Tribus, une pièce brillante et actuelle sur la communication, présentée au théâtre Périscope!

Benoît Drouin-Germain et  David Laurin dans Tribus
Benoît Drouin-Germain et
David Laurin dans Tribus

Après avoir été présenté avec beaucoup de succès à La Licorne à Montréal, à l’automne 2014, voilà que LAB87, en codiffusion avec le théâtre de la Manufacture, nous amène à Québec, au Théâtre Périscope, cette pièce magnifique TRIBUS, ayant pour thème la communication et les subtilités du langage, tout en abordant la question de l’éducation d’un enfant né avec un handicap (la surdité).

Billy est sourd de naissance. Ses parents ne lui ont jamais permis d’apprendre la langue des signes, de peur qu’il s’isole au sein de la communauté sourde et malentendante. Sa rencontre avec Sylvia, une malentendante en voie de devenir sourde, bouleversera son existence et éveillera en lui un désir d’expression par la langue des signes. Cet épanouissement soudain déstabilisera la cellule familiale et exacerbera des travers peu reluisants de sa personnalité. 

Le texte de l’auteure anglaise Nina Raine, traduit par Jean-Simon Traversy est d’une justesse inouïe. Il fait vraiment le tour de la question des manières de communiquer, mais aussi de l’incompréhension dans la communication. Le vocabulaire par exemple, n’est pas nécessairement le meilleur outil pour communiquer. Les gens parlent, mais ce qu’ils disent ne représente pas obligatoirement ce qu’ils pensent ou ressentent. Et aussi, trop souvent les gens préfèrent parler plutôt que d’écouter. Et parfois, un silence en dit plus qu’une tonne de mots.

Benoît Drouin-Germain Jacques L'Heureux Monique Spaziani
Benoît Drouin-Germain
Jacques L’Heureux
Monique Spaziani

Dans cette famille, bizarrement, on retrouve une mère écrivaine, un père qui est fasciné par l’apprentissage du mandarin, une sœur chanteuse d’opéra, et un frère qui fait une maitrise sur le sujet de la valeur du langage, tout en ayant des voix dans sa tête et un problème de bégaiement occasionnel, et tous savent jouer du piano.  Étrangement, ceux qui semblent être les plus sourds sont ceux qui savent entendre dans cette famille. Et on nous le démontre à plus d’un moment durant la pièce, ce qui devient parfois cacophonique et redondant à la fin.

Mais ce que j’ai préféré dans cette pièce, c’est d’abord le jeu des comédiens et principalement celui de David Laurin qui incarne Billy et Catherine Chabot dans le rôle d’Alice (son amie malentendante). Ils ont appris le langage des signes. Ils sont totalement crédibles et attachants. Pour sa part, Benoît Drouin-Germain m’a également épaté dans son rôle de ce frère agaçant qui perd de plus en plus ses moyens, à mesure que Billy prend de l’assurance et de l’autonomie.

J’aime également la mise en scène de Frédéric Blanchette, qui a d’abord fait en sorte que le public soit réparti d’un côté comme de l’autre de la scène, créant une proximité et permettant d’inclure le public dans la famille. Aussi, du fait que parfois le public voit de dos un personnage, cela ajoute au problème de communication. On comprend que de dos, on ne voit pas les émotions, on entend moins bien et donc, on perd nos repères pour bien comprendre ce qu’ils disent. De plus, on se sent exclu de la conversation, en étant de dos, un peu comme Billy se sent exclu de son clan familial trop souvent.

Jacques L'Heureux
Jacques L’Heureux

Je trouve aussi original d’avoir créé un mur avec des piles de livres, et d’y avoir intégré le piano. Il y a très peu d’accessoires de décor et c’est très bien ainsi, l’attention est alors mise sur les personnages.

Un des moments forts de la pièce survient lors d’une conversation entre Billy et Sylvia, alors qu’ils se parlent par signes, et par moment en parole. Cette fois-ci, c’est nous le public qui devient sourd. On ne comprend plus ce qu’ils se disent, seulement par bride, lorsqu’ils ajoutent des paroles. On peut comprendre alors les frustrations des gens malentendants parfois.

Dans cette pièce, on passe par diverses émotions. Tantôt on rigole de voir cette famille se chamailler autour de la table du repas, puis on devient choqué d’entendre les sornettes du père de famille aux idées préconçues, raciste et au langage vulgaire et aux sacres multiples. On s’émeut ensuite de la relation entre Billy et Sylvia. On est même au bord des larmes lors d’une belle rencontre entre Billy et son frère.  Le public est témoin privilégié de cette famille dysfonctionnelle qui, telle une meute, s’enferme dans sa petite tribu, en rejetant presque systématiquement les blondes et les chums, en refusant de faire apprendre le langage des signes à Billy. Ils deviennent pris dans leur propre vase clos familial.

C’est une pièce brillante, actuelle, qui apportera son lot de réflexion chez le public et qui offre en même temps un bon moment de divertissement.

Présenté au Théâtre Périscope,

Du 20 au 31 octobre 2015

Mardi et mercredi à 19 h

Jeudi et vendredi à 20 h

Samedi à 16 h

DURÉE DU SPECTACLE : 1h45 sans entracte

Texte
Nina Raine

Mise en scène
Frédéric Blanchette

Assistance à la mise en scène
Jean-Simon Traversy

Éclairages
André Rioux

Décor, costumes et accessoires
Elen Ewing

Direction artistique
David Laurin (LAB87)

Traduction
Jean-Simon Traversy

Compagnie
LAB87

 

Distribution

Caroline Bouchard

Catherine Chabot

Benoît Drouin-Germain

Jacques L’Heureux

David Laurin

Monique Spaziani

 

Crédit photos : PL2 Studio