Ribbentrop

Michel Blackburn et Léonard Lavoie dans la pièce Ribbentrop

C’est suite à deux ans de recherches que le producteur Érik Roby a écrit en un mois, la pièce Ribbentrop, une histoire s’inspirant d’une trame historique basée sur des faits réels, du temps de la reconstruction du pont de Québec en 1912, en passant par les affres des procès de Nuremberg. Cette pièce était présentée en grande première le 6 octobre dernier à la salle La scène Lebourgneuf. 

Roby raconte la vie de Joachim von Ribbentrop, ancien ministre des Affaires étrangères à la solde d’Adolf Hitler et condamné à mort par pendaison pour crimes contre l’humanité en 1946 à Nuremberg. En attendant sa sentence dans sa cellule où il est incarcéré, Ribbentrop est interrogé par Leon Goldensohn, un psychiatre militaire, qui tente de comprendre ses actes criminels passés et d’obtenir des aveux de culpabilité et de remords de sa part. Ribbentrop, pour sa défense, justifie que ses faits et gestes lui ont été dictés sous le joug de l’obéissance à son chef. D’autre part, il raconte et revendique ses accomplissements de jeunesse lorsqu’il était, notamment, à l’emploi d’une compagnie canadienne dans le cadre de la reconstruction du pont de Québec au début du siècle. Un drame psychologique à saveur historique, replongeant les spectateurs dans un Québec d’autrefois et dans une Europe déchirée par les ravages de la guerre. 

Cela parait que le producteur/metteur en scène et auteur de la pièce a une grande connaissance et expérience en cinéma. Son œuvre multimédia est montée un peu à la manière d’un film. Avec des images d’archives en noir et blanc de l’époque de Hitler et d’autres de la construction du pont de Québec ainsi que quelques séquences de films vidéos en noir et blanc, représentant certains évènements qui se passent dans d’autres lieux, cela permet d’agrandir les horizons et mettre l’emphase sur le fait qu’on assiste à une reconstitution (en partie) d’évènement (pour la plupart tragiques) qui se sont passés historiquement. Et donc, cela donne une dimension encore plus émouvante puisqu’on sait qu’une partie de tout cela est véridique. 

Les ouvriers sur le pont de Québec

La scène se divise en deux. La construction du pont en 1912 et les interrogatoires dans la prison en 1946 lors du procès de Nuremberg. On alterne aisément entre les deux, sans perdre le fil de l’un ou de l’autre. Les costumes sont très représentatifs et bien agencés et le décor, bien que minimaliste, est très efficace.  Il y a aussi un souci du détail très ingénieux, où les couleurs nazies (le rouge, blanc et noir) font partie intégrante de la mise en scène et étrangement, elles sont aussi les couleurs de la salle de spectacle. De plus, la trame sonore qui accompagne parfois les vidéos, photos et quelques scènes importantes, est signée par un jeune musicien de Québec du nom de Mathieu Fiset. Une superbe composition classique qui donne le ton à ces images et amplifie parfois l’émotion. 

Au niveau de la mise en scène, Érik Roby a voulu faire des comparaisons et trouver des similitudes entre les deux époques. Pour faire les liens entre les époques, on retrouve parfois des phrases qui se recoupent d’une époque à l’autre, des paroles dites par Ribbentrop autant en 1912 qu’en 1946. Même à l’occasion les deux Ribbentrop parlent en simultanés (et d’autres personnages également), démontrant que c’est du déjà vu, du déjà vécu. Un beau miroir entre deux époques.

Dans cette pièce, on y aborde des valeurs contradictoires, comme le bien, le mal, obéir, désobéir, ambition, naïveté, amour, voyage… D’un côté de la scène, on suit avec beaucoup d’émotion l’affrontement entre Ribbentrop (Léonard Lavoie) et le psy Goldensohn (Michel Blackburn). De l’autre côté, on assiste à la construction du pont, où le côté jovial, plus rigolo est de mise. Avec des personnages plus colorés et plus stéréotypés, on apprécie bien avec les deux contrastes. L’un nous faire plutôt rire, et l’autre nous émeut. 

Léonard Lavoie et Marie-Ève Tremblay

Ce fut un travail colossal pour ces comédiens amateurs pour la plupart, de bien servir leurs personnages, qui ont beaucoup de texte à apprendre et à les rendre de manière juste et efficace. Malgré quelques jeux plus inégaux pour certains, je dois souligner la performance du jeune Ribbentrop incarné par Maxime Milliard Deschênes, et celui du jovial surintendant adjoint, M. Stuard, interprété par Denis Marcotte. Mais c’est surtout le duo que forment Léonard Lavoie et Michel Blackburn qui donne toute la valeur théâtrale et profonde à cette pièce. WOW! 

