Mãn de Kim Thúy

Mãn
Mãn

Mãn est une histoire d’amour entre une femme et celles qui l’ont, tour à tour, fait naître, allaitée, élevée. Elle a été déposée dans le potager d’un temple bouddhiste sur le bord d’un des bras du Mékong par une adolescente. Une moniale l’a recueillie et nourrie d’eau, de riz et du lait des seins d’une mère voisine, avant de la confier à une autre femme – enseignante de jour, espionne en tout temps.
Mãn parle de l’amour à l’envers, celui qui doit se taire, celui qui ne peut être vécu, celui qui ne doit pas s’inscrire dans le temps en souvenirs, en histoires.

Mãn, c’est l’apprentissage du mot « aimer » pour donner suite à la définition du verbe « vivre » de À toi et à la conjugaison de « survivre » de Ru.

Je n’ai pas lu ses deux premiers livres, alors je ne peux pas faire de comparaison, et je n’avais pas d’attente, puisque Kim est une nouvelle auteure que je découvre.

Pour moi, ce petit chef-d’œuvre écrit par ce petit bout de femme, est un roman «feel good» qui nous parle d’amour sous toutes ses formes, tout en nous faisant découvrir le Vietnam, son histoire, ses coutumes, sa culture, sa nourriture, ses croyances et même son langage.

Quand je lis un livre, j’aime marquer les pages qui me touchent, m’émeut, ou dont certains phrases me plaises particulière, pour pouvoir les relire à la toute fin, pour me délecter une dernière fois de ce que j’ai aimé le plus. Souvent, je marque au plus une dizaine de pages par bouquin. Or cette fois-ci, à la fin des 145 pages, je pense avoir marqué plus d’une vingtaine de pages. C’est dire combien j’avais de moments magiques à me rappeler. Je peux dire que je suis moi-même tombé en amour… en amour avec la plume de Kim Thúy.

Je vous partage quelques-uns de mes coups de cœur dans ce roman.

Kim a la touche magique avec les mots, pour nous créer des images originales :

« … on entendait sa bonne humeur éclater dans son ventre comme du maïs soufflé.»

Sa passion pour la nourriture nous donne le goût, soit d’apprendre à cuisiner ou d’aller manger chez elle…Un gâteau aux bananes à la vietnamienne…«les bananes s’inséraient tout entières dans la pâte de baguettes de pain imbibées de lait de coco et de lait de vache. Les cinq heures de cuisson à feu doux obligeaient le pain à jouer un rôle de protecteur envers les bananes et, inversement, ces dernières lui livraient le sucre de leur chair. Si on avait la chance de manger ce gâteau fraîchement sorti du four, on pouvait apercevoir, en le coupant, le pourpre des bananes gênées d’être ainsi surprises en pleine intimité… ». Qui maintenant ne voudrait pas cuisiner et manger un tel gâteau, après cette jouissive description?

On apprend à connaître les Vietnamiens, leurs valeurs et leur façon de voir la vie.  Ils sont introvertis, peu démonstratifs en parole, mais beaucoup en action. Des femmes différentes de nous à bien des égards, de par la soumission, les mariages arrangés, mais en lisant ce livre, on ne juge pas, on s’ouvre à leur culture et leur idéologie.

« Les mères enseignaient à leurs filles à cuisiner à voix basse, en chuchotant, afin d’éviter le vol des recettes par les voisines, qui pourraient séduire leurs maris avec les mêmes plats.»

«la pureté et l’abnégation, deux couleurs essentielles à l’âme vietnamienne.»

Elle nous partage des histoires d’hommes et de femmes ordinaires qui ont vécu l’exil et l’immigration. Ces histoires, elle les amène de manière touchante, que ce soit des destins heureux ou tragiques, Kim a le don de nous rendre ces immigrants fort attachants, que ce soit une tante qui est amoureuse d’un soldat, un cousin qui connaît par cœur le dictionnaire, ou des personnes qui se sont sacrifiés pour le bien de leur famille, leurs enfants, en s’exilant. Et surtout, c’est la vie de cette immigrante vietnamienne, mariée à un restaurateur à Montréal, qui apprend à vivre dans la liberté et confort de notre société occidentale et qui est confronté à ses choix de vie.

