Lou est adolescente avec ses rêves et ses déceptions, ses réalités aussi, construites autour de sa vie familiale, scolaire et de ses amitiés, ses rancunes, ses amours, vécus ou espérés. Une vie finalement comme « un long fleuve tranquille » si tant est que du point de vue d’une adolescente une vie et ses questionnements puissent être qualifiés ainsi. Son point de repère, outre une vie de famille stable (du moins le pense-t-elle puisqu’elle en a toutes les apparences) est sa meilleure amie, Lucie avec laquelle elle partage tout ce que sa vie quotidienne lui amène de joies, d’excitation ou de déception. Comme la plupart de ses coreligionnaires, elle envie celle à qui il arrive une histoire, une vraie…Un « truc, qui ne soit pas arrivé à mes amies, qui ferait que l’on me regarderait différemment, Qu’on chuchoterait sur mon passage : Tu sais c’est la fille qui ……Bon Ok, ça fait un peu série américaine quand dans le couloir de l’école, tous les élèves s’écartent pour laisser passer l’héroïne. Elle est mince, maquillée avec soin, trop bien habillée, mais elle a quand même l’air très malheureuse parce qu’elle se retrouve dans une situation hyper grave où elle doit faire des choix qui méritent qu’on y consacre plusieurs épisodes ».
Lou en ce début de roman ne se doute pas que la vie ou plus exactement son passé, malheureusement, vont exaucer son rêve. Mais le vivre ne sera de fait pas aussi glorifiant qu’elle se l’imaginait et c’est tout son univers autant qu’elle-même qui vont voler en éclat, se désagréger alors qu’elle en sera, bien malgré elle, à la fois l’instrument et la victime. Car la famille de Lou cache un secret, un très lourd secret et c’est une rencontre fortuite avec un camarade de retenue, le jeune Malo, qui en sera le déclencheur.
Dans ce drame, Lou risque de se perdre, tragiquement vers un point de non retour. Seule l’amitié, celle qu’elle aura su nouer au travers de l’épreuve pourra la sauver du pire. La sauver mais non pas effacer ce lourd secret avec lequel elle devra désormais vivre car elle le sait, malgré toute sa volonté, son envie d’y croire, il n’y a plus de retour vers « avant que je sache », possible.
Bien qu’appartenant à catégorie du roman, L’effet boomerang appartiendrait plutôt par son style et sa narration à celle du récit ou du témoignage. C’est d’ailleurs un style d’écriture que l’auteure, Sophie Laroche, revendique et assume pleinement. Une attirance qu’elle attribue à son histoire personnelle qui a forgé son rapport à l’écriture et à la lecture : Mon père, grand lecteur, m’a transmis sa passion et l’a alimentée : Hervé Bazin, Pearl Buck, plus tard Martin Gray…J’ai aussi toujours aimé écrire. Oh, pas des fictions, je pensais manquer d’imagination pour cela ! Nous échangions des lettres avec mes amies, lettres que je garde toujours précieusement… Après le baccalauréat,(l’équivalent en France du DEC, l’auteur d’origine française) je me suis dirigée vers des études de journalisme, afin de satisfaire à la fois mon envie d’écrire et ma grande curiosité pour ce drôle d’animal qu’est l’être humain : quotidien, magazine, presse institutionnelle…. Sans oublier son vécu actuel qui la place en bonne observatrice de la jeunesse actuelle : Mariée, je suis l’heureuse maman de trois enfants, source inépuisable d’inspiration ! En effet bien qu’écrit par une adulte ce livre est totalement crédible dans l’utilisation du narrateur héros en qualité d’une jeune adolescente de secondaire 3. Ses aspirations, ses réalités, son regard parfois décalé en même temps qu’égocentrique sur le monde qui l’entoure, ses réactions et son langage sont bien ceux d’une jeune fille de son âge. Jusqu’à la recherche d’une solution dans son univers, dans son relationnel souvent hors du recours au monde des adultes. C’est dans l’amitié que Lou cherche et trouve sa solution. Pas dans l’aide qui peut être apportée par des professionnels ou sa famille. Qui a vécu avec des adolescents, ou se souvient de sa propre adolescence le sait : L’amitié c’est à la fois la richesse et le filet de sauvegarde quand le drame grand ou petit arrive, le premier réflexe de survie surtout si le monde adulte est pointé comme celui qui a trahit. Mais c’est aussi parfois, nous le savons tous, la limite de cette aide. Une aide qui ne s’appuie que sur ceux qui, au fond, comme le jeune qui cherche ce soutien, n’ont pas toutes les armes en main pour l’apporter alors qu’ils n’ont pas eux-mêmes beaucoup d’expérience ou de ressources à proposer en dehors de leur propre expérience, et qu’ils sont, eux aussi parfois, aux prises avec leurs propres problèmes dont ils ne savent ou peuvent complètement se détacher.
Et c’est peut-être le seul reproche, en forme d’effet pervers de la qualité et de la crédibilité du livre, de son intrigue et de sa narration, que l’on pourrait faire à ce livre : Son angélisme quant au seul recours à l’amitié entre adolescents pour faire face à un drame de cette ampleur. Comme si l’auteure s’’était laissée emportée par l’univers et les personnages qu’elle a créée au risque de les conduire vers une solution qui comporte évidement des risques notamment dans l’absence d’une aide structurée et extérieure pour surmonter à long terme une telle crise. Pour une collection qui se veut témoigner mais aussi guider, orienter, les jeunes, on peut le regretter car cela nuit sur ce point à la portée du livre. Heureusement, il y a à la fin du livre l’indication de ressources d’aide plus professionnelles. Mais il n’est pas sûr que les jeunes, qui ne manqueront pas de s’identifier à cette héroïne tant elle leur parle, y fassent même attention.
L’effet boomerang
Auteure : Sophie Laroche
Roman jeunesse
Collection Tabou, 14ans et +
Éditions de Mortagne : www.editionsdemortagne.com
Photographie en couverture : Sophie Peyroux
ISBN : 978-2-89662-281-8
224 pages; broché
16.95 $
Version électronique ISBN : 978-2-89662283-2
12.99 $
Version PDF ISBN : 978-2-89662282-5
12.99 $
Parution : 23 octobre 2013
© photo : courtoisie
