Pour célébrer notre cinéma québécois et les 15 ans du gala des Jutra, Radio-Canada et Québec Cinéma ne pouvaient pas trouver mieux que Remy Girard (Le Déclin,La Florida, Jésus de Montréal, les invasions barbares, Les Boys, Le Bonheur de Pierre) pour en assurer l’animation, alors qu’il avait animé la toute première édition des Jutra en 1999.
De plus, il était des plus approprié de remettre le prix Jutra-Hommage 2013 à Michel Côté (Sur le seuil, Le denier Tunnel, Liste noire, C.R.A.Z.Y, Ma fille mon ange, Le sens de l’humour) À eux deux, ces deux grands acteurs ont à leurs actifs près d’une soixantaine de rôles dans des films québécois différents, autant en comédie, drame et suspens. Ensembles, ils ont joué magnifiquement dans les films : Dans le ventre du dragon et De père en flic.
Cette grande fête du cinéma québécois a été diffusée en direct de la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau, à télévision, sur le web et sur tous les signaux de TV5Monde. En tout, 21 statuettes ont été remises. Fait intéressant, au lieu de faire un gala hors-d’onde ou de faire un gala supplémentaire pour remettre certains prix, l’équipe des Jutra en a profité pour remettre certains prix tels que coiffure, maquillage, etc. durant les pauses publicitaires, et d’annoncer les gagnants au retour de la pause. Ce fut, à mon avis, une belle initiative.
Et que dire de ce gala, qui se doit de récompenser les gens de l’industrie du cinéma, tout en donnant un spectacle intéressant pour le public? À mon avis, je pense que Rémy Girard et son équipe s’en sont fort bien tiré pour faire de cette fête du cinéma québécois, une belle soirée télévisuelle.
Tout d’abord, je crois que l’équipe du gala a bien réussi le mandat qu’ils s’étaient donné cette année, soit de mettre en valeur les artisans des films et leurs métiers dans l’ombre, tout en célébrant 15 ans de films, 15 ans de remises de prix.
On a eu droit à des numéros originaux, drôles et instructifs, comme celui où le directeur photo (André Turpin) vient nous faire une démonstration avec Isabelle Blais, sur l’art de fabriquer des images avec le cadrage, l’éclairage, et l’étalonnage. Excellent! Même chose avec le numéro où l’on s’aperçoit que le choix d’une bande-annonce de film peut vraiment donner un ton et une idée différente de ce que sera le film. Ainsi, pour essayer d’attirer les fans de film d’auteur à voir un film commercial… on pourrait avoir une bande-annonce complètement différente pour Bon Cop Bad Cop ou à l’inverse, La neuvaine de Bernard Émond pourrait tellement attirer un public de film commercial avec sa nouvelle bande-annonce remixée…Vraiment trop bon. On peut vraiment faire dire n’importe quoi à la bande-annonce. Un autre numéro aussi m’a beaucoup plu, soit celui du montage, alors que Didier Lucien nous démontre ce qu’il aurait pu jouer dans certains films, s’il n’avait pas été coupé au montage.
Également, tout au long du gala, Rémy Girard et son équipe ne lésinent pas sur les extraits de films qui ont marqué notre cinéma québécois. Que ce soit des répliques coups de cœur qui sont restés gravés dans la mémoire collective des Québécois ou les répliques silencieuses… on peut dire qu’on a eu droit à un bel hommage à ces images qui valent milles mots.
