Le Paradis à la Fin de vos Jours : Rita Lafontaine réincarne la Nana de Michel Tremblay

Le Paradis à la Fin de vos Jours
Le Paradis à la Fin de vos Jours

« On verra bien. »

Nana attend, depuis quarante-cinq ans, très loin du Trône à la droite du Père, entourée du rire de sa mère et des critiques de belle-maman.

Nana attend le paradis que les prêtres sonnant sans s’annoncer le soir à sa porte sans le sou pour lui en soutirer lui avaient promis -une visite divine sur son nuage de petite gens qui vaudrait le coup d’endurer l’état d’ennui éternellement.

Nana attend et passe ce qui ressemble à du temps en se remémorant ses souvenirs d’avant -son ange rebelle au sommet du sapin, les morts tuberculeuses sorties du creux de ses reins, les émissions de radio sacrilèges le soir sur le divan et la vie sauvée par Michel qu’elle n’a pas vu Tremblay de son vivant.

Nana attend de rencontrer Dieu, impatiemment, assise sans arthrite en robe et tablier de soixante-et-un an, sans se sentir prête pour autant.

Musique -s’annonce quelqu’un.

Accompagnatrice récurrente des créations de Michel Tremblay, Rita Lafontaine revient une deuxième fois au personnage de Nana que l’auteur du Paradis à la Fin de vos Jours a créé il y a près de quinze ans avec Encore une fois si vous permettez en mémoire de sa mère Rhéauna Rathier.

Quarante-cinq ans après Les Belles-Sœurs, l’actrice monte ainsi sur les planches en « maîtrisant l’univers de l’auteur » selon les mots du metteur en scène Frédéric Blanchette, à tel point que ce dernier se considère avant tout comme le premier spectateur de la prestation délivrée par celle qui connaît non seulement l’œuvre mais aussi la vie de Michel Tremblay, étant par-là à même de « ressentir mieux que quiconque les moments où les répliques doivent se faire tendres, directes, nostalgiques, crues, réflexives… » et donc capable de donner à Nana une voix aux intonations voisines de celle de Rhéauna.

Rita Lafontaine
Rita Lafontaine

C’est seule sur scène, entourée d’esprits de ses parents, que Rita Nana nous entretient des réalités, pour certaines peu reluisantes, qui nous attendent après le trépas et qui tordent le cou aux idées reçues par le biais des discours dont nous ont rebattu les oreilles les trop bien-pensants parmi les Chrétiens.

Mais bien évidemment, à travers ses sentiments mêlés de doute, d’attente, de nostalgie et de reconnaissance, c’est notre propre portrait d’incertitude ici-bas que la très vivante Rhéauna Rita nous dépeint.

Tour à tour mélancolique, souriante, en colère et aimante, Rita Rathier est toujours émouvante et rend hommage, par la magie de ses mots de mère et de ses commérages propres au langage pétri de vie authentique cher à Michel Tremblay, aux mères d’hier, mais aussi d’aujourd’hui et parions-le, de demain.

Contemporaine et en même temps intemporelle, la scénographie conçue par Olivier Landreville symbolise le paradis par l’intermédiaire d’une installation murale de quatre-vingt-trois sièges marqués du nom de protagonistes réels et inventés tirés de l’univers de Michel Tremblay, qui s’éclairent d’une lumière crue alors que Rhéauna Nana Rita Rathier est en train de les évoquer, achevant ainsi de nous enlever à notre présent pour nous transporter dans son éternité.

Collaborateur de l’auteur dès ses premières armes et ses premières heures, c’est « avec un plaisir immense » dixit sa directrice artistique Denise Filiatrault, que le Théâtre du Rideau Vert programme à nouveau Le Paradis à la Fin de vos Jours jusqu’au 9 novembre prochain.

Distribution : Rita Lafontaine

Texte : Michel Tremblay
Mise en scène : Frédéric Blanchette
Assistante à la mise en scène : François Barbeau
Décors et accessoires : Olivier Landreville
Costumes : François Barbeau
Eclairages : André Rioux
Musique originale : Yves Morin

Crédits photographiques : François Laplante-Delagrave