Monumental, aux prises avec les limites

Monumental
Monumental

De la grande visite réunie sur la scène du Grand Théâtre de Québec pour une seule représentation le 15 avril 2016. Le band Godspeed You! Black Emperor (GY!BE) se joint à la compagnie Holy Body Tattoo pour le concert-performance monumental. Déjà acclamé par le passé à l’international, le spectacle continue son onde de choc au Québec. Les fondateur et co-fondatrice de Holy Body Tattoo, Noam Gagnon et Dana Gingras, chorégraphes de monumental, ont aussi grandement contribué à l’essor de la danse canadienne ces deux dernières décennies en collaborant avec des artistes de renom comme le réalisateur William Morrison et le groupe The Tiger Lillies.

Monumental est d’abord et avant tout une contestation de la conformité, une tentative de se dissocier des silos créés par une société capitaliste et individualiste. Il met en scène neuf interprètes prêts à se lancer dans le vide, à se libérer des blocs sur lesquels ils sont confinés pour danser. Cette chorégraphie majoritairement  circonscrite met en lumière une angoisse générale de l’Homme dans son mode de vie privé de spontanéité. Une gestuelle militaire, parsemée de tics, à travers laquelle s’insèrent des cris du cœur déchaînés et des hara-kiri, une preuve indéniable de notre soumission à la résilience. Sur scène, neuf êtres seuls s’essoufflent sur place, en quête de l’autre, de l’ailleurs, de plus loin, alors qu’une fois délivrés, ils s’ostracisent, se repoussent, se livrent à des batailles auxquelles seuls l’éloignement et la solitude peuvent mettre un terme. Paradoxe.

Noam Gagnon, chorégraphe
Noam Gagnon, chorégraphe

Des blocs qui rappellent les cubicules des employés de bureau, les condos tous pareils et minuscules des citadins, qui rappellent l’existence parallèle sans intimité, l’individualisme, la division des peuples… Des costumes au goût du jour et aux couleurs sobres, conformes aux règles vestimentaires convenables… Un éclairage qui accentue le cloisonnement des artistes sur leur socle… Des projections d’images qui étalent la réalité métro-boulot-dodo au grand jour… Des sous-titres comme des vérités sur ce qui est commun et la plupart du temps, tu. Bref, monumental véhicule une dénonciation du mode de vie actuel dirigé par l’envie, le pouvoir et la cupidité et place le spectateur devant un miroir sensibilisateur.

GY!BE est composé de huit musiciens sur scène, un apport indiscutable à la valeur du spectacle. Le groupe post-rock, lui-même connu pour son idéologie anticapitaliste et engagée, consolide le thème de monumental de l’anticonformité et de l’assujettissement à un mode de vie qui s’éloigne des valeurs morales. Les longues plaintes des guitares électriques accompagnent harmonieusement le rythme effréné des percussions et du violon. L’effet percutant du live dans un concert-performance comme celui-ci rend l’ensemble de l’interprétation encore plus vivante et touchante.

En général, monumental provoque volontairement de l’irritation auprès des spectateurs, agacés par les tics incessants, les mouvements brusques, les chutes douloureuses des danseurs. Face à leur réalité exacerbée, certains sont mi-figue mi-raisin, d’autres acclament haut et fort la démarche, mais aucun n’en sort indifférent.

En collaboration avec la Rotonde

Crédits photos : Photo 1 Yannick Grandmont

Photo 2 Belle Ancell

Chorégraphie: Dana Gingras, Noam Gagnon / Interprètes: Caroline Gravel, Louise-Michele Jackson, Kim De Jong, Shay Kuebler, Louis-Elyan Martin, Esther Rousseau-Morin, Sovann Prom Tep, Micheal Watts, Jamie Wright / Musique: Godspeed You! Black Emperor / Texte: Jenny Holzer / Film: Dana Gingras, William Morrison / Conception lumières: Marc Parent / Photos: Gilles Berquet, Belle Ancell, Chris Randle