En parlant d’hommage, celui qui a été rendu à Michel Côté pour son prix-hommage en a fait rire et pleuré plus d’un. On peut dire que Michel Côté est vraiment un acteur respecté et aimé de tous. Un véritable phénomène! Avec des témoignages de Jean-Marc Vallée, Marie Tifo, Marcel Gauthier, Émile Gaudreau, Sylvie Léonard, Louis-José Houde, Yves Jacques, Jean Lapointe, cela a fait rire Michel, mais aussi l’a fait bien pleurer… Et par son discours, il nous a à nouveau fait fondre d’émotion, par son témoignage honnête, bien senti et touchant d’amour pour sa famille, ses collègues, son métier et son public. Il nous fait réfléchir sur le fait que nos films québécois n’ont pas connu les recettes désirées. Et je pense qu’on se doit de nous remettre en question comme société qui va au cinéma! C’est la même chose pour Rémy Girard qui a profité de sa tribune sur scène pour nous rappeler qu’il n’y a pas de place sur terre pour les Ovides Plouffes du monde entier. Nos films gagnent plus souvent des prix à l’étranger. Il ne faut pas hésiter à prendre de risques, ne pas enfermer l’imaginaire de notre cinéma. Oui au Québec c’est un réel défi financier de faire un film, mais il faut continuer d’en faire et d’aller les voir, pour la suite de notre monde, de notre culture, de notre imaginaire. Il ne faut pas oublier que cela fait 3 ans qu’on a des films en nomination aux Oscars… il ne nous reste plus qu’à aller les voir nous aussi maintenant!
La musique a tenu une grande place dans ce gala, permettant ainsi de rendre le tout plus dynamique. Avec Mister Valaire, Radio radio et même Rémy Girard qui y est allé de son rap sur les règlements à respecter, et On déboutonne notre blues… (du film le Party de Pierre Falardeau) je pense que les numéros musicaux ont été bien appréciés.
Cependant, certains numéros sont pour moi, tombés à plat, comme ce sketch avec Clémence Desrochers et Rita Lafontaine, ou la séquence animée avec le film d’animation en nomination aux Oscars.
Naturellement, les meilleurs moments dans un gala, ce sont toujours les situations non prévues et les remerciements émouvants. Ainsi, de voir Marc Messier tout ému se mélanger dans son texte pour parler de son ami de toujours Michel Côté, fut un moment de grâce pour les téléspectateurs. Mais on se souviendra aussi longtemps de Rachel Mwanza, qui est venue remercier les gens sur la scène et qui, à cause d’un surplus d’émotions, s’est retrouvée fort démunie sur la scène. Un vrai moment magique!
Finalement, j’aime bien quand, durant un gala l’on nous présente les prochains films qui arriveront sur nos écrans très prochainement : Hot dog, Gabrielle, Vic et Flo ont vu un ours, le démantèlement (Sébastien Pilote), Lac Mystère d’Érik Canuel, Amsterdam, 4 Soldats de Robert Morin, Louis Cyr Daniel Roby. Une autre belle année de cinéma québécois nous attend… Serez-vous au rendez-vous?
PRIX :
Avec huit trophées, dont ceux du meilleur film, de la meilleure réalisation et du meilleur scénario, le film Rebelle de Kim Nguyen (produit par Item 7) a dominé la remise de prix de la 15e Soirée des Jutra. À cela s’ajoute Rachel Mwanza (meilleure actrice), Serge Kanyinda (meilleur acteur de soutien), Nicolas Bolduc (meilleure direction de la photographie), Richard Comeau (meilleur montage) et Claude La Haye, Martin Pinsonnault et Bernard Gariépy-Strobl (meilleur son) tous pour le film Rebelle.
Voici les réactions et commentaires que j’ai recueillis dans la salle de presse par les divers gagnants pour présentateurs :
Marc Messier nous parle de son hommage à Michel Côté et de leur relation qui dure depuis 40 ans : « J’ai moi-même écrit le texte pour rendre hommage à mon ami, mais il semble que je ne l’ai pas assez pratiqué avant le gala (faisant référence au fait qu’il s’est un peu mélangé durant son passage sur scène). Michel et moi, on a travaillé ensemble, on a voyagé, fait les 400 coups…Michel est vraiment important dans le cinéma québécois. Il est un phénomène! Dans les dramatiques ou les comédies, les gens aiment aller le voir jouer. Oui c’est à cause de son talent d’acteur, mais c’est plus que cela. Il a beaucoup de charisme, les gens l’aiment un point c’est tout! Ils sont fiers de lui!»
