Tout ce que tu possèdes de Bernard Émond

Tout ce que tu possèdes

J’ai vu, sur invitation de presse, le film poétique Tout ce que tu possèdes, de Bernard Émond, le même réalisateur que La donation. Ce film a été tourné presqu’entièrement à Québec et à Saint-Pacôme et met en vedette Patrick Drolet et Gilles Renaud. Le film prend l’affiche aujourd’hui le 2 novembre et mes entrevues avec les artisans du film se trouvent dans la section entrevue de ce site.

SYNOPSIS

Pierre Leduc est un homme qui n’attend plus rien. En fin de trentaine, professeur de littérature dans une université québécoise, il désespère du monde et de ses étudiants. Solitaire, il se réfugie dans la traduction des oeuvres d’un poète polonais qu’il admire, Edward Stachura, suicidé à 42 ans en 1979. Pierre abandonne l’enseignement et s’enfonce dans une mélancolie de plus en plus profonde, dont il sera tiré par un appel à l’aide de son père, atteint d’un cancer incurable. Son père veut lui léguer sa fortune, gagnée malhonnêtement dans l’immobilier. Pierre refuse, car il ne veut pas de cet argent mal acquis. Son père mourra sans avoir réussi à le convaincre. Peu après, une adolescente frappe à sa porte : c’est Adèle, la fille de Pierre, dont il avait aban­donné la mère lorsqu’elle était enceinte. Pierre nie sa paternité, mais Adèle finira par avoir raison de lui. Au fil des jours, le contact avec la jeune fille redonnera à Pierre le goût de vivre. Mais le passé reviendra le hanter… Fable du bon et du mauvais héritage, le film est une méditation sur l’isolement contemporain et la nécessité de la transmission.

On le sait, au cinéma, il y a des films où l’action nous envahit, où les plans de caméras rapides à l’épaule nous étourdissent, où la musique tonitruante guide nos émotions. Mais au cinéma, il y aussi les films où les non-dits et les silences parlent plus forts que les dialogues, où la poésie et les émotions sont au cœur de l’action et où la musique accompagne les sensations. Ce film de Bernard Émond entre dans cette deuxième catégorie de film, où le spectateur choisit d’accueillir ce film et d’en ressentir toute son humanité.

Patrick Drolet et Willia Ferland-Tanguay

Pour ceux qui, comme moi, aiment les mots et la littérature, ce film a comme trame de fond les poèmes du poète polonais Edward Stachura. À mesure que Pierre Leduc (Patrick Drolet) traduit les poèmes de ce poète, le public les lit sur l’ordinateur, ou bien Pierre les récite comme une musique de fond. Mais le plus fascinant c’est qu’on a l’impression que les émotions et les sentiments qui ressortent de chaque poème représentent ce que vit Pierre au moment même où il les traduit. Un lien émotionnel unit alors Edward Stachura et son traducteur.

Au niveau de la musique, ce sont quelques notes de piano et de violon ici et là, parsemés à l’occasion, qui bercent le spectateur et au tout début du film, on retrouve également une chanson de Brassens sur un poème de Louis Aragon. Il n’y a pas d’amour heureux. Et c’est le poète Edward Stachura lui-même qui la chante. On entend les vers d’Aragon en polonais à l’exception d’un vers à la toute fin : Il n’y a pas d’amour heureux.

Également, j’ai eu un réel plaisir à redécouvrir ma ville de Québec, à travers les plans caméra de Bernard Émond. On est trop habitué à voir les mêmes images de Québec, ses monuments populaires, ses attraits touristiques. Cette fois-ci, c’est le Québec des gens qui y vivent que nous dépeint Bernard. Une ville à taille humaine, avec toute sa splendeur dans les paysages à couper le souffle et dans ses ruelles au cachet enveloppant. 

Gilles Renaud et Patrick Drolet

Dans le film, le personnage de Patrick Drolet (Pierre Leduc) est un homme de peu de mots. Et lorsqu’il parle, c’est concis et presque toujours sur un ton neutre. Même quand il pourrait être enragé, peiné, déçu, on l’entend dire ses répliques toujours sur le même ton. Et le plus souvent, il marche, ou bien il est juste là, sans parler, face à l’ordinateur, ou à regarder le paysage. C’est un personnage qui vit ses émotions de l’intérieur. C’est un véritable tour de force de Patrick Drolet de réussir à nous faire ressentir sa gamme d’émotions, par seulement son regard, sa démarche, ses non-dits, sa posture. Un acteur tout en retenue!

Au fil des jours, entre deux traductions, on apprend peu à peu à connaître l’histoire de Pierre, l’enfance qu’il a vécu, avec une mère alcoolique et éventuellement internée, et un père carriériste et sans pitié qui a fait son succès et son argent sur le dos de tout un chacun. On apprend aussi qu’à l’aube de la majorité, Pierre, s’étant vu offrir une bourse d’études en Pologne, a choisi sa carrière au détriment d’une vie familiale qu’il aurait pu avoir, s’il avait accepté l’enfant que sa blonde de l’époque s’apprêtait à avoir de lui.

Arrive alors le moment crucial où son père lui lègue son héritage, sa fortune, puisqu’il va mourir d’un cancer, Pierre refuse alors cet héritage qu’il considère malsain. Puis, surgit alors du passé, cette jeune adolescente, sortie de nulle part, son héritage familial, qui vient lui demander de se lier à elle. Que choisira-t-il ?

Willia Ferland-Tanguay

Dans ce film, la petite Willia Ferland-Tanguay en est à sa première expérience en cinéma et dans un rôle aussi important, et pourtant, elle maitrise ce rôle à la perfection. Patrick et Willia ont une belle complicité, une belle fragilité. Les deux ensembles, ils sont touchants.

Il est intéressant aussi de voir des comédiens de Québec dans le film, même si ce sont de petits rôles, cela fait du bien de les voir au grand écran. Je pense à Jack Robitaille, Lise Castonguay, Patric Saucier, Vincent Champoux, Geneviève Boivin. Une belle visibilité pour nos comédiens de Québec.

Ce film m’a touché, m’a ému si bien que, lors d’une scène en particulier (une phrase à l’ordinateur, bien simplement), j’en ai ressenti des frissons me traverser. Ouf! À la fin du film, je suis restée assise à regarder défiler le générique, toute imprégné d’émotions, ne voulant plus quitter la salle pour revenir à la réalité.

Un film écrit et réalisé par Bernard Émond 

Produit par Bernadette Payeur

En association avec Marc Daigle 

Distribué par les Films Séville 

Fiche artistique 

Pierre Leduc    Patrick Drolet

Adèle Genest    Willia Ferland-Tanguay

Anne Thibault   Isabelle Vincent

Maître Dutil      Jack Robitaille

Christian Leduc       Gilles Renaud

Nicole Genest   Sara Simard

L’étudiante       Geneviève St-Louis

Krzysztof         Mateusz Grydlik

  Fiche technique

 Scénario, réalisation      Bernard Émond

Productrice                     Bernadette Payeur

Producteur associé       Marc Daigle

Direction photographie  Sara Mishara

Direction artistique        Gaudeline Sauriol

Costumes                       Sophie Lefebvre

Coiffure                        André Duval

Maquillage                      Djina Caron

Son                                 Marcel Chouinard 

 Musique                      Robert Marcel Lepage

 Financé avec la collaboration dela SODEC, Téléfilm Canada, des programmes de crédits d’impôt fédéral et provincial, Les Films Séville et l’ACPAV. 

Crédit photos : Courtoisie