« Betroffenheit » pour clore le FTA, au Centre Pierre-Péladeau à Montréal

Betroffenheit © Michael Slobodian
Betroffenheit © Michael Slobodian

Être brutalement atteint d’un total accablement, à la fois physique et moral, à la suite d’un événement épouvantable et incompréhensible qui bouleverse l’entièreté de la vie et lui ôte tout son sens : cela peut arriver à tout le monde, à n’importe quel moment de l’existence, et c’est précisément ce qu’a vécu le personnage principal de Betroffenheit, celui interprété par Jonathon Young et inspiré de son histoire personnelle. Par quels sentiments passe-t-on dans de telles circonstances? Que dire et que faire de ce qui transforme radicalement le passé, et sur lequel il n’y a pas moyen de revenir? Comment reprendre pied dans le cours de la vie?

Betroffenheit, c’est un vrai mixte de théâtre et de danse contemporaine, avec des danseurs virtuoses mais qui sont aussi des acteurs, des dialogues, des décors et toute une mise en scène pour permettre au spectateur de saisir au plus près l’abattement du protagoniste et sa remontée vers la vie, une vie qui ne sera sans doute jamais plus la même. Le spectacle se découpe en deux parties. Si le personnage atteint par la catastrophe est recroquevillé dans son coin au début de la pièce et semble sujet à des sortes d’hallucinations qui lui font voir le monde de manière caricaturale et exagérément coloré, dans la deuxième partie après l’entracte, au sein d’un décor radicalement différent, plus sombre et dépouillé, il parait se sentir mieux compris par son entourage et être sans doute capable d’accepter de l’aide pour son retour au monde.

Betroffenheit © Michael Slobodian
Betroffenheit © Michael Slobodian

Dans Betroffenheit, on assiste à l’association de deux grands talents canadiens, celui de Jonathon Young qui a signé le concept et le scénario tout en jouant son propre rôle, et celui de Crystal Pite, la chorégraphe géniale qui s’est occupée de la mise en scène et de toutes les parties dansées. Dans la vie, il arrive que les choses soient encore mieux dites sans l’aide de mots qu’avec des mots. Dans Betroffenheit on a les deux mediums, et cela produit un spectacle à la fois magnifique et plein d’émotions pour dire l’indicible, la douleur, l’incompréhensible, mais pour exprimer aussi quelque chose du burlesque de la vie qui réserve des surprises, parfois pas très drôles, mais qui secouent l’existence comme pourrait le faire un grand éclat de rire, plus nerveux que réellement joyeux…

Dans la première partie on n’est pas loin de la folie. Jonathon Young s’adresse à tout et à n’importe quoi, y compris à une sorte de machine enfermée dans une boite. Dans son univers refermé sur son propre narcissisme, des êtres caricaturaux font irruption – clown grimaçant, double minuscule de lui-même, personnages aux visages sortis de l’art expressionnistes ou de quelque carnaval – amusants peut-être, mais passablement effrayants. Les chorégraphies ressemblent à des shows de Broadway, l’insouciance en moins. L’humour n’est pas absent, mais sur un fond de lourdeur indéfinissable. Dans la deuxième partie, le décor se dépouille et s’obscurcit pour laisser la place à une très haute colonne au centre de la scène sur laquelle une subtile lumière semble être à la disposition du protagoniste pour, éventuellement, sortir de son enfermement. Plus de costumes colorés pour les danseurs. Ils se comportent comme les amis du personnage à secourir par leur seule présence, leur patience à son égard, leur compréhension de ce qu’il doit sans doute ressentir. Les chorégraphies sont splendides et les danseurs incroyablement talentueux. Cette seconde partie est encore plus belle que la première, plus triste aussi. Elle exprime l’infini de la douleur mais qui laisse entrevoir une lumière pour un nouveau départ.

 

Betroffenheit, du 5 au 7 juin 2018 au Centre Pierre-Péladeau, Salle Pierre-Mercure à Montréal

Festival TransAmériques

Un spectacle de Kidd Pivot, Electric Company Theatre

Création Crystal Pite, Jonathon Young

Textes Jonathon Young

Chorégraphie et mise en scène Crystal Pite

Interprétation Christopher Hernandez, David Raymond, Cindy Salgado, Jermaine Spivey, Tiffany Tregarthen, Jonathon Young

Scénographie Jay Gower Taylor Musique Owen Belton, Alessandro Juliani, Meg Roe

Costumes Nancy Bryant

Lumières Tom Visser

Coproduction PANAMANIA – Jeux panaméricains et parapanaméricains de Toronto 2015, Sadler’s Wells (Londres), The Banff Centre dans le cadre du 2015 Performing Arts Residency Program grâce au soutien de The Stollery Family & Andrea Brussa, On the Boards & Seattle Theatre Group grâce au soutien de Glenn Kawasaki, Centre national des Arts (Ottawa), Fond de création CanDanse, Canadian Stage (Toronto), Agora de la danse (Montréal), Brian Webb Dance Company (Edmonton), Dance Victoria Financement province de la Colombie-Britannique, British Columbia Arts Council, Ville de Vancouver, The Vancouver Foundation

Présentation Havas

Création à PANAMANIA, Jeux panaméricains et parapanaméricains, Toronto, le 23 juillet 2015

Information : www.fta.ca