Badouri rechargé, un one man show survolté

 Rachid Badouri © Véronyc Vachon
Rachid Badouri © Véronyc Vachon

Depuis hier, Rachid Badouri présente à la scène montréalaise son nouveau spectacle Badouri Rechargé. Rechargé, Rachid Badouri l’est indubitablement. Survolté même. L’artiste nous régale de ses thèmes de prédilection…la vie, sa vie : comme il le dit lui-même. « faite d’anecdotes de la vie quotidienne, d’émotions, et d’expériences de vie»: Expériences vécues et construites lors de son séjour en France; de ses passages en douane, vie à cheval sur deux continents oblige, dans sa vie de jeune marié qui découvre parfois l’envers du décor d’une vie à deux devenue quotidienne sans les strass et paillettes de la séduction ou d’homme devenu soucieux de sa santé et de son état physique. Dans cette ligne d’inspiration le sketch sur la question « avez vous visité une ferme » dans la fiche d’immigration ou de retour au pays que nous remplissons tous est hilarant et souligne avec justesse et pertinence ce questionnement qui semble si obsédant aux autorités et qui par son obsession même nous interroge devant ce qui nous paraît à nous simples voyageurs comme le comble de l’incongruité. Et que se passerait-il si je disais oui? Rachid Badouri vous l’explique…

Mais le spectacle est aussi nourri d’expériences plus fortes, marquées par les hasards temporels d’une vie qui lui a fait connaître en moins de deux mois le bonheur suprême du mariage et la douleur incommensurable, douloureuse, au point de croire ne pas pouvoir s’en remettre de …la mort de sa mère. Pour ce temps si fort de sa vie, l’humoriste a d’ailleurs laissé la place à l’homme empli de ses émotions. Saluons d’ailleurs l’élégance de l’artiste qui a su reprendre le spectacle après cet hommage qui avait soudé la salle autour de lui par un dernier sketch de clôture pour ne pas laisser peser une douleur qui lui appartient au final à lui seul et dont il ne souhaite pas se décharger sur les autres.

Un sketch de clôture sur les variations autour de la musique classique. Un numéro apparemment léger mais en fait imprégné de profondeur quant à sa réflexion sur les styles de musique. Là aussi, fidèle au questionnement sur les échanges entre les cultures, musicales cette fois-ci, il souligne par la seule force de la musique et de la chorégraphie et avec très peu de mot, que les cloisons que l’on dit étanches entre musique classique et musiques contemporaines et urbaines, témoins de deux mondes que l’on croit si éloignés ne le sont en vérité pas tant que cela, si l’on se donne la peine d’ouvrir les écluses. Un numéro assurément bluffant tant sur sa maîtrise du piano que sur son engagement physique dans sa prise de possession de la scène et de la chorégraphie. Une des forces d’ailleurs de ce spectacle où l’humoriste paye de sa personne comme l’on dit.

Survolté, Rachid Badouri l’est tout donc tout autant dans sa gestuelle. Son visage tout d’abord. Rarement (à part peut-être Michel Leeb) un artiste est capable d’une telle mobilité faciale donnant corps à ses personnages par la seule magie de ses mimiques, on peut même dire de ses mimes. Mais l’ensemble du corps n’est pas en reste et si l’humour québécois est reconnu par la capacité de ses artistes à occuper la scène, à allier performance gestuelle, physique et textuelle sur scène, Rachid Badouri en est incontestablement l’un des porte-drapeaux. La mise en scène de Guy Lévesque, la chorégraphie efficace de Steve Bolton, les décors, (minimalistes) et les lumières d’Yves Aucoin et 4U2C inc percutants comme la musique des Studio Apollo soulignent parfaitement cette symbiose donnant au spectacle le rythme du show à l’américaine.

Badouri Rechargé © Véronyc Vachon
Badouri Rechargé © Véronyc Vachon

Mais en observateur attentif de la rencontre entre des cultures, dans laquelle cet enfant de l’immigration a grandi et vit, Rachid Badouri a aussi mis le doigt avec lucidité et pertinence sur ce qui fait mal dans ce monde multiculturel qui n’est pas toujours, loin s’en faut, harmonieux : le racisme, l’incompréhension. Toutefois, en parallèle, l’humoriste qui dénonce a aussi toujours le regard attendri et reconnaissant pour ces êtres qui, comme son père, sont au cœur de ces dilemmes entre fidélité à leur culture d’origine et intégration à leur nouvelle culture d’adoption et font de leur mieux avec humilité et respect des autres. Témoin, ces numéros-hommages sur les efforts de son père pour accompagner son fils dans une vie d’adolescent et de jeunes adulte québécois plus libéré dans ses rapports hommes-femmes que dans la culture arabo-musulmane mais tout en conservant les réserves et pudeurs quant à parler ouvertement de sexualité. Un homme aussi qui tente d’allier vêtement traditionnel, la djellaba, avec traditions et modes de vie québécoises. Adopter l’un sans renier l’autre.

