Les Trois Accords en concert à l’OSM : Tout simplement extraordinaire!!!

 Les Trois Accords en concert à l'OSM © photo: courtoisie
Les Trois Accords en concert à l’OSM © photo: courtoisie

C’est en tuxedo accompagnés de musiciens vêtus des queues de pie et robes de soirée de rigueur dans les concerts symphoniques que les quatre membres des Trois Accords ont donné leur concert à l’OSM les 30 septembre et 1er octobre. Pour le 10ème anniversaire de ce groupe devenu mythique, véritables maîtres du Rock de l’absurde, comme il y a le théâtre de l’absurde,  Simon Leclerc leur a offert, nous a offert, l’OSM.

Une nouvelle fois, le chef d’orchestre et arrangeur a fait le pari de faire se rejoindre ces deux mondes que certains croient bons de séparer : la musique rock et la musique symphonique comme si de la catégorisation naissait l’identité de chacun des mondes musicaux. Qui mieux que lui pouvait réussir cette harmonie de l’improbable? Inspiré par ces deux univers le chef d’orchestre de la série OSM Pop sait en effet créer les conditions pour que chacun puisse aller vers l’autre. Mais ne nous y trompons pas. Il ne suffit pas de mettre sur la même scène, musiciens classiques et chanteurs d’un groupe pop pour que cela fonctionne. Au-delà de la bonne volonté et de l’envie de faire, Il faut beaucoup de travail, d’adaptation, d’écoute, de réorchestration et de transposition. En effet, on ne peut pas mener à bien un tel cheminement si l’on ne s’imprègne pas de l’œuvre, des textes autant que de la musique du groupe accueilli pour les transcrire et si, de son côté, le groupe accueilli n’accepte pas que sa musique soit « revisitée » par les codes, instruments et chant lyrique de la musique symphonique. Lors d’un interview de Daniel Brunet de la Presse en juin 2013 Simon Leclerc confiait : (dans les chansons populaires) » On travaille avec des structures généralement très simples. La valeur se trouve ailleurs: dans la poésie, dans l’interprétation, l’énergie, la sincérité qui y est mise. Le but n’est pas de les complexifier, mais plutôt de les rendre plausibles d’un point de vue orchestral. Mon premier souci est de regarder ce que la chanson dit. De quoi est-il question? Et comment l’orchestre peut-il dire quelque chose de plus avec cette chanson? Les instruments d’un orchestre symphonique ont leur fonction spécifique, c’est à moi d’extrapoler les valeurs d’une chanson pour les mener ailleurs avec ces autres instruments… » La formation et le parcours de Simon Leclerc rendent cette démarche possible : Formé à la musique classique, il souhaite plus tard s’orienter vers la musique de film. Mais le cadre lui parait trop rigide. C’est sa rencontre avec le compositeur et arrangeur Claude Baillargeon qui lui permettra de trouver sa voie. Une voie que le Chef Dutoit, Directeur musical de l’OSM de 1977 à 2002 saura valoriser en lui confiant la direction de L’OSM POP.

Patrick Malette et l'orchestre de l'OSM © photo: courtoisie
Roseline Lambert, Patrick Malette et l’orchestre de l’OSM © photo: courtoisie

