Un sofa dans le jardin

 
 
Pour cette deuxième pièce de la saison 2010-2011, le Théâtre de la Bordée propose Un sofa dans le jardin, un texte collectif original du Théâtre Niveau Parking, créé en 1987 et reprit cette année avec une mise en scène de Michel Nadeau pour fêter les 25 ans de cette compagnie de théâtre. Bien que cela fait plus de 20 ans, cette pièce ne semble pas avoir vieilli.
 
Voici un bref résumé de la pièce. Charlotte Baribeau, adolescente verbo-motrice surdouée, passionnée de dinosaures et d’espèces disparues, prend soudain conscience que sa propre famille est en voie de disparition. Assise sur le sofa qui trône au centre de son jardin de banlieue, elle entreprend donc de livrer à la postérité la chronique délirante de son univers familial.
 
Cette pièce a survécu à l’épreuve du temps et semble même plus d’actualité encore aujourd’hui avec entre autres un de ses sujets de l’heure, l’environnement. Le texte a été remanié probablement pour inclure la catastrophe de la marée noire, où le pétrole a fait ses ravages sur les oiseaux. En plus de l’environnement, cela touche des sujets toujours au cœur de préoccupation des gens soit, la carrière au détriment de la famille et du couple, la crise de la quarantaine, la séparation d’un couple qui ne se regarde plus, l’effet de ces chicanes et séparation sur l’enfant du couple. Bref une pièce très actuelle, avec des thèmes dramatiques, traités de façon humoristique, avec quelques pas de danse, un brin de folie et une profusion de rires garantis.
 
 
Le succès de cette pièce repose en grande partie sur le jeu extrêmement physique des acteurs. Marie-Josée Bastien m’épate à nouveau. Elle est tout simplement éclatante, dans ses mouvements langoureux, ses gestuelles sensuelles et son accouchement rythmé sur les pas d’un ballet. À l’opposé, elle n’hésite pas par ailleurs à se cramponner à un cauchemar d’exerciseur au grand plaisir délirant du public dans la salle. Hugues Frenette dont on connaît la capacité de jeu dans l’absurde autant que son immense talent pour interpréter des rôles dramatiques, incarne deux personnages totalement différents. L’oncle Laurent par ses petites apparitions punchées déclenche le rire à chaque fois. Mais c’est son rôle de Giacomo qui fait jubiler le public. Un animateur à la télé, à l’accent tordu et à la sensualité débordante, il est tordant à voir gesticuler dans la télé, pour s’approprier les caresses de Lucille Baribeau (Marie-Josée) tout aussi enflammée. C’est un moment de pur délice dans cette pièce qui fait monter le degré de chaleur dans la salle.
 
 
On a également Marianne Marceau, diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2008, que personnellement je ne connaissais pas, mais qui m’a éblouie par sa fraîcheur et sa capacité d’interpréter de façon si crédible cette jeune adolescente verbo-motrice au quotient intellectuel aussi gros que son amour pour ses parents. Elle me fait penser un peu à Fridolin des Fridolinades, avec son enthousiasme débordant, sa narration enflammée, et en plus, un esprit digne d’Einstein. Un ‘nerd’ Fridolin finalement.
 
 
Nicola-Frank Vachon m’a agréablement surprise dans un rôle plutôt bouffon, alors que je l’ai surtout connu dans des pièces plus dramatiques, moins dans le style absurde. Une belle découverte. Son duo avec Hugues Frenette en début de pièce, pour se disputer sa dulcinée, est divin. Ses autres duos avec Marie-Josée Bastien demandent une grande coordination de la part des deux acteurs. De plus, leurs ébats amoureux ressemblent étrangement à la cour que se font les animaux en période de rut. Ajoutez à cela des mouvements de danse synchronisés et de la musique appropriée en arrière-plan et vous avez toutes les raisons du monde d’en rigoler un bon coup.
 
 
Les chorégraphies de danse sont d’une justesse et d’une bouffonnerie exquise. Il n’est pas surprenant d’apprendre qu’Harold Rhéaume qui a créé la compagnie Le fils d’Adrien danse, en ait supervisé les mouvements.
 
 
Le décor, avec son sofa dans le jardin, représente bien la cour d’une petite famille avec son BBQ, son carré de sable, sa chaise de parterre. Une belle entrée en matière. Au fil du temps, cette cour arrière va se joncher de déchets, de la télé, de l’exerciseur et autres bagages encombrants qui vont miner la vie de cette petite famille. Une belle métaphore de la vie, à même le décor.
 
La mise en scène de Michel Nadeau brille par son ingéniosité, sa finesse et son bon goût. Son adaptation de cette création de 1987 à l’actualité du jour et sa façon de traiter des sujets plutôt dramatiques sous le biais de l’humour et de la danse vaudevillesque est un pari qu’il a naturellement gagné. On ne peut maintenant que souhaiter qu’il revisite d’autres de leurs premières créations au Théâtre Niveau parking, pour en faire profiter une nouvelle génération d’amateur de théâtre.
 

Pour l’occasion, mercredi le 3 novembre, La ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Mme Christine St-Pierre était sur place pour voir cette pièce, de même que le directeur du Théâtre de la Bordée, M, Jacques Leblanc, que j’ai entendu rigoler bien franchement, assis juste devant moi dans la salle.

   
Durée de la pièce : 1 h 45 avec entracte.
 
 
 
Présenté au théâtre de la Bordée, jusqu’au 27 novembre 2010 à 20 h, sauf les mardis, mercredis et jeudis à 19 h 30.
 
Billets : 22$ à 32$
Billetterie : 418-694-9721
 
Texte de
Marie Brassard
Lorraine Côté
Josée Deschênes
Benoît Gouin
Pierre-Philippe Guay
Michel Nadeau
Jack Robitaille
Mise en scène de Michel Nadeau assisté de Véronika Makdissi-Warren
Coproduction du Théâtre de la Bordée avec le Théâtre Niveau Parking
 Avec :
Hugues Frenette : Oncle Laurent et Giacomo
Marie-Josée Bastien : Lucille Baribeau
Marianne Marceau  : Charlotte Baribeau
Nicola-Frank Vachon : Paul-André Baribeau
 
 
Conception :
décor et accessoires : Monique Dion  
costumes :  Marie-France Larivière 
éclairages : Lucie Bazzo
Supervision des chorégraphies : Harold Rhéaume
Musique : Robert Caux  
Maquillage : Marie-Renée Bourget-Harvey
 
 
 
 
crédit photos : Benoît Roy