Comme l’avait dit Rachid Badouri lors de sa conférence de presse de lancement de son spectacle en octobre 2012 «J’ai soif de retourner sur les planches du Québec ». (N’en déplaise d’ailleurs au microcosme montréalais c’est en région que Rachid Badouri a débuté sa tournée). Il attendait impatiemment de pouvoir relancer un spectacle, de s’être «ressourcé, reconnecté…rechargé». Nous aussi avions hâte de répondre à son rendez-vous. Le résultat est à la hauteur de nos attentes même si parfois les textes glissent vers des stéréotypes un peu faciles sur les entraîneuses de salles de cours de mise en forme un peu hommasses, des rires hystériques de femmes ou même sur les femmes en général. Ou si, parfois encore, les blagues reprennent des aspects de la vie quotidienne que d’autres ont déjà souligné donnant comme une impression de déjà entendu comme les coussins décoratifs sur les lits, scène entre Jennifer Aniston et Ben Stiller dans Along came Polly qui reste dans les mémoires, ou les examens médicaux sur des endroits de notre corps qui relèvent généralement de notre intimité. Mais comme il le dit lui-même dans l’un de ses récents interviews, en hommage-clin d’œil à son prédécesseur sur ce thème, c’est mon quart d’heure Jean-Marc  Parent.

Un telle maîtrise de la scène, des textes, nous parait, par le rythme donné au spectacle, couler de source, venir naturellement. Pourtant ne nous y trompons pas. Rachid Badouri est tout sauf un dilettante. Comme il le dit lui-même je suis un extrémiste dans tout ce que je fais et surtout j’ai appris et su admettre au fil de ma carrière que « Il n’y a que dans le dictionnaire que le mot succès vient avant le mot travail. Mais dans la vie, les choses ne sont pas aussi simples. ». Ainsi, que de travail et de chemin parcouru depuis, qu’un peu par hasard, le jeune qui faisait rire les copains par des imitations, des réparties ou mini numéros et pratiquait la scène collégiale tout en rêvant à une carrière plus musicale, a répondu, en 1999, pour une audition au Festival Juste pour rire en quête de nouveaux talents. Il y gagne alors le troisième prix du Concours Craven ‘A’ Juste pour rire ainsi qu’un stage à l’École nationale de l’humour. Encore 5 années pendant lesquelles il apprend son métier, rode ses textes sur les scènes du Québec en tournée ou lors de différents évènements et tisse ses liens dans le milieu professionnel. C’est encore le Festival Juste pour rire qui croit en lui en 2004 en répondant favorablement à un DVD d’auto promotion que l’artiste fraîchement formé à la communication à l’école Promédia concocte et envoie tous azimuts. Depuis, tout s’enchaîne et le succès ne se démentit pas que ce soit sur la scène de l’humour, lors de ses incursions au cinéma ou dans ses propres émissions de radio.

À l’évidence le public adhère au spectacle, à son contenu, il le partage même. C’est que Rachid Badouri a compris et su mettre, cette fois aussi, au cœur de sa puissance créatrice ce qui fait selon lui, et à juste titre, la force d’un spectacle d’humour : « On est énormément inspiré de ce qu’on vit surtout en humour, c’est très culturel l’humour, (c’est moins international que la chanson) il faut que quand tu parles en humour que les gens savent de quoi tu parles. Il faut qu’il y ait un sentiment d’appartenance, d’association à ce que tu dis pour que les gens te suivent, pour que le rire soit plus facile donc évidement il faut que cela soit quelque chose que tu as vécu personnellement. » Nous avons, c’est sûr, beaucoup de choses vécues en commun avec Rachid Badouri car dans ce nouveau one man show Badouri Rechargé, on rit décidément beaucoup.

Badouri Rechargé
One man show de Rachid Badouri
Mise en scène : Guy Lévesque
Textes : Rachid Badouri avec la collaboration de Mikaël Archambault et Billy Tellier.
Décors, éclairages et vidéo : Yves Aucoin, 4U2C Inc.
Conception musicale : Studio Apollo
Chorégraphie : Steve Bolton
Direction de Production : Mario Petit
Direction technique, éclairages et tournée :  Benoît de Vaux
Sonorisation : Éric Massicotte
Vidéo; Éric Gaudreault
Stylisme : Jonathan Rasier

Production : Juste pour rire Spectacles
Productrice exécutive et directrice générale : Lucie Rozon assistée de Claude Proulx
Vice présidente Création : Luce Rozon assistée d’Hélène Vallée
Productrice déléguée : Véronique Trépagnier
Partenaires : Groupe Investors et la Sodec Québec

Théâtre Saint Denis :
594 rue St-Denis
Montréal, Québec H2X 3K2
Tel : 514 849-4211
Prix : 61,95 $, 56,95 $, 50 $, 46,95 $, taxes et frais de service inclus.
Spectacle éligible aux points SCÈNE du 15 au 19 octobre, taxes et frais de service inclus.
Achat en ligne sur : http://ww1.ticketpro.ca
http://theatrestdenis.com

En tournée au Québec (spectacles à venir)
Montréal : 15 au 21 octobre; et supplémentaire du 4 au 15 décembre 2013; Théâtre St-Denis
Québec du 30 octobre au 3 novembre; Salle Albert-Rousseau
Brossard : 5 au 9 novembre; L’Étoile Banque Nationale.
Terrebonne : du 19 au 23 novembre : Théâtre du Vieux-Terrebonne
Trois-Rivières : du 28 au 30 novembre; Salle J-Antonio-Thompson
Les billets sont en vente dans chacun des réseaux des salles de spectacle concernées.
Pour Montréal : réservation en ligne sur  Juste pour rire www.hahaha.com ou au 514-845-2322

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Les interviews mentionnés sont Médium large –Radio Canada-Catherine Perrin  du 8 octobre 2013 et Tout le monde en Parle-Radio-Canada- Guy A Lepage du 6 octobre 2013.

photos: © Véronyc Vachon http://www.flickr.com/photos/infoculturephotos/sets/72157636638032075/