C’est ainsi que toutes les parties instrumentales de la vingtaine de chansons interprétées durant le concert le sont sur le mode symphonique. Trois des chansons, parmi les plus célèbres, ont même été traduites en russe, Saskatchewan, Allemand, Hawaïenne, et italien, Dans mon corps, en hommage aux langues les plus utilisées dans la musique symphonique et chantées par les solistes Roseline Lambert, soprano et Patrick Mallette, baryton. Aucun des instruments du groupe n’était sur scène pas plus que le « rock and roll ». Et même, durant toute la première partie du concert, les musiciens eux-mêmes n’étaient pas sur scène puisque que l‘OSM leur a offert: un concert… de leur propre musique réalisant ainsi un de leur plus grand rêve.  C’est donc en invités d’honneur qu’ils ont assisté à la première partie consacrée à leurs tubes les plus célèbres : Outre Hawaïenne, Saskatchewan et Dans mon corps : Grand champion, elle s’appelait Serge, Tout nu sur la plage, Ton avion, Caméra video, Youri …Autant dire que pour Simon Proulx, Alexandre Parr, Pierre-Luc Boisvert et Charles Dubreuil qui avouent avoir un immense respect pour la musique symphonique tout en reconnaissant la connaître peu, il s’agissait là d’une véritable plongée dans l’inconnu : être spectateurs puis ensuite créer un nouveau jeu de scène autant qu’une nouvelle orchestration et chant vocal. Une prise de risque qui est tout à leur honneur et fait preuve de l’ouverture de ce groupe mais aussi du travail qui a été mené en collaboration avec le directeur musical et chef d’orchestre et tous les musiciens de l’OSM.

Et le résultat fut à la hauteur du défi : extraordinaire. La magie s’opère entre humour du rock and roll de l’absurde et sérieux de la musique symphonique. Chacun a rejoint en symbiose l’univers de l’autre pour un concert follement drôle en même temps que follement beau et rigoureux dans l’exécution. Gageons que pour Patrick Mallette, chanter Tout nu sur la plage tel un  air du grand  répertoire accompagné d’un orchestre symphonique en pleine puissance et en faisant reprendre la chanson par une foule déchaînée et qui l’ovationnait à tout rompre, restera un moment aussi improbable que fort dans sa carrière comme ce le fut pour nous spectateurs. Saluons d’ailleurs la performance des deux solistes qui ont joué le jeu jusqu’au bout de la transposition symphonique en mettant tout leur grand talent au service des œuvres qu’ils ont chanté seuls, en duo ou ensuite, dans la deuxième partie, avec le groupe mais en gardant toujours, notamment Patrick Malette, un petit air complice avec l’assistance comme pour souligner le cocasse de la situation et sa propre audace.

La première partie fut flamboyante nous faisant complètement revisiter des mélodies, dont nous découvrions alors bien souvent la pleine force poétique et la sensibilité aussi bien que la puissance musicale. Plusieurs d’entre elles furent même jouées sans la partie texte mettant ainsi en relief la qualité de la partition. La seconde partie, entièrement consacrée à leur dernier disque « J’aime ta grand-mère », était introduite par le narrateur Sébastien Blanc qui rythmait le déroulement de l’histoire des amours entre Simon et la grand-mère d’Alexandre. Elle fut plus traditionnelle dans son concept puisque le groupe chantaient lui-même ses chansons sur un accompagnement musical symphonique. La rencontre entre les deux univers musicaux laissait de ce fait peut-être plus apparaître les hiatus possibles mais soulignait par contre la volonté comme la capacité de chacun de se mettre au service de l’autre. Le final de l’album Retour à l’institut, et par la même du concert, autant que de l’histoire des amours de Simon fut, en ce sens, une apothéose.

Le concert des Trois accords à l’OSM fut une occasion unique de vivre une expérience comme certainement bien peu d’amateurs de l’un ou de l’autre de ces deux mondes musicaux en avaient connue. Un concert d’autant plus unique qu’il n’y a pas eu de captation. C’est donc à un rare privilège à tous les sens du terme que les spectateurs ont été conviés. Encore merci pour ce merveilleux 10ème anniversaire.

Les Trois Accords : Simon Proulx (Voix et guitare), Alexandre Parr (Guitare et voix), Pierre-Luc Boisvert (Guitare basse) et Charles Dubreuil (Batterie) www.lestroisaccords.com
Simon Leclerc, chef d’orchestre et orchestrateur
Roseline Lambert, soprano
Patrick Mallette, baryton
Sébastien Blanc, narrateur
Brigitte Poupart : mise en scène de la deuxième partie
Orchestre symphonique de Montréal www.osm.ca
Place des Arts
concerts des 30 septembre et 1er octobre 20h

Ce concert fait partie de la série : OSM POP présenté par Groupe Investors

© photo: courtoisie