Montréal fait son festival au centre-ville du jazz international

Scène TD
Scène TD

Station Place des Arts.
Je descends et sors du métro, impatient de participer à mon premier Festival International de Jazz.

Arts de rue

Montréal, le jeudi 28 juin 2013. Salle d’exposition de l’Espace culturel Georges-Emile-Lapalme de la Place des Arts.
Vernissage de l’exposition de la Galerie Lounge TD ouvrant la trente-quatrième édition du Festival International de Jazz  de Montréal.

Mon premier aperçu du Festival passe par ledit Espace culturel Georges-Emile-Lapalme, qui abrite pour la troisième année la Galerie Lounge TD, déménagée du deuxième étage de la Maison du Festival Rio Tinto Alcan, elle-même réaménagée en salle de presse entre les murs de laquelle se retrouveront les quatre cent journalistes internationaux accrédités par cent trente-cinq médias, et ce pendant toute la durée du Festival.

Après un tour de reconnaissance parmi les œuvres exposées, mon œil retourne s’attarder en particulier sur :

Crossroads, d’Yves Archambault.
L’artiste en résidence, créateur de Ste-Cat, la mascotte du Festival, s’est inspiré du métissage afro-américain présent dès les premières notes de la musique jazz pour représenter à sa façon le Festival de Montréal, carrefour de rencontre sonore entre musiciens et mélomanes.

Bleu Blanc Rouge, de Serge Lemoyne.
« [J’ai] conduit les intellectuels au Forum et amené les amateurs de hockey à s’intéresser à l’art ! » s’autocongratulait l’artiste militant, lequel a contribué par l’intermédiaire de sa « Période bleu-blanc-rouge », empruntée aux couleurs des Canadiens de Montréal, à rapprocher le petit milieu de l’art et le grand public.

Artiste de rue
Artiste de rue

En sortant du complexe de la Place des Arts, j’ouvre mon sac à dos à la demande de l’un des mille cinq cent étudiants présents sur le site du Festival et qui, vivant pour la plupart leur première expérience professionnelle, en assurent la sécurité.
Les quatorze bénévoles de la Croix-Rouge, répartis sur trois postes de premiers secours, complètent quant à eux le dispositif préventif mis en place par les organisateurs de l’événement.

Ayant immédiatement l’impression d’avoir mis le pied dans un microcosme à la bonne ambiance protégée, je remonte la rue Sainte-Catherine pour m’arrêter à quelques pieds de la scène Rio Tinto Alcan, l’une des six scènes en extérieur avec la TD, la CBC Radio-Canada, la Loto-Québec, la Bell et le Lounge Heineken, auxquelles il faut ajouter La Petite Ecole du Jazz Rio Tinto Alcan et les Jam Sessions du Salon Inspiration.

Je déambule parmi les quelque deux millions de visiteurs venus de Montréal, du Grand Montréal, du Québec, du Canada, des Etats-Unis et du monde entier, tous attirés par la réputation internationale du plus important festival de jazz planétaire, tel que l’a intronisé le Guinness World Records.

Partout sur le site, fermé à la circulation pour l’occasion, des artistes de rue de toutes sortes divertissent les festivaliers par l’intermédiaire de performances spectaculaires et/ou comiques mises en valeur par des costumes hauts en couleur.
Jongleurs, danseurs, choristes, marionnettistes et j’en passe assurent ainsi la première partie, disparaissant sur les coups de sept heures pour laisser l’attention se porter sur les premiers musiciens de la soirée.

Place des Festivals
Place des Festivals

Scènes de fête 

A cette heure-ci, le moindre pied carré est occupé par les familles, les amis et les mélomanes en solo dodelinant, dansant, se déhanchant, transportés par les tunes qui se succèdent sans discontinuer.
Entre Pink Martini pour l’ouverture et Amadou & Mariam pour la clôture, les festivaliers verront ainsi défiler trois cent spectacles divers et variés sur les scènes extérieures.
Les trente membres de la fanfare Mucca Pazza, les deux parties du concert-surprise de The Cat Empire, les « One, two, three. » du crooner Israel Proulx et les trois périodes stoniennes de l’hommage des Porn Flakes feront partie des chiffres à compter au nombre des succès de cette trente-quatrième édition du Festival.

Les concerts payants ne seront pas en reste, cent-cinquante artistes se succédant sur les scènes de quinze salles ayant ouvert leurs portes à l’événement, parmi lesquelles le Théâtre du Nouveau Monde, le Club Soda, L’Astral et le Métropolis.
La Canadienne Holly Cole, les Français de Caravan Palace, les Suédois de Phronesis et les Anglais de The Specials, pour ne citer qu’eux, y enflammeront les foules.

Assis sur les pelouses de la Place des Festivals, je suis la dispute dans le ciel entre la pluie et le soleil, qui durera du début à la fin. Pas de quoi décourager les festivaliers qui, équipés ou non, ne manqueront rien de leurs artistes préférés, en témoigne la masse compacte de parapluies déployés lors de la performance d’Amadou & Mariam, qui n’arrêteront pas de répéter « On va faire la fête ! » contre vents et marées.
En parlant d’eux ; le président et fondateur du Festival International de Jazz de Montréal Alain Simard a souhaité rendre le duo accessible à toutes les oreilles en les programmant sur la scène extérieure principale TD, afin de donner une caisse de résonance à la situation dans leur pays et faire écho à l’appel des deux musiciens à la démocratie au Mali.