Et la fin nous amène au paroxysme de l’émotion, l’affrontement du bien et du mal, d’Hitler et Dieu, on dirait. On sent l’Émotion se loger dans notre gorge. Ouf! On respire quand cela se termine. 

Grâce à cette histoire, on voit toute l’ampleur du désastre qu’a causé Hitler, et tout le travail qu’a nécessité la reconstruction du pont et les efforts déployés pour y arriver. 

Vraiment un excellent travail d’Érik et son équipe. 

La pièce est présentée à nouveau les 12, 13, 19, 20 octobre 2012 à LaScène Lebourgneuf. 

http://www.lascenelebourgneuf.com/programmation 

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Réservations : 418 704-6665

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LaScène Lebourgneuf                                       

815, boulevard Lebourgneuf, bureau 200                   

Québec (Québec) G2J 0C1    

 

Michel L’hébreux et son livre Le pont de Québec

ENTREVUES 

Avant de présenter la pièce, Érik Roby, l’auteur, metteur en scène et producteur de la pièce est venu dire quelques mots aux spectateurs, et a présenté Michel L’Hébreux, celui qui est l’auteur de l’ouvrage Le pont de Québec qui est venu également dire quelques mots : 

Michel L’hébreux : « Dans les années 70, alors que je donnais des conférences sur l’histoire du pont, la question qu’on me demandait le plus souvent c’était : est-il vrai qu’un criminel de guerre allemand a travaillé sur la construction du pont de Québec? J’ai alors fait des recherches plus approfondies sur ce personnage et j’en ai parlé de façon plus détaillée dans les deuxièmes et troisièmes éditions de mon livre…Ainsi, j’ai appris que cet homme de peu d’instruction (il a arrêté l’école à 15 ans) a travaillé comme manœuvre sur le pont de Québec en 1912. Il a travaillé dans les caissons pour le deuxième pont et également à la construction de la voie ferrée…À la fin de l’année 1913, Ribbentrop va s’installer à Ottawa. Lors de la déclaration de la guerre en 1914, Ribbentrop est retourné en Allemagne pour servir sa mère patrie. Après la guerre, sa personnalité avait complètement changé. Il a adopté de l’arrogance et une allure raide et militaire. En Allemagne, il est devenu ministre des Affaires étrangères, en 1938 et il s’est rapproché d’Adolf Hitler. Il le fascinait, mais ce dernier le méprisait… En raison de sa grande soumission à Hitler, il était un exécutant très fiable, ce qui faisait l’affaire de son chef… Je fus très heureux de savoir qu’après la lecture de mon livre, Érik Roby a voulu faire une pièce de théâtre, sur ce personnage fascinant et controversé de l’histoire. » 

 

Maxime Milliard Deschênes (le jeune Ribbentrop)

Après la pièce, j’en ai profité pour parler à quelques-uns des comédiens et au metteur en scène. 

Maxime Milliard Deschênes (Joachim Ribbentrop, 18 ans)
Comment avez-vous obtenu ce rôle?

« J’ai étudié en hôtellerie et j’ai connu Érik alors qu’il était directeur des ressources humaines à l’hôtel Pur, et il est venu me voir jouer dans une pièce de théâtre au Collège Mérici.» 

Connaissais-tu ce personnage et cette histoire-là avant de le jouer?

« Je connaissais Hitler et ce qu’il avait fait, mais le procès de Nuremberg et le personnage lui-même de Ribbentrop, je ne connaissais à peu près rien. Mais j’ai fait mes recherches sur le personnage et avec le livre de Monsieur L’hébreux aussi, j’ai pu, avoir beaucoup d’indices sur  la personnalité de ce personnage. Mais j’ai lu aussi beaucoup de choses sur internet et j’ai écouté le procès de Nuremberg qui a été filmé à l’époque. » 

Michel Blackburn (Dr. Leon Goldensohn)

Michel Blackburn (Dr. Leon Goldensohn)

Comment avez-vous obtenu ce rôle?

« Je jouais la pièce Le boulevard du mélodrame à la Maison Jaune et Érik était là et a remarqué mon jeu. Il cherchait quelqu’un qui prenait de l’espace et donnait de l’énergie. Il m’a donc offert d’embarquer dans ce projet, sans vraiment savoir si je jouerais M. Davis ou le Dr. Goldensohn.  En discutant avec Érik, on a conclu que mon côté psychologique intello pouvait amener un plus au personnage du docteur. Et quand on a trouvé des photos de Goldensohn, on a trouvé une ressemblance assez immédiate… Ensuite j’ai lu des livres sur Ribbentrop, mais aussi des livres sur Goldensohn pour comprendre la psychologie de cet homme. Il y a peu de gens qui l’ont vraiment connu personnellement. C’était un homme très caché. On sait qu’il est mort en 1961 d’un infarctus. Il y a son interprète qui traduisait de l’allemand à l’anglais qui est toujours vivant et qui m’a permis d’en apprendre un peu sur mon personnage… C’est sûr que jouer un personnage fictif c’est un beau défi, mais jouer un personnage historique c’est un privilège, un honneur et on veut être à la hauteur. Cela amène un poids de plus.» 

