Peepshow, une fenêtre ouverte sur nos peurs, nos pulsions de désir. Monia Chokri hypnotise le public par sa performance magistrale. Marie Brassard crée une poésie théâtrale innovatrice.

Peepshow
Peepshow

Dix ans après sa création, le troisième spectacle solo de Marie Brassard, Peepshow, fait partie des incontournables du Carrefour international de théâtre, avec comme distribution cette fois-ci la très talentueuse et polyvalente Monia Chokri.

Résumé

Dans la forêt, une enfant égarée se réjouit lorsqu’elle rencontre un monstre. Ainsi débute l’histoire de Beautiful, Petit Chaperon rouge des temps modernes qui, déviant de son chemin, croisera des personnages surprenants aux prises avec leurs pulsions de désir. Entre regard furtif et exhibitionnisme, certains d’entre eux se laisseront déjouer par les sentiments provoqués par la pureté d’une rencontre singulière. Beautiful prendra-t-elle la main du grand méchant loup? 

Quand on pense au mot peepshow, on imagine une ouverture, une fenêtre qui s’ouvre et se ferme pour nous permettre d’entrevoir une partie d’une scène intime, interdite même. Or c’est un peu le principe qu’a voulu reprendre Marie Brassard avec ce spectacle solo, où une seule interprète est sur scène, mais surtout, elle est accompagnée de la musique du compositeur Alexander MacSween et la transformation de sa voix nous hypnotise. Les éclairages et les images parfois projetées sur l’écran en arrière-scène ajoutent au sentiment de poésie enivrante ou à l’occasion cauchemardesque,  que les histoires des divers personnages représentés par Monia nous racontent.

Monia Chokri
Monia Chokri

La pièce débute avec Chokri qui raconte une version modifiée du Petit Chaperon rouge, où le méchant loup devenu grand-mère, amène la fillette à se dénuder avant qu’il ne la mange goulument (avec sons amplifiés, pour ressembler à des orgasmes délirants).  Par la suite, plusieurs histoires sont racontées, par petits bouts, sans jamais vraiment se terminer. On est témoin de scènes diverses, impliquant Monia dans ses divers personnages qui se parlent, s’interpellent. Chokri est sublime dans sa transformation d’un personnage à l’autre, avec ses mouvements amples, telle une danse, qui nous amène à voir parfois l’homme, parfois l’enfant, ou la jeune fille.

Les histoires évoquent toutes formes de désirs. Il y a cette jeune adolescente qui attire le regard d’un inconnu qui la suit dans des lieux publics, sans jamais lui permettre de la toucher. Il y a aussi cette histoire où cet homme donne des conseils sur la manière de mettre fin à un couple. Ou encore cette petite fille qui tente d’impressionner son enseignante, mais se fait déjouer par la trop grande évidence des réponses recherchées. Ou bien encore cette femme qui se mutile, ou même encore cette personne qui aime prendre en photo la femme attachée et vêtue de cuir. Bien que ce soient parfois des images fortes liées à la sexualité, que l’on sous-entend, il n’y a aucune image choquante visible, aucune nudité, tout est dans l’imaginaire. Même que du côté des costumes, Monia en ajoute plutôt que d’en enlever. Au fil de sa performance, elle ajoute des amas de tissus, tels de la dentelle ou des amas de plumes, sur sa petite robe vaporeuse, blanche, légère. Si bien que peu à peu, elle se transforme et son corps devient sans forme, comme un oiseau à plumes blanches.

La poésie est omniprésente, mais il y a aussi une bonne dose d’humour, créé parfois par les dialogues, ou encore par l’incongruité de la voix masculine versus le corps si léger et fluide de la jeune Monia.  Le public est hypnotisé par les mouvements de Monia, telle une chorégraphie, et obnubilé par les nuances de sa voix.

Peepshow
Peepshow

À la fin du spectacle, il y a eu un entretien avec Marie Brassard, Monia Chokri et Marie Gignac, sur la création de cette pièce. Marie Brassard parle de sa vision de la création avec une infime passion. Pour elle, les arts visuels et la musique sont des moteurs de création. Elle mentionne que ce spectacle a utilisé le processus d’improvisation pour créer ses petites histoires. Et ces histoires sont grandement autobiographiques. Elles ont été remaniées et romancées, mais au départ, cela a pris naissance dans une anecdote vécue par Marie. Par exemple, l’histoire de la jeune fille qui est suivie par cet homme, sans qu’ils ne se parlent jamais. Cela est vraiment arrivé à Marie étant plus jeune.

Aussi, Marie explique comment elle aime utiliser la technologie pour créer différents sons et sonorités. Dans ce spectacle, elle utilise des technologies d’amplification et de modification de la voix pour faire co-exister dans le même corps une multitude d’âmes et pour évoquer une infinité de récits. Ainsi, lorsque Monia parle, c’est parfois un homme, une enfant, une jeune fille que l’on entend. Monia explique que c’est très fragile comme processus et qu’elle doit bien articuler et elle a dû faire des efforts pour parler exactement d’une certaine manière pour obtenir le bon son au bon moment. Elle mentionne aussi que le fait de changer d’intonation de voix, l’aide à se sentir comme un autre personnage. Cela ajoute du coffre, des épaules, de la carrure, lorsqu’elle s’entend avec une voix d’homme.

 En résumé, Peepshow, c’est une fenêtre ouverte sur nos peurs, nos pulsions de désir. Monia Chokri hypnotise le public par sa performance magistrale. Marie Brassard crée une poésie théâtrale innovatrice.

Pour la galerie de photos :  https://www.flickr.com/photos/infoculturephotos/albums/72157666629218223

 

À la Salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec les 1er et 2 juin.

Déconseillé aux moins de 16 ans

Texte et mise en scène : Marie Brassard

Avec Monia Chokri
et le musicien Alexander MacSween

Assistance à la mise en scène : Emanuelle Kirouac
Dramaturgie à la création : Daniel Canty
Scénographie : Simon Guilbault
Éclairages : Sonoyo Nishikawa
Costumes : Ying Gao
Musique : Alexander MacSween
Sonorisation et traitement sonore : Frédéric Auger
Réalisation vidéo et montage : Pascal Grandmaison
Maquillage et coiffure : Angelo Barsetti

 

Régie éclairages et vidéo : Dominique Cuerrier
Régie son : Maxime Lambert
Direction technique : Frédéric Auger et Éric Locas
Production Infrarouge

Cette nouvelle version du spectacle Peepshow, originalement créée par Infrarouge, est une co-production de INFRAROUGE et ESPACE GO.

http://www.carrefourtheatre.qc.ca/

 

http://infrarouge.org/