The Giacomo Variations : John Malkovich interprète un Casanova entre théâtre et opéra

John Malkovich, Ingeborga Dapkunaite
John Malkovich, Ingeborga Dapkunaite

L’Opéra de la Place des Arts a accueilli John Malkovich à l’occasion de la première canadienne du spectacle The Giacomo Variations, ces 4 et 5 juin sur la scène de la Salle Wilfrid-Pelletier.

Lundi, l’acteur américain, accompagné de sa partenaire lituanienne Ingeborga Dapkunaite, nous a reçus dans le Salon Vert de l’Opéra.
De sa voix soupirante et posée, il a nous parlé de Giacomo Casanova, personnalité historique autant que personnage dramatique.

« Casanova n’était sans doute pas le plus grand des écrivains, pourtant, il a écrit le plus grand livre de ce (XVIIIème) siècle. » a ainsi déclaré John Malkovich.
Le livre en question, écrit en français et intitulé Histoire de ma vie, est une autobiographie au-travers de laquelle l’Italien, dont le patronyme est avec le temps devenu synonyme de séduction, parcourt en souvenirs sa vie d’aventures.

Sous le titre de chevalier de Seingalt, tour à tour violoniste, écrivain, magicien, espion, diplomate, bibliothécaire, mais surtout Vénitien, Casanova a été de cette race d’hommes libres, en action comme en pensée.

Mais c’est avant tout en amour que Casanova a vécu en aventurier.
Multipliant les aventures amoureuses, ce libertin s’était mis au défi de séduire les femmes, toutes les femmes : nobles (dont la Grande Catherine, Marie-Antoinette et la Pompadour, à en croire les rumeurs), bourgeoises, servantes, blondes, petites, vieilles aussi, mais surtout débutantes, parfois à peine pubères.
La somme de ses conquêtes aurait ainsi culminé à un montant total, mirobolant, de mille et trois unités.

Casanova n’a pourtant pas joui en collectionneur. Chaque fois il a aimé, même si chaque fois il a oublié.
Car l’homme avait besoin de répéter l’amour, mais sans en éprouver une impression d’éternel retour. « J’ai besoin de variations, même en amour, même en faisant l’amour. » aimait-il à répéter.

Simon Schnorr, Sophie Klussmann, Ingeborga Dapkunaite, John Malkovich
Simon Schnorr, Sophie Klussmann, Ingeborga Dapkunaite, John Malkovich

L’amour, c’est le cœur pour lequel bat The Giacomo Variations, a insisté John Malkovich, l’acteur américain précisant que les rares scènes d’amour charnel y sont montrées d’une manière plus poétique qu’explicite.

Inspiré d’Histoire de ma vie, le spectacle, expérience unique réunissant sur une même scène théâtre et opéra, présente un Giacomo au crépuscule de sa vie, exilé au château de Dux, en Bohème et qui, pour impressionner la sœur de son hôte, la comtesse Isabelle, revit ses souvenirs et tente de trouver un sens à sa vie au-travers des cœurs amoureux qu’il a connus.

Le rideau s’ouvre une crise cardiaque criante de vérité, à tel point que les spectateurs craignent pour la santé d’un John Malkovich entouré des soins de membres de la production montant sur scène, sans costumes, et répétant : « John ? John ? » paniqués.
Après avoir poussé plusieurs « Oh my god ! », le public respire, soulagé, lorsque ce drôle de tour prend fin, que la musique reprend et que Giacomo revit, entraînant avec lui le commencement du récit.

Dès lors, Giacomo et la comtesse Isabelle valsent  entre présent et passé, interprétant des personnages sortis des souvenirs de Casanova, mais aussi des trois opéras issus de la collaboration entre Wolfgang Amadeus Mozart et le librettiste Lorenzo Da Ponte.
Faisant flirter théâtre et opéra, The Giacomo Variations offre un accès inédit à la musique du compositeur autrichien, l’instrumentation et la structure de certains ensembles, ainsi que certaines parties du texte ayant été quelque peu retravaillés afin de s’intégrer au scénario.

Orchestrés par le directeur musical Martin Haselböck, les airs pris à Cosí fan Tutte, Don Giovanni et Le Nozze di Figaro sont interprétés par l’Orchester Wiener Akademie, orchestre autrichien internationalement réputé, notamment pour ses performances musicales réalisées sur des instruments d’époque.
Orchestre avec lequel John Malkovich a avoué avoir pris beaucoup de plaisir à travailler. « Les musiciens sont le meilleur public qui soit », attentifs qu’ils sont à la musicalité inhérente au théâtre, a-t-il expliqué.

John Malkovich
John Malkovich

Cette musicalité, elle atteint avec The Giacomo Variations un sommet de sonorité, les acteurs John Malkovich et Ingeborga Dapkunaite étant accompagnés sur les planches par leurs doubles chanteurs, les sopranos Sophie Klussmann et Kirsten Blaise ainsi que (pour les représentations montréalaises) le baryton Simon Schnorr.

John Malkovich lui-même donne de la voix, son timbre oscillant entre ténor, soprano et basse : « Ca dépend si j’ai fumé ou pas. » a-t-il plaisanté. Toujours est-il qu’il s’en tire plutôt bien, sa voix chatouille l’oreille, même si sa puissance vocale ne supporte pas la comparaison avec les chanteurs professionnels et réputés présents à ses côtés.

Pour tout décor, trois installations représentant des robes d’époque donnent le ton. C’est sous ces robes qui se relèvent et qui tombent que sera consommé, face au public, les fruits de la séduction.
La lumière, à dominantes jaune et bleue, évoque le contraste entre un Casanova rajeuni par ses souvenirs et un Giacomo sur le point de périr.

Conquêtes, mariage incestueux, duel…c’est par le récit de ses amours aventureux pleins de rires, de larmes, de pirouettes et d’émotions que le vieux séducteur parviendra, fidèle à sa réputation, à ses fins. Isabelle se donnera à lui. La prendra-t-il ?
Lui qui a été le premier et dernier amour de maints jupons envoyés par leurs pères au couvent après avoir été « casanovées » alors que lui écoulait le champagne en trinquant aux maladies évitées et aux enfants avortés. Variera-t-il ?

L’auteur et metteur en scène Michael Sturminger, qui avait déjà entraîné John Malkovich dans l’univers de l’opéra avec The Infernal Comedy : Confessions of a Serial Killer, procure avec The Giacomo Variations beaucoup de plaisir aux spectateurs, au point de remporter une standing ovation plus que méritée après deux heures et demie (avec entracte) de performance de haute volée, en anglais pour les acteurs, en italien pour les chanteurs, le tout sous-titré en français.

Suite à deux ans de tournée internationale et un arrêt à Montréal, c’est à Toronto, les 8 et 9 juin prochains, que Casanova ouvrira son cœur à Giacomo.

Auteur & metteur en scène : Michael Sturminger
Directeur musical : Martin Haselböck
Musiciens : Orchester Wiener Akademie
Acteurs : John Malkovich, Ingeborga Dapkunaite
Chanteurs : Sophie Klussmann, Kirsten Blaise, Simon Schnorr, Daniel Schmutzhard
Régisseur : Christiane Lutz
Concepteurs scéniques & costumes : Renate Martin, Andreas Donhauser
Assistante à la direction artistique : Natascha Maraval
Directeur exécutif : Dean Kustra pour Muzzikonzept
Show One Productions : Svetlana Dvoretskaia
Starvox Entertainment : Corey Ross

Crédits photographiques : Show One Productions