Martin Villeneuve : le « TED TALK » bientôt en ligne

 

Martin Villeneuve : le "TED TALK"
Martin Villeneuve : le « TED TALK »

Le 27 février 2013, Martin Villeneuve a donné une conférence TED à propos de son film Mars et Avril à Long Beach, en Californie,devenant le premier Québécois invité à participer à cet événement prestigieux. Son TED Talk devrait être en ligne le 7 juin sur TED.com !

Né en 1984, l’événement TED est un festival de conférences qui réunit une panoplie de spécialistes et de penseurs, dans le domaine de la technologie, du divertissement (entertainment) ou du design, d’où l’acronyme TED. Depuis la création du site officiel, un milliard d’internautes ont ainsi pu prendre connaissance des contributions de centaines d’orateurs, tels que l’ancien président des États-Unis Bill Clinton, l’inventeur du Web Tim Berners-Lee, le chanteur Peter Gabriel ou la romancière Isabel Allende. C’est au Festival du film de Whistler que Martin Villeneuve s’est fait approcher par le curateur Chris Anderson suite à une projection du film Mars et Avril, qu’il a décrit comme « l’un des plus étonnants des dernières années ».

Si tout se passe comme prévu, c’est à compter du 7 juin prochain que les adeptes de TED à travers le monde entendront parler du premier film de science-fiction québécois et de son ingénieux créateur, alors que la conférence de Martin Villeneuve sera mise en ligne sur TED.com. Voici le compte-rendu disponible sur le blogue officiel de TED : Mars et Avril de Martin Villeneuve est un somptueux film de science-fiction, dont l’action se situe dans un Montréal futuriste, et où la ligne de métro vous mène directement sur la planète Mars. C’est une fable d’amour poétique inspirée de la bande dessinée où le jeu des acteurs est impeccable, les plans sont superbes et les effets visuels, incroyables. Et Villeneuve a réalisé le tout pour 2,3 millions de dollars. Pour mettre les choses en perspective, Star Wars, Épisode III a été tourné pour un budget estimé à 133 millions de dollars. « Mars et Avril n’est pas Star Wars, précise le réalisateur, mais il a été tourné sur écran vert et comporte pas moins de 550 plans d’effets visuels, ce qui est énorme pour un film indépendant, et une première au Québec. »

« J’ai fait un film qui était impossible à réaliser, mais je ne savais pas que c’était impossible », a lancé Villeneuve en ouverture de la session 6 de TED2013 portant sur la créativité. « C’est le genre de film que je voulais faire depuis mon enfance, alors que je lisais des bandes dessinées. » Comment a-t-il fait le film ? Eh bien, il a fallu sept ans. « Quand vous n’avez pas d’argent, vous devez prendre plus de temps, être persévérant et généreux, dit Villeneuve. Chaque problème rencontré était une occasion de trouver une solution créative, au bénéfice du film. » Villeneuve croit en effet que les contraintes peuvent stimuler la créativité. La première contrainte à laquelle il a dû faire face : il voulait que la superstar canadienne Robert Lepage joue dans le film, mais Lepage n’avait que quelques jours à lui consacrer. « Comment inclure dans un film un acteur trop occupé ? », demande Villeneuve sur la scène de TED. La réponse : il tourna le personnage de Lepage comme un hologramme, à l’aide de six caméras. Lors du tournage principal, un autre acteur portait une cagoule verte, et celle-ci fut par la suite remplacée par le visage et la voix de Lepage.

Contrainte n° 2 : « Comment obtenir quelque chose que vous ne pouvez pas vous payer ? » Pour son film, Villeneuve avait besoin de sept instruments de musique imaginaires, inspirés par le corps des femmes. Toutefois, il n’avait pas le budget pour les faire fabriquer. Alors, il a trouvé quelqu’un d’autre pour les payer ; il a vendu les instruments au Cirque du Soleil avant même qu’ils ne soient fabriqués, et a ainsi pu les utiliser dans son film gratuitement. Et il présenta du coup un projet de rêve à un ami sculpteur, Dominique Engel, qui créa ces accessoires incroyablement imaginatifs. Contrainte n° 3 : « Comment obtenir des effets visuels de si haut calibre ? » La réponse de Villeneuve : vous demandez aux meilleurs artistes de l’industrie s’ils acceptent de le faire. Même si son budget était minuscule, Villeneuve n’a pas hésité à approcher le réputé concepteur visuel François Schuiten (The Golden Compass, Mr. Nobody) et le prolifique superviseur d’effets visuels Carlos Monzon (Avatar, Star Trek, Transformers), en leur offrant du temps et la possibilité de rêver plutôt que de l’argent. La société montréalaise Vision Globale a accepté d’encadrer la postproduction.

« Si on vous dit qu’un projet est impossible à réaliser, c’est une raison de plus pour vouloir le faire, conclut Villeneuve. Les gens ont tendance à voir les problèmes plutôt que de viser le résultat final. Si vous transformez les contraintes en opportunités, la vie se mettra à danser avec vous de manière étonnante. » À noter que le blogue américain We blog the world retient la conférence du jeune cinéaste comme l’une des 4 meilleures de TED2013, tandis que celui du Tribeca Film Festival fait remarquer qu’il est le seul, parmi les 30 conférenciers triés sur le volet, à parler de cinéma cette année !

Quand le talent québécois est reconnu à l’international

Dès le lendemain de sa conférence, Martin Villeneuve fut convié à des rencontres chez Kennedy/Marshall, Dreamworks Pictures, Disney et Lucasfilm, tous impressionnés par Mars et Avril. De plus, le cinéaste est désormais représenté par l’importante agence UTA (United Talent Agency) de Los Angeles. Après 4 nominations aux Prix Écrans Canadiens (dont celle de la meilleure adaptation), 5 nominations aux Prix Jutra, 15 festivals internationaux parmi les plus prestigieux (Karlovy Vary, Mumbai, Mill Valley, Whistler, Bruxelles, etc.), d’excellentes critiques à l’étranger dont celle de l’incontournable magazine américain Variety, après avoir représenté le Québec à TED pour la première fois et retenu l’attention des studios hollywoodiens, on peut dire que Martin Villeneuve a remporté son pari ambitieux avec ce premier long métrage. Il a pris des risques, emprunté une voie dans laquelle peu de cinéastes d’ici avaient osé s’aventurer avant lui, et dessiné une identité forte reconnue à l’international. Villeneuve travaille actuellement sur le scénario d’un long métrage fantaisiste, Aquarica, dont la conception visuelle sera assurée par les célèbres bédéistes européens François Schuiten et Benoît Sokal. Rappelons en terminant que le DVD de Mars et Avril est disponible depuis mars dernier et regorge de matériel supplémentaire, pour les Québécois qui voudraient découvrir cette oeuvre avant-gardiste et unique en son genre… ou encore la regarder d’un autre oeil.

©James Duncan Davidson 2013