« L’art de la chute » au théâtre La Licorne à Montréal

L’art de la chute © Photo de courtoisie
L’art de la chute © Photo de courtoisie

Intrigue construite au croisement du monde de la haute finance et des grands noms de l’art contemporain, L’art de la chute, est une pièce menée à un rythme effréné, avec cinq acteurs brillants qui incarnent une multitude de rôles différents; une pièce qui permet de voyager de Montréal à Londres ou à New York, et qui offre en plus au spectateur l’opportunité de comprendre facilement, à coup d’exemples ludiques, la crise économique mondiale de 2008 qui a provoqué la ruine de très nombreuses personnes, mais aussi l’enrichissement de quelques-uns.

Alice Leblanc, une artiste québécoise de 34 ans, a obtenu par le biais du Conseil des Arts et des Lettres du Québec une résidence à Londres pour créer une nouvelle œuvre. Nous sommes en 2008, au moment de la crise des subprimes, et une amie d’enfance d’Alice vient de perdre son travail à la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers où elle était employée. Alors que les deux jeunes femmes assistent à la vente aux enchères par Sotheby’s d’une œuvre de l’artiste Damian Hirst (un requin dans du formol), Alice fait une rencontre amoureuse avec un jeune homme qui se révèlera un amateur d’art et aussi un requin de la finance…

Si Alice symbolise l’art, son bel amoureux Gregory symbolise l’argent dont elle manque cruellement. Plutôt que L’art de la chute (ou la chute de l’art), la pièce aurait pu s’intituler, comme il est dit dans le texte : quand la finance couche avec l’art. Car c’est bien de cela dont il s’agit. On est très loin de ce que le grand public estime être la valeur d’un artiste. Dans la réalité qui est présentée dans la pièce, le prix d’une œuvre n’est pas fixé par quelque qualité artistique que ce soit (ou si peu) mais par la valeur qui lui est attribuée dans un encan. Lors d’une vente par Sotheby’s, personne ne souhaite acquérir une œuvre à un prix bas, bien au contraire. Car l’obtenir à un prix très élevé constitue la preuve que l’œuvre est de qualité et possède de la valeur, autant artistique que marchande.

L’art de la chute © Photo de courtoisie
L’art de la chute © Photo de courtoisie

Ainsi, dans L’art de la chute, non seulement on suit tous les protagonistes dans leurs logiques de vie et les différents sentiments qu’ils éprouvent (y compris amoureux), mais on comprend de manière très limpide les multiples facteurs qui ont mené à la crise économique mondiale de 2008, et – ce qui est particulièrement intéressant – toutes les intrications qui existent entre finance et art contemporain.

Dans des décors à géométrie variable, avec des écrans vidéo et une multitude d’accessoires, les acteurs se prêtent à une véritable performance en basculant très rapidement d’un rôle à un autre, en se métamorphosant et en modifiant leurs jeux, leurs langues ou leurs accents. Dans la deuxième partie après l’entracte, la scène du documentaire est absolument géniale et mérite à elle seule qu’on se déplace voir la pièce. Si tout est très bien expliqué pour qu’on comprenne les enjeux de ce monde un peu fou, on en n’est pas moins privé de rires permanents et aussi de réflexions profondes car rien, bien heureusement, n’est présenté de manière manichéenne et tous les personnages se révèlent attachants.

L’art de la chute est une pièce très bien documentée, ludique et très riche en réflexion, une pièce aussi pédagogique et rondement menée où l’intrigue, la mise en scène et les acteurs sont vraiment remarquables.

 

L’art de la chute, du 11 au 29 septembre 2018 au théâtre La Licorne à Montréal

Production Nuages en pantalon – compagnie de création en codiffusion avec La Manufacture

Texte et scénario Véronique Côté, Jean-Michel Girouard, Jean-Philippe Joubert, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Marianne Marceau, Olivier Normand et Pascale Renaud-Hébert

Avec la collaboration au scénario de Claudia Gendreau et Valérie Laroche

Mise en scène et direction de la création Jean-Philippe Joubert

Avec Jean-Michel Girouard, Simon Lepage, Danielle Le Saux-Farmer, Marianne Marceau et Pascale Renaud-Hébert

Coordination de la création Caroline Martin

Espace scénique, costumes et accessoires Claudia Gendreau

Assistance à la scénographie et régie de plateau Claudelle Houde-Labrecque

Éclairages Maude Groleau

Environnement sonore et musique Josué Beaucage

Vidéo Jean-Philippe Côté

Programmation technique Marc Doucet

Informations : https://theatrelalicorne.com/lic_pieces/lart-de-la-chute/