Le partage des eaux

Ella
Le partage des eaux (crédit photo Pierre-Antoine Lafon  Simard)

Les enjeux que soulève l’eau et qui conduisent à des prises de conscience et à l’engagement citoyen sont nombreux: les changements climatiques avec la fonte des glaciers et le réchauffement des océans, l’accès à l’eau potable, la commercialisation et la privatisation de l’eau, la fracturation hydraulique, le gaspillage, etc. L’eau est si intimement liée à la vie qu’on ne s’étonne pas de l’abondance de documentaires en traitant. Mais trouver une pièce de théâtre ayant spécialement pour thème l’eau, c’est plutôt rare et Le partage des eaux, écrite par Annabel Soutar, une auteure canadienne, est une rareté. Elle choisit d’explorer les liens entre plusieurs acteurs concernés par la fermeture prochaine d’un centre de recherche sur l’eau. Le traitement choque, fait du bruit, mais c’est certes inévitable dans le contexte.

La pièce est campée dans un futur pas si lointain et pas si improbable  la sonnette d’alarme environnementale est tirée. Incessamment, une tempête ravagera la Côte Est américaine  des pluies torrentielles ont déjà commencé à s’abattre. Parallèlement à cette annonce faite par une animatrice américaine hystérique, on assiste à un bris d’eau dans une cellule familiale. C’est l’urgence et la panique à petite échelle pour le couple et leurs deux filles qui tentent de contenir les dégâts. Ce débordement d’eau sert de point de départ au parcours d’une auteure de théâtre qui décide d’en « apprendre plus » sur l’eau et qui finit par s’engager dans une lutte citoyenne pour sauver de la fermeture la RLE, la Région des lacs expérimentaux, un centre de recherche canadien qui suit de près l’effet des changements climatiques et de la pollution sur les cours d’eau et la vie aquatique. Ainsi, la mère de famille, sous prétexte d’écrire une pièce de théâtre sur l’eau, décide d’impliquer sa famille dans sa quête de vérité et d’éduquer ses enfants à travers sa propre expérience, avec son lot de déceptions. La discussion sur l’eau s’amorce avec le plombier venu gérer la « crise » à la maison pour culminer au-dessus des sites de forage à Fort McMurray. Du bas de l’entonnoir avec le plombier et sa vision pragmatique, on aura vite fait de se rendre aux enjeux cruciaux et complexes sur l’eau et dissimulés au grand public par les dirigeants et les discours politiques.

Tout au long de la pièce (d’une durée de trois heures avec entracte), le jeu des comédiens est remarquable. Et outre leurs changements de costumes quasi-imperceptibles sur scène, il faut souligner qu’ils déplacent les objets du décor eux-mêmes dans une espèce de chorégraphie surréaliste. Les projections au mur dynamisent également la pièce. Le texte est riche en questionnements et les propos, souvent appuyés par des faits, des statistiques et des extraits d’archives…

La pièce Le partage des eaux est une invitation à l’engagement citoyen. On y traite du musellement des scientifiques, de l’importance des convictions, de la nécessité d’agir ensemble, du discours économique hypnotique, des priorités capitalistes, de la vraie démocratie… Elle nous invite à ne pas fermer les yeux et à nous manifester dans la sphère publique afin d’incarner nos idéaux et à préserver ce que le monde a de plus précieux: ses richesses naturelles. Car la poursuite de l’idéal ne conduit pas à « la guerre, mais à la révolution »…

Le partage des eaux, du 17 au 28 novembre à l’Usine C

Texte Annabel Soutar

Traduction Fanny Britt

Mise en scène Chris Abraham

Comédiens Geneviève Alarie, Florence Blain Mbaye, Bruce Dinsmore, Alex Ivanovici, Jean Marchand, Tara Nicodemo, Lise Roy, Amélia Sargisson

Production Porte Parole
Coproduction Crow’s Theatre