Audrée Wilhelmy, publie Les sangs, son deuxième roman

Les sangs7 femmes vont construire le parcours amoureux de Féléor Barthélémy Rü, dit l’Ogre. 7 femmes qui toutes trouveront la mort dont au moins 5 d’entre elles de la main de leur bourreau en même temps que complice de jeux et de transgressions sexuels. Car si Féléor Barthélémy Rü, est un meurtrier il l’est sur des victimes consentantes qui choisissent la mort donnée par l’être aimé comme ultime logique amoureuse. 7 femmes Mercredi, Constance, Abigaëlle, Frida, Phélie, Lottä, et Marie qui toutes incarnent une allégorie différente de la passion amoureuse : le pur fantasme pour Mercredi qui finalement ne couchera jamais avec Féléor mais lui révèlera, après sa mort, par son journal le possible de ces jeux sexuels et leur accomplissement ultime; Constance qui s’adonne à l’amour sous l’influence de plantes hallucinogènes, Abigaëlle ou la passion par la souffrance et le contrôle du corps soumis à l’exercice physique extrême; Frida, tout au contraire ou la passion par le plaisir de l’apathie et de la déchéance; Phélie ou le jeu par la domination de la victime et du bourreau; Lottä et l’emprise du spiritisme et de la folie; Marie enfin ou la passion par la substitution, le double.

Chacune d’entre elle écrit un journal qui consigne son vécu de ses passions amoureuses au dénouement qu’elles savent et acceptent inéluctable. «Plus tard je l’ai épousé, précisément parce qu’un jour je pourrai lui demander de me tuer et que ce jour-là il acceptera. …..En même temps, je comprends les meurtres de Féléor et pour moi ils ne sont pas des vrais meurtres mais des illusions de meurtres. Du théâtre. Même si les femmes sont vraiment mortes. ….. Ça reste du théâtre parce ce que c’est jouer à la mort violente sans que ça en soit une. C’est une mort choisie et mise en scène. Si violente qu’elle soit ce n’est pas un vrai meurtre Quand même je comprends les autres femmes (c’est Phélie qui parle) d’avoir choisi cette mort-là qu’elles ont attendue toute leur vie. Je l’aie choisie aussi, à retardement, pour faire durer le plaisir… ». Un journal, consigné par Féléor qui en réponse à chacun d’eux livre son vécu du même destin. Un regard double pour le lecteur celui de la victime et du bourreau ou justement les rôles se mêlent et s’inversent parfois. « Il ne sait pas quand viendra la demande mais il sait qu’elle viendra. Pour lui c’est pire d’attendre sans rien faire. À moi ça me donne un pourvoir très grand…. »

Dés lors Les sangs sont plus dans la filiation du Marquis de Sade (auquel il est clairement fait de nombreuses allusions sous le nom du Marquis) que du conte de Charles Perrault, Barbe bleue. Les jeux sexuels, le rapport à l’écriture, lui sont autant de références mais aussi la transgression comme le regard du monde autour qui condamne mais ne sévit point autant qu’il le ferait s’il ne s’agissait pas d’un haut personnage de la société. À ceci près cependant que les partenaires de Féléor sont toutes consentantes. Dès lors on glisse alors peut-être vers une variation sur le sado masochisme. Mais après tout est-il nécessaire de cataloguer les expériences que vivent Féléor et ses partenaires?.

La force de ce livre, deuxième roman de Audrée Wilhelmy est dans la capacité à nous faire aller là où la morale et sa société lissée, policée même devrait nous interdire de la suivre. C’est parce que l’expérience sexuelle prennent forme sans voyeurisme, sans sadisme ou érotisme superflu. Parce qu’aussi les lieux sont des allégories qui préviennent toute identification à un vécu réaliste. Mais parce qu’aussi plusieurs sinon toutes ses variations de la passion évoquent en nous des résonances même si jamais nous de les avons poussées aussi loin. Les textes sur la contrainte exercée par Abigaëlle, la danseuse, sur son corps et sur la jouissance qu’elle en retire sont parmi les plus forts sur ce rapport au corps connu de tous les sportifs même si elle ne prend pas cette forme ultime. À l’inverse, le droit à l’apathie et à la jouissance procurées par les excès de sucrerie ainsi retirée par Frida en a attiré plus d’un d’entre nous. Sans même parler de l’attirance pour le « mourir d’amour ». Parce que ce roman nous parle de vie, de désir, de fantasme, d’amour, dans le cadre d’accord entre des êtres, nous accompagnons Féléor, Mercredi, Constance Abigaëlle, Frida, Phélie, Lottä et Marie jusqu’au terme du parcours. Parce que nous sommes attirés par ces vie choisies, fantasmées plutôt que subies. Comme le dit Féléor en conclusion de la chronique de Mercredi, la première et l’initiatrice, celle qui par la seule force du verbe a rendu tout cela possible, morte d’une lente et atroce agonie renversée par un cheval : Et quand un matin de la mi-août, tout fut fini enfin pour elle, je songeai que la vraie Mercredi aurait cent fois préféré la mort de la mercredi de papier à sa véritable agonie.

Pour découvrir Les sangs plus avant nous vous conseillons de découvrir sur le site de l’auteure ses carnets de travail dans lesquels elle a dessiné ces femmes, la botanique ainsi que ses prises de notes moitiés écrits moitiés graphismes. Derrière l’écrivaine en formation, Les sangs a été rédigé dans le cadre du doctorat en études et pratiques des Arts de l’Université de Québec à Montréal, c’est une artiste complète et déjà accomplie qui nous apparaît.

 Les sangs
Auteure : Audrée Wilhelmy
Roman
Éditions : Leméac
Publié sous la direction de Pascale Brissette
160 pages ; Format broché 14 x 21.6 cm.
ISBN : 978-2-7609-3367-5
Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationales du Québec 2013,
Avec le soutien de : Fonds du Livre du Canada; Conseil des Arts du Canada; Sodec, Québec, Programme de bourses d’études supérieures du Canada Vanier.
Prix suggéré : 18,95 $ avant taxes.
Offert dans toutes les librairies dès le 14 août 2013

Photo: courtoisie

http://audreewilhelmy.com

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