entrevues avec les artisans du film Le Bonheur des Autres

Le Bonheur des Autres

J’ai vu, sur invitation de presse, le film Le Bonheur des autres, le premier long métrage réalisé par le comédien Jean-Philippe Pearson, connu comme coscénariste de Québec-Montréal et Horloge biologique et qui met en vedette entre autres Michel Barrette, Louise Portal, Marc-André Grondin, Julie Le Breton et Ève Dancereau, pour ne nommer que ceux-là. Le film prend l’affiche le 7 octobre prochain et mon appréciation du film se trouvera dans la section cinéma dès le 6 octobre.

Entrevues : C’est vendredi le 30 septembre, à l’Hotel Pur que j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec les artisans du film Le Bonheur des autres. Il y avait sur place le scénariste et réalisateur Jean-Philippe Pearson ainsi que le très talentueux Michel Barrette.  Par la suite, samedi le 1er octobre, le film était présenté au Palais Montcalm comme film de clôture du Festival du cinéma de la ville de Québec qui s’est tenu du 21 septembre au 2 octobre 2011. Pour l’occasion, les artisans de ce film (Jean-Philippe Pearson, Michel Barrette, Louise Portal et Stéphane Breton), ont défilé sur le tapis rouge devant le Palais Montcalm.

 

 

Synopsis

Il y a 20 ans, Jean-Pierre (Michel Barrette) quittait la maison laissant Louise (Louise Portal) élever seule les enfants; Marion (Éve Dancerau) et Sylvain (Marc-André Grondin) avaient 10 et 8 ans à l’époque. Pendant des années, il avait été un père absent, mais suite à un rapprochement il croyait que, le temps aidant, ses fautes avaient été oubliées. Au souper d’anniversaire des 29 ans de Sylvain, lorsqu’il annonce à son ex-femme et à ses enfants qu’il a rencontré une jeune femme de 30 ans et qu’ils attendent un bébé, il découvre que rien n’est oublié et encore moins pardonné. Louise, devant le vide de sa propre existence, y voit là une grande injustice. Sylvain comprend qu’il se retrouvera seul à pleurer une relation père-fils manquée et Marion, qui tente sans succès d’avoir un enfant depuis deux ans, se sent bafouée par cette grossesse inattendue.  Le bonheur de Jean-Pierre est un affront à la douleur qui les habite et dont ils lui attribuent la responsabilité. Mais c’est ce même bonheur qui vacille quand la jeune compagne de Jean-Pierre, Évelyne (Julie Le Breton), se demande si elle est vraiment certaine de vouloir fonder une famille avec un homme plus vieux. C’est dans cet enchevêtrement de sentiments, de responsabilités et d’humanité qu’ils découvriront que pour être heureux, il faut apprendre à se réjouir du bonheur des autres. 

Michel Barrette

Questions pour Michel Barrette : Les acteurs disent souvent qu’ils ont moins de difficultés à jouer des rôles qui sont beaucoup à l’opposé d’eux. Dans votre cas, votre personnage semble vous ressembler, ou du moins à des choses que vous avez vécu. Jusqu’à quel point ce personnage vous ressemble ou au contraire est différent de vous? 

Michel : « J’essaie de faire une distinction entre le personnage et moi, car à part le fait que notre parcours est un peu semblable, c’est-à-dire que j’ai refait ma vie, j’ai de grands garçons, 27 ans, 21 ans et 19 ans (demain le 1er octobre) et mon petit dernier de 5 ans, (Michel pointe sur son poignet les bracelets, un à un, qui représentent chacun de ses garçons) ce personnage ne me ressemble pas. Je n’ai pas tendance à tout décider comme mon personnage. Ce n’est pas le rapport que j’ai avec ma femme du tout. Là où ça me rejoignait beaucoup, c’est le droit au bonheur. J’ai déjà été celui qu’on a laissé et j’ai déjà été celui qui laisse. On quitte quelqu’un lorsqu’on n’est pas bien dans une situation. On ne le fait pas pour rendre l’autre malheureux, mais pour avoir son propre bonheur. Et c’est ce que ce film démontre. Au début du film, mon personnage n’est pas aimé de son beau-père, car je lui vole sa fille, ma fille m’en veut, car ma blonde est enceinte. Mon ex elle, 25 ans après, n’est pas remise de notre séparation. Mais rapidement les situations changent, car tout le monde est obligé de se positionner dans cette histoire là. Et peu à peu, on voit l’effet miroir de chaque situation et on se rend compte que ce n’est pas à mon personnage qu’impute le bonheur des autres membres de sa famille. Chacun a sa propre part de responsabilité. Tout n’est pas blanc ou noir. » 

Question : Est-ce  que cela a été difficile pour certaines scènes à jouer? 

