on le voit se torturer à ne pas savoir comment annoncer à ses proches, sa mort imminente.
Il y a également sa plus jeune sœur qui l’a peu connue (Léa Seydoux). Elle est une véritable montagne russe d’émotions. Elle est déchirée entre adorer son frère et avoir peur qu’il l’abandonne à nouveau.
Vincent Cassel (Antoine) est le frère colérique, celui qu’on aime détester pour son ton baveux, la façon qu’il a de toujours faire péter les plombs aux gens autour de lui. Il est génial comme acteur. Et que dire de Marion Cotillard qui est d’une justesse de jeu inouï. Elle est tout le contraire de son époux (Antoine). Douce et apaisante, elle tente toujours de calmer les ardeurs et de s’excuser de tout. Mais surtout, les plus beaux moments du film surviennent lorsque son personnage de Catherine est en tête à tête avec Louis. On voit toutes les émotions passer entre eux. Ils se comprennent sans se parler. C’est tellement beau à voir ces deux-là.
Pour ma part, les plus beaux moments du film se déroulent lors des tête-à-tête. Un à un les 4 personnages se retrouvent à un certain moment, seul avec Louis pour un petit bout d’intimité. Il y a aussi les séquences collectives de groupe, ou tous les cinq personnages sont réunis. Immanquablement, cela amène des cris, de la cacophonie, des tourments des déchirements. Tandis que les moments à deux sont souvent empreints de douceur, d’amour, de tendresse. On peut dire qu’avec ce film, Xavier Dolan prouve indéniablement sa parfaite maitrise du mélodrame.
En mai dernier, Juste la fin du monde a remporté le Grand Prix au 69e Festival de Cannes, ainsi que le Prix oecuménique, prix remis en marge de la Compétition par le Jury œcuménique.
JUSTE LA FIN DU MONDE est une coproduction Canada-France soutenue par Téléfilm Canada et produite par Nancy Grant et Xavier Dolan (Sons of Manual), Nathanaël Karmitz (MK2), ainsi que Sylvain Corbeil.
Distribué au Québec par Les Films Séville, une filiale d’eOne, Juste la fin du monde prendra l’affiche le mercredi 21 septembre partout au Québec, ainsi qu’en France (distribution Diaphana).
Distribution
LOUIS Gaspard Ulliel
LA MÈRE Nathalie Baye
SUZANNE Léa Seydoux
ANTOINE Vincent Cassel
CATHERINE Marion Cotillard
Équipe technique
Réalisation & scénario Xavier Dolan
Image André Turpin
Musique Gabriel Yared
Montage Xavier Dolan
Décors Colombe Raby
Conception sonore & Mix Sylvain Brassard
Effets spéciaux alchemy24
Étalonnage Jérôme Cloutier
Produit par Nancy Grant, Xavier Dolan, Sylvain Corbeil, Nathanaël Karmitz, Elisha Karmitz, Michel Merkt
Producteur exécutif Patrick Roy
Durée 95 min.
Photo : Shayne Laverdière, Sons of Manual.