Gourganes, un premier roman pour Alexandra Gilbert, un beau coup de cœur pour moi!

Gourganes
Gourganes

Gourganes est le premier roman d’Alexandra Gilbert.  Dans ce roman à la fois poétique, avec une touche d’humour parfois grinçant, et surtout réaliste, on suit le personnage de Fille, gestionnaire de projets internationaux (comme l’auteure d’ailleurs), entre ses souvenirs d’enfance dans son Village québécois, et son exil à Kaboul en Afghanistan. Une histoire qui raconte la relation difficile (c’est peu dire) entre une mère surprotectrice et sa fille en quête d’évasion. Mais c’est aussi une belle histoire d’amour entre une jeune femme et un territoire peu connu, Kaboul en Afghanistan.

Résumé
Une Fille grandit dans l’ombre d’une Mère qui invente un monde dangereux pour la retenir le plus longtemps possible au Village. Sa fuite se profile : elle se rendra dans une véritable zone de conflits, en Afghanistan, pour aider un pays décimé par la guerre. Mais elle y découvrira, avec la soupe aux gourganes de son enfance, d’étranges ressemblances avec le Village et les êtres plus grands que nature qu’elle a quittés. Rentrée au Québec, réussira-t-elle sa propre reconstruction ?

Extrait : «Probablement que pour la seule fois de ta vie tu allais avoir une véritable raison de t’inquiéter à mon sujet. Tu allais développer-dans-ta-tête-toute-seule-comme-une-grande des tas de scénarios catastrophes, pour une fois aussi plausibles les uns que les autres.

Cette destination allait me permettre de te faire paniquer. Ça me réjouissait secrètement.

Un conflit armé, un vrai, entre nous deux.

Le rêve.

J’allais enfin réussir.

À aller le plus loin possible de toi maman.»

En lisant cet extrait, on peut aisément croire que cette jeune femme qui tente de couper brutalement le cordon ombilical est une fille ingrate et méchante. Cependant, plus on apprend à connaître son passé, ses souvenirs d’enfance et sa relation houleuse avec sa mère, dont les délires de surprotection sont hallucinants, on change rapidement d’opinion et on se rallie à son choix de Kaboul comme endroit d’évasion.

J’ADORE la plume d’Alexandra Gilbert. J’ai rarement eu un tel coup de cœur pour une auteure.

J’aime beaucoup l’originalité dont fait preuve Alexandra dans son récit. Tout d’abord, ses personnages de fiction n’ont pas de réels prénoms. Il y a Mère Grand, Fille, maman, papa, Tonton Anarchiste, l’Ami, Chauffeur et Collègue. Même chose pour les endroits fictifs, on retrouve le Village, Cinq-Roches-des-Eaux-Nettes, l’Isle-Lette, Le-Petit-Proc-Joli, Village-des-Bourgots. Par contre, tous les endroits et personnes réelles sont bien identifiés, comme Kaboul, le Vieux-Québec, Lady Di, Kadhafi, etc.

J’adore aussi les personnages succulents, dysfonctionnels à souhait, que nous a créés Alexandra. Le Tonton Anarchiste porte effectivement bien son nom. Ses monologues sont épuisants, mais lorsqu’on les juxtapose aux monologues de Mère Grand qui n’a que la royauté du Paris Match dans la bouche, c’est jubilatoire!

Mais le personnage le plus coloré, à la fois triste, pathétique et un peu déprimant, est celui de la mère au délire incessant, sur les dangers de sortir de la maison, de s’éloigner d’elle. Elle est tellement «over the top» que cela en est presque risible, mais O combien étouffant!

«Pas question de prendre l’autobus, les chances que le chauffeur fasse un accident sont très élevés. Le covoiturage? Pour qu’on te mette la main aux fesses ? Beaucoup trop risqué. Oublie pas que chaque fois que tu sors de la Maison tu augmentes le risque de te faire enlever….» Il n’est donc pas surprenant que par dépit, Fille en arrive à choisir Kaboul comme destination de rêve. Tant qu’à avoir peur du danger, aussi bien aller dans un endroit où cette peur est justifiée.

J’aime aussi qu’Alexandra nous raconte la vie à Kaboul pour ces gens étrangers qui, comme l’auteure, viennent y passer une partie de leur vie, dans des emplois de projets de développement international. C’est extrêmement captivant de voir comment ils vivent, autrement que par les nouvelles qu’on entend à la télé. Et comme la plume d’Alexandra est vivante et vibrante, on sent tout son amour pour ces gens-là.

Et il y a les gourganes, mais surtout le rituel de la soupe aux gourganes. Probablement le souvenir d’enfance de Fille qui n’est pas lié aux délires de danger de sa mère. Et étrangement, des gourganes, il y en a aussi en Afghanistan, et la soupe aux gourganes y est aussi bonne qu’ailleurs. Et l’épilogue de ce livre est un bel hommage justement à cette gourgane et une belle leçon de vie.

Alexandra Gilbert
Alexandra Gilbert

Alexandra Gilbert détient un baccalauréat en études littéraires de l’Université Laval et une maîtrise en géographie de l’UQAM. Née à Montmagny, elle est depuis toujours attirée par la route, séjournant dans plus de trente-cinq pays, dont l’Afghanistan, le Mali et Haïti, alors qu’elle conçoit et gère des projets de développement international. Alexandra se trouve d’ailleurs actuellement au Burkina Faso pour un court séjour dans le cadre de son travail.

Date de parution : septembre 2017
Sujet : Littérature québécoise
Nombre de pages : 224 pages
Prix : 22,95 $ 

Éditions Stanké

http://www.editions-stanke.com/