Jean-Marc Vallée, quand je lui ai demandé s’il avait été surpris que son film C.R.A.Z.Y remporte le prix coup de cœur du public « Je suis surpris c’est certain. Hier encore, je ne savais même pas qu’il y avait ce concours et que mon film était en nomination. Je l’ai appris hier soir. Alors ce soir de voir qu’il gagne le prix, je suis bien fier. Je ne le prends pas personnel, mais je me dis que les gens l’ont bien aimé, et les gens qui ont fait ce film l’ont fait avec tellement d’amour et de passion. Ce prix revient en grande partie à Michel Côté qui a réussi à toucher une corde sensible chez les gens avec son rôle dans ce film, en livrant un personnage tellement vrai, qui nous ressemble, qui nous touche… »
Michel Côté raconte ce qu’il fera au lendemain de ce gala :
«Demain midi, je vais rejoindre ma mère à Chicoutimi, et je vais passer du temps avec elle, car elle a trouvé cela difficile la mort de mon père. Et en même temps, on va jouer Broue pendant 4 soirs à Chicoutimi. » Et concernant sa grande émotivité durant son hommage il dit ceci : « Je suis assez sensible. En cinéma, il existe un paradoxe. Il faut avoir une grande sensibilité et un gros égo. Et je pense bien avoir les deux.»
Il profite de son hommage pour parler de notre cinéma québécois. « Notre cinéma d’auteur au Québec, ceux qui font les festivals et voyagent partout, fonctionne à merveille en ce moment. Mais je pense aussi que sur les 32 films que l’on produit, on pourrait en faire la moitié comme ça (films d’auteur) et l’autre moitié pour notre public à nous. Mais comme c’est très difficile de faire des comédies intelligentes qui vont plaire, il faudrait pouvoir en faire 5 ou 6 de ces films pour réussir à en avoir 2 ou 3 qui seront très bons et plairont à la masse de nos cinéphiles québécois… La crise se trouve au niveau de la fréquentation des salles… il y a surement moyen aussi que certains de nos films d’auteur trouvent leur public et réussissent à remplir des salles, comme CRAZY l’a déjà fait.»
Rachel Mwanza, cette jeune congolaise de 15 ans environ, a réussi à maitriser son trac et son surplus d’énervement pour nous dire ceci par rapport à ses impressions sur le Québec et les Québécois : «les Québécois sont très gentils et doux. Les gens des autres pays ne sont pas aussi gentils avec tout le monde comme les Québécois. Mais il y a une chose qui m’étonne chez les Québécois, c’est de voir deux hommes qui s’aiment. C’est incroyable! Et les gens ici trouvent cela normal, tandis que chez moi, ce ne serait pas accepté cela. » Rachel retourne au Congo dans son pays mardi le 19 mars.
Kim Nguyen semblait fatigué, mais heureux de gagner. Concernant justement la direction d’acteur de la jeune Rachel, voici ce qu’il a mentionné : «Diriger Rachel n’a pas été difficile du tout. C’était juste une méthode de travail différente avec les acteurs, alors qu’on travaillait avec une enfant de la rue. Elle n’avait pas peur de se donner à fond. Pour moi dans le fond, ce n’est pas important d’avoir amené Rachel aux Oscars ou même qu’elle ait gagné le prix de la meilleure actrice (même si c’est très agréable). Pour moi le plus important, c’est de l’avoir sorti de la rue et de lui avoir trouvé un encadrement stable et de lui avoir construit un programme éducatif, pour lui apprendre à lire et à écrire. Cela va l’aider pour son avenir, tandis que ce qu’elle vit présentement c’est temporaire dans les galas et tout.»
Et vos prochains projets? « J’en ai beaucoup de projets. J’en ai trois présentement qui sont très proches de la maturité. L’un d’eux s’appelle l’Origine du monde. C’est l’histoire de trois femmes ordinaires dans des circonstances extraordinaires. Une femme d’ici, une femme du Moyen-Orient et une femme en Inde…»
Parlant de son film Rebelle, Kim nous apprend qu’il a été vendu dans plus de 40 pays. Cependant, grâce à son apparition dans le tourbillon des Oscars, le film est retourné à Berlin et on vient de le revendre dans 15 autres pays.