Tu sembles jouer de plus en plus dans des pièces de théâtre amateur. Est-ce que cela va devenir ta deuxième carrière?

« Oui, j’aime beaucoup cela. Le théâtre me permet de m’épanouir complètement. Mon métier est en informatique et cela m’amène de bons côtés, tandis que du côté théâtral, j’en faisais quand j’avais 14-15 ans. Mais la vie m’a amené vers les technologies de l’information. Ensuite, avec la crise de la trentaine,  j’ai renoué avec mes anciennes amours. Chaque fois que je joue une pièce, je renais sur scène. On me dit souvent que sur scène je suis comme un poisson dans l’eau.» 

C’est un beau défi, en plus de jouer avec Léonard Lavoie, un beau duel, une belle confrontation entre les deux?

« C’est un beau défi effectivement. Il y a beaucoup de textes. Les intentions sont complexes. Je dois jouer sur les nuances. Parfois c’est de la colère, mais plus souvent c’est de la frustration, parfois de la pitié, de la compassion, l’incompréhension. Au début je suis froid avec Ribbentrop, car cela reste que c’est un criminel. Puis, j’ajoute de la compassion à mon interprétation, pour en arriver à la fin à voir cet homme complètement différemment. Et de jouer avec Léonard c’est merveilleux. C’est un comédien qui collabore bien, il est généreux. Cela ressemble beaucoup à une partie de tennis lui et moi… L’an prochain je serai dans la pièce Mary Poppins. On vient juste de débuter les répétitions. Les représentations à la maison Jaune seront : les 25, 26, 27 avril et les 2, 3, 4 mai 2013 à 19h30. »  

Léonard Lavoie (Joachim von Ribbentrop, 53 ans)

Léonard Lavoie (Joachim von Ribbentrop, 53 ans)
Comment avez-vous obtenu ce rôle?

« Je connais Érik depuis longtemps. Érik est avant tout un gars de cinéma. J’ai participé à plusieurs films d’un ami commun Steve Gagné (qui est décédé en 2010) et j’ai connu Érik à cette époque-là. Il m’avait dit qu’il voulait faire une pièce de théâtre et un jour, je l’ai rencontré et il m’a fait lire sa pièce et j’ai trouvé le texte intéressant. Et j’avais un rôle qui me sortait de la comédie que j’ai souvent jouée par les années passées (théâtre d’été à l’Ile-aux-Coudres). Donc un rôle plus dramatique cela m’intéressait… C’est sûr que c’est un rôle qui prend beaucoup de concentration. Le texte est assez complexe, avec par exemple les noms allemands des vrais personnages ayant existé, tu te dois de respecter ce qui est écrit… Et pour moi, c’est le fun de faire rire, mais c’est aussi le fun de faire dresser le poil sur les bras et l’émotion dans la gorge. A la fin, ce n’est pas trop rigolo, mais c’est très intéressant à faire. » 

Et de travailler avec ces autres comédiens, comme Michel Blackburn et aussi avec des comédiens plus amateurs, avec moins d’expérience de jeu c’est comment?«Ces gens ont tous travaillé très fort pour cette pièce. Et ils donnent un bon rendement. Chapeau à l’équipe d’avoir travaillé aussi fort pour cette qualité de spectacle. C’est sûr que j’ai plus d’expérience, mais on s’est aidé, mutuellement je dirais… Pour Michel, quand j’ai fait une première lecture avec lui, je me demandais si je devrais couper un peu sur mon intensité de jeu. Mais non, je n’ai rien coupé, car Michel est solide dans son interprétation. On fait un beau duo.» 

 

Michel L’hébreux, Erik Roby et le député Gérard Deltell

Érik Roby (auteur, metteur en scène et producteur)

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire une pièce sur Ribbentrop ?