Michel : « Dans certaines scènes, ce fut assez difficile. Exemple : Lors d’une des scènes dans le passé, lorsque j’annonce à mon petit garçon que papa va quitter maman et s’en aller. À ce moment-là, pour la scène, je n’avais pas mes lunettes. Et quand je n’ai pas mes lunettes, je vois flou. Alors, le petit gars, quand je me suis approché de lui, je voyais mon propre fils, car ce n’était qu’une silhouette que je voyais. Et ça m’a bouleversé. J’avais l’impression de dire à mon fils de 5 ans que je quittais sa mère, chose que je ne ferai surtout pas. Dans ces situations-là, lorsque la fiction rejoint la réalité, c’est très troublant. Il y a quelques scènes comme cela que j’ai eu l’impression d’avoir déjà vécu. Mais la comparaison s’arrête là. Car Jean-Pierre n’est pas Michel Barrette et Michel Barrette ne veut pas être Jean-Pierre. »

Michel Barrette

Question : Avec Jean-Philippe, qui en est à sa première réalisation, comment cela s’est-il passé?

Michel : « C’est comme s’il en avait fait 50 réalisations avant. C’était merveilleux. Il était très relax, à l’écoute. Un plateau très calme. On ne l’a pas senti perdre ses moyens. Il a demandé des conseils au directeur photo Steve Asselin et il a eu l’humilité de questionner parfois divers plans. Et au niveau de la direction d’acteurs, il est acteur lui-même. Alors, on a parlé, on a proposé des choses. Il aimait cela qu’on lui propose d’autres avenues pour voir. C’est intéressant d’avoir un réalisateur qui sait où il s’en va, mais qui accepte également quelques propositions.» 

Question : Et avec les autres acteurs sur le plateau, comment c’était? 

Michel : « Cela s’est très bien passé, car ce sont tous des acteurs de talent. Il y a une chose qui m’a touché, durant le tournage. Tout le monde le sait, je viens du Saguenay Lac St-Jean comme Louise Portal, comme Germain Houde. Or moi, lorsque j’étais flo et que je n’étais pas acteur du tout, je voyais Louise et Germain à la télé et dans les films. Si on m’avait dit qu’un jour j’allais leur donner la réplique, je n’y aurais pas cru. Alors, il y avait un gamin en moi qui était très content de jouer à ce jeu-là. C’est fascinant quand même, une minute on parle de la température, et l’autre minute, on dit action et les deux personnages renaissent. Il y a quelque chose dans le regard qui change. Ils se regardent différemment. C’est magique! » 

Question : Et d’autres films pour vous? Ça vous intéresse? Et le stand-up? 

Michel : « Depuis trois ou quatre ans, j’ai beaucoup tourné (Maurice Richard, Alys Robi, Origine d’un Cri, le Poil de la bête et ce film-là). Et je suis content qu’on me propose des choses complètement différentes et loin de la comédie et c’est cela qui me fait plaisir. Quand tu as fait rire les gens pendant 28 ans, t’es content de voir qu’on pense à toi pour autre chose. Mais je continue quand même mes grimaces, je ne peux pas m’en empêcher. J’aime trop cela faire rire les gens. Donc je continue à faire de la scène. Mais depuis que j’ai goûté au cinéma, je veux que ça continue.» 

Michel Barrette, Stephane Breton, Jean-Philippe Pearson, Louise Portal et le producteur

Questions pour Jean-Philippe Pearson : Tout d’abord, j’aimerais vous féliciter pour votre scénario, vos dialogues sont carrément superbes. Comment avez-vous fait pour créer des personnages avec autant de profondeur et ces histoires entremêlées?  

Jean-Philippe : « Pour faire ce travail, je suis partie de l’idée de base d’une famille qui a vécu un divorce, il y a 20 ans. Et là, l’élément déclencheur du père qui revient et qui annonce que lui va avoir une nouvelle famille. On parle ici, d’une période de 2 mois de vie de ces gens-là, alors qu’ils ont été silencieux pendant des années. C’est comme si là, ils se rendent compte qu’il faut que des changements s’opèrent dans leur vie. Et on assiste à cette période de changement. C’est sûr que le processus pour faire le film a été assez long. J’ai eu du temps pour écrire amplement. C’est sûr que quand on n’a pas le financement pour le film tout de suite, on est un peu déçu. Mais ainsi, on a la chance de faire une deuxième, troisième et même quatrième réécriture du scénario et on peut peaufiner des trucs. Quand je repense à ma première version, il y a plein de choses que j’ai évacuées, des clichés en fait que je n’avais pas besoin dans le film.. » 

L'Équipe avec Pierre-Karl Péladeau

Question : La distribution du film est géniale. Comment en avez-vous choisi les principaux personnages? Par exemple, est-ce que vous aviez des noms de personnes en tête lorsque vous écriviez? 

Jean-Philippe : « Louise Portal est venue dès le départ dans mes choix. Michel Barrette aussi est venu rapidement dans le décor. Je cherchais un visage moins connu au cinéma. Et pour Michel, c’était un rôle complètement différent de ce qu’il avait déjà fait. On le voit dans un rôle d’un personnage contemporain, normal, avec des préoccupations plus normales. Et Julie Le Breton aussi est apparue rapidement dans la liste, car après l’expérience de Québec-Montréal, je voulais retravailler avec elle. C’était mes trois principaux. Germain Houde c’est venue par la suite. C’est tellement un beau concours de circonstances qui m’a amené à travailler avec lui. Et je suis très content de la façon dont il a livré son personnage. Il est très fort. Et pour les autres, Éve Duranceau et Stéphane Breton ont été sélectionnés par audition, selon la chimie et la couleur qu’ils avaient à apporter au rôle. »

Question : Un premier film, tout seul, sans vos acolytes des deux films précédents? Était-ce aussi difficile que vous pensiez?