Que ce soit la mère, la sœur, l’amie, bref, on découvre l’amour maternel, fraternel et amical sous tous ses angles et bienfaits. Et aussi, on nous distingue l’amour conjugal, la passion et le romantisme.

« … le caractère du mot aimer englobe trois idéogrammes : une main, un cœur et un pied, parce que l’on doit exprimer son amour en tenant son cœur dans ses mains et marcher jusqu’à la personne qu’on aime pour le lui tendre. » 

« Si j’étais une photographie, Luc serait le révélateur et le fixateur de mon visage, qui n’existait jusqu’à ce jour qu’en négatif.» N’est-ce pas tellement romantique cela?

Et lorsqu’elle parle de son coup de foudre, et ses yeux à la couleur vert jade, Kim nous entraine alors dans un monologue sublime et coloré sur les diversités de la couleur verte, que l’on retrouve aussi comme couleur prédominante sur la couverture de son livre « … un vert des eaux de la baie de Ha Long ou un vert jade foncé et vieilli; celui des bracelets portés par les femmes pendant des décennies. On dit que les nuances du jade ressortent avec les années, que le vert tendre de la pistache s’intensifie pour devenir jeune olive ou même chair d’avocat, si la peau du poignet sait le patiner. Plus les teintes s’approchent du lichen, du sapin, du vert bouteille, plus le bracelet prend de la valeur. » 

Finalement, je dois dire que j’adore le fait que Kim apprivoise encore notre langue québécoise, après tant d’années. Elle joue avec les mots, les manipule avec amour et passion et nous les fait découvrir sous d’autres jours.

Kim parle également de sa difficulté parfois à connaître la signification de certains mots, comme rebelle, dont elle pensait à tort que cela voulait dire une « possibilité d’une rédemption; celle qui nous permettait de retrouver notre beauté d’avant »

Je comprends pourquoi ce livre s’appelle Mãn. Dans le livre, on apprend qu’en Vietnamien, cela veut dire « parfaitement comblée » et je pense que c’est ce que l’on ressent après avoir terminé la lecture de ce roman. On est parfaitement comblé!! Mãn! Ce nom impose cet état de satisfaction et d’assouvissement… et la lecture de ce livre aussi!

Kim Thúy
Kim Thúy

Kim Thúy a quitté le Vietnam avec les boat people à l’âge de dix ans. Elle a été couturière, interprète, avocate, propriétaire du restaurant Ru de Nam, chroniqueuse culinaire pour la radio et la télévision (À la di Stasio, Des kiwis et des hommes, etc.). Elle vit aujourd’hui à Montréal et se consacre à l’écriture. Ru, son premier livre, est paru aux Éditions Libre Expression en octobre 2009. Best-seller au Québec et en France, ce livre a vu ses droits vendus dans vingt pays, en plus d’avoir été finaliste de plusieurs prix littéraires, dont le Prix des cinq continents de la francophonie 2010 et le Grand Prix littéraire de la relève Archambault. Il a obtenu le prestigieux prix du Gouverneur général 2010, le grand prix RTL-Lire 2010 et le grand prix du Salon du livre de Montréal 2010. Son deuxième livre, À toi, coécrit avec Pascal Janovjak, est paru en septembre 2011 chez Libre Expression. Mãn est son troisième roman.

Kim sera présente au Salon international du livre de Québec pour une séance de dédicace dans le kiosque 151, pour ceux qui seraient intéressés de la rencontrer

 

 

THUY, Kim MAN
Libre Expression
  • Vendredi : 17h30 à 19h et 20h à 21h
  • Samedi : 10h à 11h30 et 12h30 à 14h30
  • Dimanche : 10h à 12h

151

 

145 pages

Prix : 24.95$

17.99 $ version électronique

Édition Libre expression

http://www.editions-libreexpression.com

Crédit photo de Kim : Rafal Maslow

 

http://www.ruedeslibraires.com/livres/man-316205.html/a698c819d5183eb348f7d90c68f6d00640bd336549764b0469c4e9e67c467a06829d8caf776a720b35b406c909e13e5bcfba120fdcc90743f1efead0d4f0adcd/?u=4850