«Je suis un passionné d’histoire et quand j’ai lu que Ribbentrop avait participé à la construction du pont de Québec en plus d’être un criminel de guerre, j’ai voulu faire quelque chose avec ça. Au début, je voulais plutôt faire un film, car j’ai un background en cinéma. Mais je ne voulais pas m’embarquer dans les demandes de subventions et tout le tralala et risquer que ça meure sur une tablette. Alors, j’ai décidé d’en faire une pièce de théâtre. Et je voyais deux époques, celle du pont et le procès de Nuremberg. Mais je voulais quelque chose de plus intimiste que tout le procès, alors j’ai pensé faire cela en prison, avec les entrevues avec le psychiatre militaire. Donc, j’ai lu le livre de Michel L’hébreux et on cherchait un évènement déclencheur qu’on pourrait amener dans cette histoire au pont. Et alors, j’ai entendu parler de l’incident avec l’ouvrir Petit et la locomotive et c’est là que j’ai mêlé Ribbentrop à cet évènement. À cela, j’ai voulu créer des liens entre les deux époques, les deux vies de Ribbentrop. J’ai donc créé cette histoire, basée en partie sur des faits réels, d’un homme tiraillé entre le bien et le mal. Et le mal à la fin c’est Hitler, son chef… J’ai fait deux ans de recherches et j’ai écrit la pièce en un mois. J’ai lu et vu beaucoup de documentaires, biographies, et bien que ce soit une histoire romancée, il reste que l’incident de l’ouvrier Petit est véridique et dans la prison, il y a des dialogues qui ont été pris textuellement du livre The Nuremberg Interviews entre Léon Goldensohn et Joachim Von Ribbentrop, mais aussi, j’ai enrobé et ajouté des dialogues pour servir mon propos.  Pour le reste, les personnages, je les ai inventés et colorés au goût de ce que je voulais raconter.» 

Pourquoi présenter cela ici, à la Salle Lebourgneuf?

« Ce n’est pas la première salle que j’ai magasiné. Je voulais quelque chose d’assez grand. (La salle Lebourgneuf peut contenir environ 150-160 personnes). J’ai vu cette salle nouvellement créée via leur site internet et je suis venu la voir. Et quand j’ai vu la scène en forme de triangle, j’ai trouvé cela très intéressant. J’ai vu rapidement comment je pouvais la séparer en deux et y exposer mes deux époques de chaque côté. J’aimais aussi le caractère intimiste de cette salle. Avec les fauteuils très proches de la scène, cela amenait une proximité et une intensité avec les comédiens. En plus, les couleurs de la salle, rouge et noir, qui sont exactement les couleurs de ma pièce. Cela me permettait tout un concept. Et naturellement, de pouvoir projeter les vidéos et photos sur des écrans de chaque côté de la scène, tout cela a fait en sorte de choisir cette salle. » 

C’est la première fois que j’assistais à une pièce ou spectacle dans cette salle et j’ai été agréablement surprise. Bien que ce soit assez intimiste, les fauteuils sont hyper confortables, en cuir rembourré, et berçant. De plus, il y a un service de bar avant et après le spectacle et les gens peuvent s’asseoir confortablement aussi avant et après le spectacle sur la passerelle à regarder à l’extérieur par les immenses baies vitrées. Un superbe endroit pour voir des spectacles. C’est un endroit nouveau, mais qui à mon avis, va prendre rapidement de l’expansion et de la reconnaissance comme salle de spectacle. 

 

Toute l’équipe de Ribbentrop

« RIBBENTROP » – Une pièce écrite, produite et mise en scène par Érik Roby 

DISTRIBUTION:
Léonard Lavoie (Joachim von Ribbentrop, 53 ans)
Michel Blackburn (Dr. Leon Goldensohn)
Maxime Milliard Deschênes (Joachim Ribbentrop, 18 ans)
Bruno Morin (Monsieur Davis)
Denis Marcotte (Monsieur Stuart)
Alain Morin (Curé Charles Philippe Richard)
Pierre Champagne (Oscar Stahlman, approvisionneur)
Marie-Ève Tremblay (Annelies Henkell von Ribbentrop)
Olivier Leblanc (Joachim von Ribbentrop, 26 ans)
Gerry Shepperdson (Ouvrier de chantier)
Alexander Ortiz (Ouvrier de chantier)
Vincent Zimmermann (Ouvrier de chantier)
Julien Cabana (L’ouvrier Petit)

Ribbentrop

TECHNIQUE:
Marie-Ève Tremblay
Stéphanie Bélanger
Bruno Matte
Sarah P. Martel
Alexandra Fiset
Agathe Bégin
Pierre Delisle
Tommy Ikare Desrosiers
Kim Létourneau

MUSIQUE:
Manahil (Mathieu Fiset & Hind Fazazi)

Composition de la trame sonore de la pièce par Mathieu Fiset

www.mathieufiset.com 

La trame sonore est en vente sur itunes et sur son site internet. 

Le pont de Québec de Michel L’hébreux réédité aux éditions septentrion en 2008

http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/livre.asp?id=2915 

La maison Jaune

http://www.lamaisonjaune.com/ 

Crédit photos : Roland de Québec

http://www.rolanddequebec.com/ 

www.quebecparroland.com