Jean-Philippe : « Ce fut aussi dur, sinon plus que je pensais. C’est assez difficile d’écrire seul. On se retrouve vraiment isolé dans notre monde. D’ailleurs, durant tout ce processus, c’est ma blonde qui avait hâte que cette famille me sorte de la tête. Mais vois-tu, en processus d’écriture, le scénario ne peut faire autrement que m’habiter totalement. Je cherchais constamment à savoir comment mes personnages pouvaient réagir, tout en restant crédibles et réalistes. » 

Louise Portal et PKP

Question : Louise Portal joue un rôle magnifique. Dans certaines scènes, je n’ai pu m’empêcher de penser au film Le Déclin de l’empire américain. Était-ce voulu, un genre de clin d’œil à ce film, avec ces scènes sado-maso? 

Jean-Philippe : « Non, en fait c’est probablement quelque chose d’inconscient. Dans sa situation, Louise aurait pu choisir d’aller consulter un psy et discuter, mais au niveau cinématographique, cela aurait été moins intéressant que ce que j’ai choisi comme parcours pour elle. Je n’avais donc pas fait de lien avec le déclin, et c’est elle qui m’a dit que c’était le fun de jouer cela, puisque ce serait l’occasion de boucler la boucle de cela. Elle a peut-être un petit côté en elle qui inspire ce genre de scène (hihi!).  » 

Question : J’adore la chanson d’Aznavour à la toute fin, et surtout, j’adore le dénouement du film, de la façon dont vous le présentez pour amener le public sur une fausse piste, jusqu’à la toute fin. Est-ce que la chanson s’est imposée dès le début? 

Jean-Philippe : « Non, en fait, j’avais une autre chanson en tête. Une chanson en anglais et au montage, mon monteur l’avait essayé et on trouvait que cela ne fonctionnait pas vraiment. Et c’était le premier montage que je devais faire voir aux producteurs. Pendant le tournage, j’avais entendu une fois la chanson d’Aznavour (Il faut savoir)  en voiture et je me disais que j’aimais bien cette chanson-là. Je me l’étais gardé de côté et c’est là que j’ai demandé au monteur d’essayer avec cette chanson. Alors, il a fait un montage rapide avec, car on devait le présenter aux producteurs. Après ce moment-là, il n’a jamais été question de la changer, car elle fonctionne bien. On a à peine ajusté le montage un peu et on dirait vraiment que la chanson narre ce qui se passe à l’écran. » 

Le Tapis Rouge du Festival

Question : Le film est présenté en clôture du festival du cinéma de la ville de Québec. Est-ce que cela vous plait? 

Jean-Philippe : « C’est sûr! En plus que je viens de Québec. Je suis très content que ce soit dans le cadre du festival, au Palais Montcalm que ce soit présenté c’est merveilleux! Je suis venu pour l’ouverture du festival et j’ai trouvé cela très beau comme endroit, depuis qu’il a été rénové. Le Palais Montcalm, je connaissais bien cela, puisque j’ai commencé là, il y a 15 ans, un spectacle d’impro performance en 1996, avec Patrice Robitaille entre autres, au petit café spectacle, un endroit de 70 places. Et là, je vais présenter mon film dans la grande salle du Palais Montcalm, c’est merveilleux!» 

Le film prendra l’affiche dans la salle du Québec le vendredi 7 octobre 2011. 

Distribution : 

Michel Barrette : Jean-Pierre

Louise Portal : Louise

Julie Le Breton : Évelyne

Marc-André Grondin : Sylvain

Ève Duranceau : Marion

Stéphane Breton : Yves

Germain Houde : Raymond

Christiane Pasquier : Monique

Isabelle Vincent : Brigitte

Normand Daneau : Benoit

Laurence Dauphinais : Annie

Claude Despins : médecin

 Fiche Technique :

 Scénariste et Réalisateur Jean Philippe Pearson 

Produit par Christian Larouche et Les Films Christal 

Producteur déléguée : Valérie Allard

Directeur photo : Steve Asselin

Son : Stéphane Houle, Christian Rivest, Raymond Vermette, Stéphane Bergeron

Direction artistique : Jean Babin

Casting : Daniel Poisson et Pierre Pageau

Costumes : Annie-Karine Gauthier

Montage : Yvann Thibaudeau

Musique Originale : Frédéric Bégin

Superviseur de postproduction : Erik Daniel

 Festival de cinéma de la ville de Québec :

www.fcvq.ca

 http://lebonheurdesautres.com/

Crédit photos : Les films Séville, Lise Breton et André Turcotte