Mucca Pazza
Mucca Pazza

Récipiendaires du Prix Antonio-Carlos-Jobim pour le métissage culturel dont ils teintent la musique du monde, Amadou & Mariam ont été les derniers à recevoir leur prix après le compositeur et multi-instrumentiste Charles Lloyd, lauréat du Prix Miles-Davis pour l’ensemble de son œuvre, la chanteuse Holly Cole, lauréate du Prix Ella-Fitzgerald pour son influence sur la scène jazz internationale, le bassiste Alain Caron, lauréat (pour la deuxième fois) du Prix Oscar-Peterson pour son apport à la scène jazz canadienne et le producteur Tommy LiPuma, lauréat du Prix Bruce-Lundvall pour sa contribution au rayonnement du jazz à travers le monde.

Pas de doute possible, c’est bien au son de vibes venues du monde entier que vibre le Festival, dont la programmation arrangée par le cofondateur et directeur artistique André Ménard, le vice-président à la programmation et à la production Laurent Saulnier et la directrice à la programmation Caroline Johnson répond au souhait d’Alain Simard d’enrichir le champ musical des Festivaliers en leur proposant autre chose que ce qu’ils entendent à la radio toute l’année.
Souhait exaucé ; comme beaucoup, je n’arrêterai pas d’être happé par les performances musicales de formations m’étant inconnues mais piquant ma curiosité par leurs performances de qualité.

Après chaque show, je satisferai ma soif et ma faim au comptoir de l’un des cinquante points restauration dispatchés un peu partout à l’intérieur du carré délimité par les rues Sainte-Catherine, Bleury, Maisonneuve et Saint-Laurent, et qui permettent en partie au Festival de s’autofinancer.
Comme tout le monde, je jetterai mes déchets dans l’une des nombreuses poubelles prévues à cet effet, contribuant par mon geste à la récupération de trente-quatre tonnes de matières recyclables qui fait du Festival un événement écoresponsable, en plus d’être l’un des pionniers de la carboneutralité.

Alain Simard, André Ménard, Alain Saulnier, Caroline Johnson
Alain Simard, André Ménard, Alain Saulnier, Caroline Johnson

Notes de fin 

Montréal, le lundi 8 juillet 2013. Maison du Festival Rio Tinto Alcan, salle Stevie Wonder.
Conférence de presse de bilan clôturant la trente-quatrième édition du Festival International de Jazz de Montréal.

Alain Simard, André Ménard, Alain Saulnier et Caroline Johnson sont assis les uns à côté des autres, face à mes confrères et moi-même pour faire le point sur leurs coups de cœur respectifs, parmi lesquels Patrick Watson, « magique », Chrysta Bell, « lynchienne », le « grand » Woodkid et The Scottish National Jazz Orchestra, « tellement classe. »

Les quatre chefs de l’orchestre Equipe Spectra ont ensuite fait parler les statistiques.
La balance est équilibrée. Organisme à but non lucratif, le Festival, même s’il n’a pas « explosé la billetterie », a rempli ses objectifs pour afficher cette année encore un budget d’opération sans déficit.
Les retombées économiques sont d’autre part importantes, l’événement représentant à lui seul soixante-quatre pourcent du PIB de Montréal et générant près de vingt millions de dollars de revenus de fiscalité tombant directement dans l’escarcelle des gouvernements canadien et québécois, qui participent au financement du Festival à hauteur de seize pourcent.

Je note au passage que je fais partie des un million quatre cent mille internautes à avoir visité sa page Facebook et des trente-cinq mille à m’être abonné à son compte Twitter, le Festival se faisant édition après édition de plus en plus actif sur les réseaux sociaux.

Mais ce qui compte surtout pour Alain Simard, ce sont les résultats non calculables.
La cohésion sociale, les rencontres humaines et musiciennes, le rayonnement culturel de Montréal, local, régional, national, international.
Ce qui compte surtout, ce sont les sourires sur les visages et les oreilles rassasiées des festivaliers de tous âges.

34e Festival International de Jazz de Montréal
34e Festival International de Jazz de Montréal

Après avoir serré la main du Grand Montréalais, je ressors de la Maison du Festival Rio Tinto Alcan.
Sur la Place des Festivals, un ballet de tractopelles a depuis le petit matin pris le relais, entrant rapidement en action ; on remballe, on remplit des camions.
La capitale culturelle du Canada, la ville des festivals se réveille après la fête avec la petite mine un peu mélancolique des lendemains.
Mon premier Festival International de Jazz prend fin.

Sans faute, le rendez-vous est pris pour la trente-cinquième édition, qui se tiendra à Montréal du 27 juin au 6 juillet prochains.

Crédits photographiques : Augustin Charpentier