Depuis trente ans, Denis Péan et sa bande de musiciens vagabonds de Lo’Jo écrivent un véritable esperanto musical et font voyager une caravane ensoleillée qui nous emmène de bivouac en bivouac. On y emprunte des chemins bigarrés, on y chante des refrains chamaniques et polyglottes, on y croise des rayons de soleil et des nuages de poussière. Un sacré « bazar savant » avec henné et barbe à papa, muezzins et camelots à découvrir sur leur nouvel album Fonetiq Flowers enregistré aux quatre coins du monde avec la participations de nombreux amis comme Albin de la Simone, Erik Truffaz, Sarah Murcia, Max Usata, Alex Cochennec…
Après plus d’une quinzaine d’albums enregistrés depuis le début des années 80, des centaines de concerts sur tous les continents, des collaborations prestigieuses (Robert Plant, Tinariwen, Robert Wyatt, Archie Shepp…) et une aura que plus grand monde ne songerait à contester, le groupe angevin réécrit l’histoire. Ou presque. On retrouve bien entendu ici ou là les grands marqueurs de l’esthétique de l’orchestre emmené par Denis Péan, mais un souffle inédit traverse bel et bien ces treize titres enregistrés aux quatre coins du monde (Austin, Lafayette, Séoul, Tbilissi, Cotonou, Paris et Bamako). Paradoxalement, c’est pourtant probablement leur disque le moins « ethnique » malgré la présence d’un kayagum coréen, d’un panduri géorgien, d’un daf iranien, d’un rik ou d’un oud, et certainement le plus électro-acoustique de leur discographie. Peut-être parce que le groupe a invité le touche-à-tout Albin de La Simone à venir ajouter des couleurs avec ses claviers hétéroclites ? Ou peut-être parce que LO’JO y a simplement osé de nouvelles envies qui le taraudait depuis longtemps ? Qui aurait par exemple imaginé un jour entendre un duo avec le rappeur du groupe suisse Puts Marie (« Noisy Flower ») ?On écoute parfois d’une oreille distraite un ami de toujours, croyant deviner à l’avance ses paroles à venir. On achète parfois sans le lire le dernier livre d’un auteur installé qui avait pourtant durablement secoué notre adolescence. On oublie que les gens évoluent, progressent, changent, se rebiffent, vivent. On oublie que l’existence n’est souvent qu’une succession de renaissances. Ce [FONETIQ FLOWERS] nous rafraîchit soudainement la mémoire, car le groupe LO’JO y donne l’impression d’éclore à nouveau.
L’image de Tom Waits ou de Nick Cave, LO’JO refuse la course contre le temps qui passe et décide d’emprunter des chemins de traverse, qui lui permettent apparemment de passer d’une vie à l’autre, sans jamais flétrir.