Rémy Girard après le gala avait ceci à dire par rapport à l’animation de ce 15e gala, versus le tout premier gala qu’il a animé en 1999.
« J’étais nerveux c’est vrai (ça fait 3 jours que je ne dors presque pas), mais c’était moins pire que la première année. J’ai tout de même 15 ans de métier de plus maintenant. Et le tout premier gala, c’était nouveau. C’était la première fois qu’on faisait toutes ces choses. On se lançait vraiment dans la gueule du loup. Là c’est sûr qu’on était mieux préparé. J’ai participé à l’élaboration du gala et je peux dire que certaines de mes idées m’ont ébloui ce soir, quand je les ai vus. Par exemple, le numéro d’André Turpin, sur les éclairages. Dans ce gala, on voulait parler des gens qui font le cinéma. Le montage, l’éclairage, le son. Ce qui nous intéressait c’était le côté humain des artisans du cinéma. Et je pense qu’on a réussi.»
Et maintenant que c’est terminé, vous faites quoi?
« Il me reste deux jours de tournage à terminer sur le film Les Boys et ensuite, je vais m’en aller à la campagne avec mon garçon, que je n’ai pas vu depuis un bout, car je travaille fort les fins de semaines. Et je vais m’occuper de lui pendant quelques jours. On va relaxer, on va écouter de la musique… et on va être bien heureux! »
Pour la galerie de photos du Gala et des gagnants : http://galeries.lepixelfou.com/ScneCulturelle/Gala/Gala-des-Jutra-2013/28491155_DmRgFB
Les gagnants de la 15e Soirée des Jutra sont :
Liste des gagnants Jutra 2013
Meilleure actrice de soutien : Sabrina Ouazani, Inch’Allah
Meilleur son : Claude La Haye, Martin Pinsonnault, Bernard Gariépy-Strobl, Rebelle
Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec : Monsieur Lazhar, Philippe Falardeau, micro_scope
Meilleur acteur de soutien : Serge Kanyinda, Rebelle
Meilleur maquillage : Kathy Kelso, Colleen Quinton, Laurence Anyways
Meilleure coiffure : Michelle Côté, Martin Lapointe, Laurence Anyways
Meilleur court et moyen-métrage d’animation : Bydlo, de Patrick Bouchard (ONF)
Meilleure direction artistique : Anne Pritchard, Laurence Anyways
Meilleurs costumes : Carmen Alie, Ésimésac
Meilleur scénario : Kim Nguyen, Rebelle
Meilleure direction de la photographie : Nicolas Bolduc, Rebelle
Prix coup de coeur du public : C.R.A.Z.Y.
Jutra-Hommage : Michel Côté
Meilleur montage : Richard Comeau, Rebelle
Meilleur court ou moyen-métrage de fiction : Là ou je suis, Myriam Magassouba (Voyous Films)
Meilleur documentaire : Over My Dead Body, Brigitte Poupart (Brigitte Poupart, Coop Vidéo de Montréal)
Jutra Billet d’or Cineplex : Omertà, Cinémaginaire
Meilleure musiqu : Viviane Audet, Robin-Joël Cool et Éric West-Millette, Camion
Meilleure réalisation : Kim Nguyen, Rebelle
Meilleure actrice : Rachel Mwanza, Rebelle
Meilleur acteur : Julien Poulin, Camion
Meilleur film : Rebelle
La Soiréedes Jutra est une coproduction de Radio-Canada et de Québec Cinéma. Jocelyn Barnabé en signait la réalisation, Brigitte Poupart la direction artistique et la mise en scène. François Parenteau (textes) et le groupe Misteur Valaire (musique) faisaient également partie de l’équipe de création du gala.
La Soiréedes Jutra : http://jutra.radio-canada.ca/
Site officiel des Jutra : http://lesjutra.ca/
Crédit photos : Richard Champagne
