Incendies de Denis Villeneuve

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Encore une fois, Denis Villeneuve, qui nous a fait remémorer les évènements de la Polytechnique, se surpasse en nous présentant Incendies, un autre film coup-de-poing qui nous atteint au cœur.
 
Incendies, c’est l’histoire des jumeaux Jeanne et Simon qui, à la mort de leur mère, apprennent qu’ils ont un frère et un père. Dans son testament, leur mère leur confie la mission de les retrouver. Une quête s’amorce, douloureuse et brutale, qui les plongera dans le passé mouvementé de la famille et les mènera jusqu’au pays de leur naissance, ravagé par la guerre.
 
 
Ce drame coproduit par la France et le Québec, basé sur la célèbre pièce de théâtre du même nom de Wadji Mouawad, ne peut laisser personne indifférent. On est happé rapidement par cette histoire, dont l’intrigue nous mènera à découvrir les magnifiques et troublants paysages de la Jordanie. Campé dans un pays indéterminé du Moyen-Orient (mais qu’on pourrait probablement imaginer le Liban), le spectateur se promène à travers les débris de la guerre, carcasses de voitures brûlées, auvents en lambeaux, ferraille tordue, monceaux de pierres cassées. Puis on nous dirige vers la prison « imaginaire » de Kfar Rayat qui est inspiré de celui d’une vraie prison au sud du Liban. On alterne entre le présent, où les jumeaux tentent de reconstituer la vie de leur mère, et le passé où l’on voit toute l’horreur que cette dernière a vécue.
 
Ce film est parfois difficile à regarder, tant la mort violente, non naturelle, infligée nous rappelle que ce sont des réalités qu’ont vécues les gens de ces pays en guerre du Moyen-Orient. Mais ce film est beaucoup plus qu’une vision de la guerre, c’est une intrigue qui nous tient en haleine, où les revirements et les évènements qui surviennent, nous surprennent, nous choquent parfois et nous frappent en plein visage. Tels les jumeaux qui vont de surprises en étonnements, le spectateur est chaviré par ce qui arrive.
 
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Ce film n’aurait pas autant d’impact sans la finesse du jeu des acteurs. Un excellent choix de la part de Denis Villeneuve que de nuancer les images-chocs avec un jeu très sobre des acteurs. Et quelle performance sublime de ces comédiens de se donner corps et âme pour leurs rôles. Ainsi, on sent toute la force de cette mère (joué magnifiquement par Lubna Azabal) qui tente de briser le cycle infernal de la colère et de la honte, par ses yeux, ses silences, ses chants. On sent toute la fragilité de Simon (Maxim Gaudette dans un tout autre registre que celui de Polytechnique) qui ne retrouve plus ses repères lorsqu’il arrive dans ce pays totalement à l’opposé de son univers habituel.  Et que dire de Mélissa Désormeaux-Poulin dans le rôle de la jumelle qui suit les traces de sa mère, dont les yeux cherchent les réponses, posent des questions et laissent couler les larmes de l’incompréhension et celles du pardon. Il a été important dans ce film de laisser la place au silence et même d’avoir réussi à intégrer deux ou trois petites notes d’humour dans un univers aussi sombre. Je me suis surprise moi-même à me détendre quelque peu, lors d’une réplique de Simon qui m’a fait rire et ainsi désamorcer la lourdeur de ce qui se passait. 
 
Un autre élément qui a permis dès les premières images d’entrer dans cet univers poignant est sans contredit la chanson de Radiohead You and Whose Army?. Cette pièce, on l’entend pendant qu’on nous montre de jeunes garçons se faire raser la tête. Ces enfants-soldats devront suivre leur destin qui semble inéluctablement tracé d’avance. Ils se préparent à faire la guerre. Une autre chanson du groupe Like Spinning Wheels figure dans la trame sonore du film et elle est tout aussi inoubliable.
 
À la sortie de la salle, après le visionnement, les images troublantes me sont restées en tête longtemps, de même que toute la fascinante et angoissante histoire de ces personnages au passé d’horreur et au futur, on l’espère réparateur. Je n’avais pas vu la pièce de Wadji Mouawad, alors l’effet de surprise du dénouement des intrigues m’a complètement bouleversée.
 
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C’est un film à voir absolument. Il est incontestablement mon coup de cœur de l’année!
 
 
Incendies de Denis Villeneuve, sélectionné au festival de Venise, au Telluride Film Festival et au Festival de Toronto est en salle à compter du 17 septembre. Une production de micro_scope, en coproduction avec TS Productions
 
Distribution :
Maxime Gaudette (Simon)
Mélissa Désormeaux-Poulin (Jeanne)
Rémy Girard (Notaire Lebel)
Lubna Azabal (Nawa, la mère)
 
Fiche technique
Réalisation : Denis Villeneuve
Scénario : Denis Villeneuve, d’après la pièce de Wadji Mouawad
Conseillère à la scénarisation : Valérie Beaugrand-Champagne
Photographie : André Turpin
Montage : Monique Dartonne
Musique : Grégoire Hetzel
Supervision musicale : Pascal Mayer
Directeur de production : Sylvie Trudelle
Conception visuelle : André-Line Beauparlant
Costumes : Sophie Lefebvre
Son : Jean Umanski
Supervision montage sonore : Sylvain Bellemare
Supervision effets visuels : Sebastien Moreau, Jean-Francois Bachand
Distribution des rôles : Lucie Robitaille, Lara Atalla, Constance Demontoy
1er assistant réalisateur : Éric Parenteau
Production : Kim McCraw ; Luc Déry pour micro_scope
Producteurs délégués : Sylvie Trudelle ; Stephan Traynor
Co-production : Miléna Poylo ; Gilles Sacuto ; Anthony Doncque (TS Productions)
 Coor. de production : Guylaine O’Reilly
Production associée : Phi Group
Financement : Téléfilm Canada, SODEC, mini-traité Canada-France, Radio-Canada Télévision, Fonds Cogeco, Super Écran, CNC, Fonds Harold Greenberg, crédits d’impôt provincial et fédéral
Distribution : Les Films Christal
 
 
 
 
crédit photos : Les films Séville