Appelez-moi Stéphane: une pièce toujours d’actualité

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Michel Laperrière, Véronique Claveau, Jeff Boudreault, France Pilotte, Diane Lavallée, Stéphane Breton

Claude Meunier et Louis Saia ont écrit Appelez-moi Stéphane en 1980 en s’inspirant d’une connaissance pour ne pas dire un ami, comédien, psychologue et humoriste à la fois qui animait un atelier de théâtre dans un cégep. De l’avis de Meunier, ce type était imbu de lui-même et exerçait sur ses étudiants un ascendant qui relevait du délire et de l’imposture totale. Saia et Meunier l’ont dénoncé dans cette comédie dramatique qui a été présenté dans cinq ou six productions différentes depuis sa création. Et ce portrait de la manipulation et de l’abus de pouvoir sur les autres est devenu un classique du genre en traversant le temps et les modes. Appelez-moi Stéphane amuse et dérange l’auditoire autant aujourd’hui qu’il y a une trentaine d’années. Parce qu’il y aura toujours des Stéphane qui savent si bien trouver les faiblesses de leurs semblables pour les exploiter et en tirer profit. Ils sont dans les écoles mais aussi dans les milieux culturel, politique ou spirituel pour vous faire croire à l’impossible.

Dans le cas de cette pièce, c’est un incompétent, un comédien raté qui ne tourne que des messages publicitaires déguisé en légume qui se glisse dans la peau d’un gourou qui enseigne le théâtre à des hommes et des femmes fragiles et dépourvus. Évidemment que c’est drôle au début tant Stéphane est suffisant dans son rôle de penseur du théâtre et psychologue de petite semaine alors que ses étudiants sont maladroits et incohérents. La pièce s’alourdit cependant et prend une nouvelle allure quand on constate le désarroi des étudiants qui voient leur maître leur échapper. Celui-ci, en incompétent qu’il est, à réussi à allumer le feu chez ses étudiants mais n’a pas réussi à l’éteindre ou à l’orienter. Ce sont des étudiants désemparés qu’on retrouve en deuxième partie du spectacle.

Le metteur en scène Bernard Fortin a su monter cette comédie avec un dynamisme nouveau à mon avis. Je crois avoir vu la plupart des productions de Appelez-moi Stéphane celle qui mettait en vedette Gilles Renaud dans le rôle de Stéphane qu’on présentait à la télévision de Radio-Canada en 1981. Plus tard on revisitait la pièce chez Duceppe avec Normand Chouinard, Martin Drainville, Diane Lavallée et autres en 2005. Plus récemment, c’est au Théâtre Hector-Charland que revient Stéphane interprété par Antoine Bertrand en 2007. Au cas où la chose vous intéresserait, c’est à cette occasion que Catherine-Anne Toupin et Antoine Bertrand ont vécu un coup de foudre et qu’ils sont ensemble depuis.

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Véronique Claveau, Jeff Boudreault, France Pilotte, Michel Laperrière, Diane Lavallée, Stéphane Breton

Chacune des productions de cette comédie dramatique était différente. La toute première que je n’ai pas vue et que bien peu de personnes ont vu d’ailleurs, a été présentée au Théâtre des Voyagements en 1980. On a sensiblement modifié le texte et la mise en scène en 1981 pour présenter l’oeuvre de Meunier et Saia à l’Arlequin. À l’époque c’était Michel Côté qui interprétait Stéphane avec un certain Marcel Gauthier et Marc Messier qui faisait également partie de la distribution. Notons que ces trois comédiens créaient pendant ces années la fameuse comédie Broue.

Revenons à nos moutons et à l’Ile Saint-Bernard de Châteauguay où on présente jusqu’au 23 août, la toute nouvelle mouture de Appelez-moi Stéphane. Et qu’on me pardonne ce long historique de la pièce qui est devenu un classique qui sera joué et rejoué dans les prochaines années en été et en saison régulière. Il faut croire que l’œuvre s’améliore avec le temps puisqu’il s’agit, à mon avis, de la meilleure production de la pièce avec une vision très rythmée du metteur en scène et du jeu brillant et soutenu des comédiens qui ont réussi à nous faire oublier une panne de courant qui a nécessité un arrêt de 30 minutes au début de la deuxième partie du spectacle, le soir de la première.

Une salle comble ce soir là avec les auteurs et le metteur en scène de la pièce, madame la mairesse de Châteauguay, Nathalie Simon et de nombreux comédiens qui ont vivement encouragé leurs camarades sur scène. Le décor minimaliste était constitué essentiellement de cubes interchangeables et d’un écran en fond de scène. Michel Laperrière, l’un des acteurs les plus doués et les plus sous-estimés du Québec, interprétait le rôle du fameux Stéphane (Sylvain) entouré de Diane Lavallée, Jeff Boudreault, France Pilote, Stéphane Breton et Véronique Claveau. Le choix des comédiens était parfait. Laperrière a donné la juste mesure du personnage évitant le cabotinage qui est fort tentant avec ce Stéphane détestable et démesuré. Diane Lavallée est savoureuse, attachante dans la peau de Jacqueline qui s’est trop attachée à Stéphane et qui deviendra sa victime. Jean-Guy, interprété par Jeff Boudreault est aussi une victime de Stéphane parce qu’il s’est réveillé subitement pendant cette session en atelier et maintenant il ne sait plus où il en est et attend toujours le moment où Stéphane l’invitera à prendre un café. Excellent Stéphane Breton dans la peau de Réjean, excellente Véronique Claveau qui interprète Louison. La surprise et la plus belle émotion de la soirée, c’est le bonheur de jouer Gilberte que nous raconte France Pilote, à la fin du spectacle. Car voyez-vous, France Pilote c’est la directrice du Théâtre Fracas qui a produit cette comédie fort réussie à Châteauguay.

 Théâtre d’été Châteauguay